Soins de fin de vie: un projet de loi avant l’été

Québec — Le projet de loi pour encadrer l’aide médicale à mourir sera déposé avant l’été, soutient la ministre Véronique Hivon, qui a reçu l’assurance que Québec avait toute la marge de manoeuvre nécessaire sur le plan juridique pour légiférer en ce domaine.
« Pour nous, il ne fait pas de doute que le Québec a une compétence très large en matière de santé. […] Dans la mesure où tout ce qu’on propose, c’est de la réglementation des soins de fin de vie, on est très à l’aise pour situer ce qu’on propose dans l’ensemble des pouvoirs d’intervention du Québec », a soutenu en conférence de presse l’avocat Jean-Pierre Ménard, qui présidait le comité de juristes experts sur la mise en oeuvre des recommandations de la commission spéciale Mourir dans la dignité.
Dans son rapport de 400 pages, rendu public mardi, Jean-Pierre Ménard constate que, si le gouvernement fédéral intervient en matière de droit criminel pour réprimer certains gestes, comme le suicide assisté, c’est au Procureur général du Québec de porter les charges. « Dans le contexte où le législateur québécois adopte une loi pour encadrer les soins de fin de vie, y inclus une ou des dispositions régissant l’aide médicale à mourir, le Procureur général du Québec pourrait déterminer qu’aucune poursuite ne sera déposée contre quiconque agit en conformité avec les dispositions de la loi adoptée par l’Assemblée nationale. »
Le comité, formé de trois juristes, a été mis sur pied en juin dernier par l’ancien ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, pour éclaircir un certain nombre de points dans le but de suivre les recommandations de la commission spéciale de l’Assemblée nationale du Québec sur la question de Mourir dans la dignité, qui proposait qu’un malade en fin de vie puisse mettre fin à ses jours.
Le rapport, très technique, établit des balises claires afin d’aider le gouvernement à légiférer pour permettre aux médecins d’aider les malades en fin de vie dans un encadrement rigoureux, ce qui n’est pas le cas présentement.
L’aide médicale à mourir doit s’inscrire « dans le continuum des soins de fin de vie » et faire partie des options pour les malades en fin de vie qui répondent à « des conditions très strictes », précise Jean-Pierre Ménard. « L’ouverture qui est faite, elle est petite, petite, petite. »
Ainsi, pour bénéficier d’un tel traitement, une personne doit être atteinte d’une maladie grave et incurable, elle doit être dans un état de dégénérescence avancé, avec des souffrances intolérables que la médecine ne peut pas soulager.
Questionné sur certains cas précis de gens qui ne sont pas nécessairement en phase terminale, mais qui souhaitent s’enlever la vie avec l’aide d’un proche ou d’un médecin, Jean-Pierre Ménard a remis les pendules à l’heure. « On va être clair, là. On ne recommande pas de décriminaliser l’aide au suicide d’aucune façon. […] Ce n’est pas notre mandat. »
Le comité ne s’est pas penché non plus sur les droits des personnes atteintes par exemple de démence ou d’Alzheimer, puisqu’un autre comité, au Collège des médecins, est chargé d’étudier le dossier.
Droits des personnes mourantes
Le comité d’experts recommande que les établissements de santé adoptent des protocoles et des règles de soins, notamment pour la sédation terminale et l’aide médicale à mourir. Ils devraient également modifier leur code d’éthique.
La loi, quant à elle, devra « reconnaître un ensemble de droits aux patients en fin de vie », dont le droit à l’information, le droit à la confidentialité, le droit à l’autonomie décisionnelle et le droit de choisir son milieu de fin de vie.
Dans son rapport, Jean-Pierre Ménard porte également une attention particulière aux personnes vulnérables, afin de s’assurer que personne ne puisse être contraint de prendre la décision de mettre fin à ses jours sous pression.
La ministre responsable du dossier Mourir dans la dignité, Véronique Hivon, soutient que ce rapport va « alimenter significativement les travaux » menant au projet de loi attendu pour les prochains mois. « On travaille intensément sur le projet de loi. L’objectif, c’est de le déposer cette année, avant l’été. »
Pour elle, il s’agit de mettre en place une « vision intégrée » qui inclut une meilleure accessibilité aux soins palliatifs, qui demeurent « la réponse par excellence aux souffrances de la majorité des gens en fin de vie ».
Et malgré la lourdeur de l’appareil étatique, elle affirme que son gouvernement est « très confiant » quant à la réalisation rapide de ces changements structurels du système de santé. « J’ai vraiment le sentiment que le consensus social est très fort, et je dirais qu’aujourd’hui, on a un regard d’experts juridiques qui vient renforcer cette vision. »
Un rapport bien reçu
À la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le président Gaétan Barrette se dit « satisfait » de cet « excellent rapport » qui va simplifier la vie des médecins. « Tout ce qui était relativement tabou et clandestin en terme de soins terminaux […] va être clarifié et balisé, sans possibilités de poursuites. Et, d’autre part, c’est un sujet que les patients et leurs familles vont pouvoir aborder officiellement plutôt qu’officieusement. »
Même son de cloche du côté du Dr Louis Godin, de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, qui attend avec impatience le projet de loi. « Un élément qui va demeurer fondamental, c’est qu’un médecin aura toujours le choix de ne pas fournir une aide médicale à mourir si c’est contre ses convictions personnelles ou professionnelles. »
Le Regroupement provincial des comités des usagers du réseau de la santé et des services sociaux (RPCU) a également fait savoir sa satisfaction à la suite de la publication du rapport. «Si le législateur accepte les recommandations de ce rapport, on rendra plus humaines les décisions difficiles à prendre pour de nombreuses personnes.»
À Ottawa, on a indiqué qu'il n'y avait aucune volonté de rouvrir ce dossier. «Il s'agit d'une question pénible et controversée qui a été débattue de façon exhaustive au Parlement. Nous respectons la décision du Parlement.» Le bureau du ministre Rob Nicholson fait ainsi référence au débat sur un projet de loi bloquiste sur le droit de mourir qui avait été défait à la Chambre des communes au printemps 2010, par une écrasante majorité de 228 voix contre 59.