Demandeurs d'asile - La ministre De Courcy se dit préoccupée

La ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, Diane De Courcy, affirme que Québec tirera la sonnette d’alarme si les effets pervers du projet de la C-31 que plusieurs craignent se font sentir.
Photo: La Presse canadienne (photo) Jacques Boissinot La ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, Diane De Courcy, affirme que Québec tirera la sonnette d’alarme si les effets pervers du projet de la C-31 que plusieurs craignent se font sentir.

Les yeux du Québec seront tournés vers l’entrée en vigueur, dans une semaine, du nouveau système de détermination du statut de réfugié au Canada. La ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec, Diane De Courcy, se dit touchée par le dossier, préoccupée par le sort des personnes concernées et promet une vigilance de tous les instants. Si d’aventure la nouvelle loi produit les effets pervers que plusieurs craignent, comme le rejet massif de réfugiés potentiels, Québec tirera la sonnette d’alarme.

« Je partage un certain nombre des préoccupations des organismes communautaires qui ont une connaissance fine de cette réalité », a confié vendredi au Devoir la ministre De Courcy lors d’un entretien téléphonique. « Et l’une de ces préoccupations, c’est la détention des adultes demandeurs, et la séparation d’avec leurs enfants. Je me demande dans quelle mesure on pourra prendre soin de ces gens dans le respect et la dignité. »


Le projet de loi C-31, qui propose une refonte majeure du système canadien d’octroi de l’asile, que régit la Loi sur l’immigration, crée des catégories d’immigrants, dont certains devront passer par la détention. Malgré une division des responsabilités qui laisse au gouvernement fédéral la majeure partie des pouvoirs en matière d’immigration, Québec ne peut y rester insensible, compte tenu de la proportion de réfugiés - reçus et en attente d’une réponse - qui transitent ici. En 2011, sur les 51 737 immigrants reçus par le Québec, 9,7 % provenaient de la catégorie des personnes réfugiées.


Rencontres troublantes


Dans le cadre d’une récente tournée d’information et de sensibilisation, Diane De Courcy dit avoir été troublée par sa rencontre avec des groupes de réfugiés, surtout des femmes. « J’ai été particulièrement ébranlée par une certaine détresse, voire une souffrance, de femmes réfugiées avec leurs enfants. […] J’ai vu des femmes dans des groupes qui ont tout perdu. Qui ont perdu leur amour, qui ont perdu leur pays, qui ont perdu leurs enfants. C’est très très dur. D’un point de vue humain, on doit tout faire pour leur éviter le plus possible les tracasseries. »


Elle a été si ébranlée par ce qu’elle a vu qu’elle a décidé d’en faire le point d’un entretien qui doit avoir lieu dans une semaine ou deux avec son homologue, le ministre Jason Kenney. Si des embûches dans la mise en oeuvre du nouveau système devaient survenir, elles seront colligées et notées. La ministre De Courcy compte refaire le tour du réseau des organismes en février et faire le bilan pour recommander, s’il y a lieu, des changements.


La vigilance du gouvernement québécois s’exerce en partie déjà depuis les coupes imposées en juin par Ottawa au Programme fédéral de santé intérimaire. Ces compressions frappent de plein fouet les demandeurs d’asile refusés, en plus de ceux tout droit venus de pays d’origine désignés (pays « sûrs »), dont la liste devrait être dévoilée en partie la semaine prochaine.


Un fardeau financier


Plusieurs provinces sont montées aux barricades pour dénoncer cette décision d’Ottawa, qui fait retomber sur elles un fardeau financier supplémentaire. « Nous avons pris la relève pour le manque occasionné par ces coupures, et on compense à hauteur de deux millions par année », explique Mme De Courcy. « Mais ce n’est pas tant une question d’argent qu’une affaire d’inquiétude pour des gens qui ont besoin de soins. Cela fait l’objet de pourparlers et j’aurai l’occasion d’en parler avec mon homologue au cours des prochains jours. »


L’argument économique invoqué par le gouvernement conservateur pour justifier la mise en oeuvre d’une politique destinée à cibler les « abuseurs » du système ne séduit pas Mme De Courcy, qui assure qu’en cette matière, les besoins sont à ce point vastes que si « économie il y a, je vous assure que je serai en mesure de la réinvestir immédiatement ».


Cette vigilance s’exercera dans les limites possibles, précise la ministre. « Nous disposons d’un pouvoir de vigie, de recommandation, d’observation et de soutien aux organismes qui s’occupent des réfugiés. Comme dans toute loi ou tout règlement, le diable est dans les détails. Laissons aller un peu la loi, et si ç’a des effets pervers, on pourra les faire valoir au gouvernement fédéral. Comme vous voyez, je suis très empathique et très intéressée, mais il y a une limite à ce que je peux faire. »


Pas de querelle Ottawa-Québec en vue sur le dossier immigration ? « La confrontation n’est pas ma manière, mais je vous assure que j’ai très bien compris que ce dossier nécessitera toute notre vigilance. »

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