Projet hydroélectrique Muskrat Falls: Québec crie à la concurrence déloyale

Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Alexandre Cloutier, a déclaré que les juristes québécois étudient la possibilité d'intenter des poursuites relativement au soutien de 6,3 milliards au projet de Muskrat Falls.

«On va regarder l'ensemble de l'œuvre et s'assurer que tous les arguments juridiques ont tous été évalués, a-t-il dit lors d'un point de presse. Mais, pour le moment, ce que je veux vous dire, c'est qu'on n'exclut aucun moyen, incluant les recours judiciaires.»

Le ministre a cependant prévenu que des avis formulés précédemment laissent entrevoir une bien «mince» marge de manœuvre sur le terrain juridique.

Soutien financier d'Ottawa

De passage à Happy Valley-Goose Bay, au Labrador, le premier ministre Stephen Harper a signé vendredi une garantie de prêt de 6,3 milliards pour le projet hydroélectrique, dont les coûts totalisent 7,4 milliards.

Ce soutien financier permettra aux gouvernements de Terre-Neuve et Labrador et de la Nouvelle-Écosse d'économiser 1 milliard en frais d'emprunt.

En avril 2001, alors que les libéraux étaient au pouvoir, l'Assemblée nationale avait adopté à l'unanimité une motion condamnant l'engagement fédéral envers le projet hydroélectrique, sur le cours inférieur du fleuve Churchill.

Concurrence déloyale

Vendredi, M. Cloutier a déclaré que le soutien d'Ottawa constitue une concurrence déloyale, puisqu'il favoriserait Terre-Neuve, alors que le Québec n'a jamais reçu d'aide pour développer les infrastructures d'Hydro-Québec.

Le projet de Muskrat Falls, une initiative de la société d'État terre-neuvienne Nalcor Energy et de l'entreprise néo-écossaise Emera, prévoit la construction d'une centrale ainsi que de lignes de transport qui permettront d'acheminer la production électrique jusqu'en Nouvelle-Écosse.

Le gouvernement de Terre-Neuve souhaite exporter sa production jusqu'aux États-Unis, ce qui est contraire aux intérêts du Québec, a indiqué M. Cloutier.

«Je rappelle que les Québécois ont toujours payé eux-mêmes pour leur propre électricité, a-t-il dit. Ça crée de la concurrence déloyale. C'est une décision unilatérale du gouvernement fédéral qui s'ajoute à une longue liste.»

Rappelant que les impôts des Québécois serviront à Terre-Neuve, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a pour sa part attaqué la viabilité du projet, en insistant sur les coûts de production élevés de Muskrat Falls.

Mme Ouellet a soutenu qu'il en coûterait 14,3 ¢ du kwH ce qui, selon elle, est plus du double du coût de production de la future centrale sur la rivière Romaine, au Québec.

«Avec les bas prix d'électricité qu'on connaît aux États-Unis actuellement et les coûts aussi élevés, la rentabilité du projet est loin d'être démontrée, a-t-elle dit. Puis, pire que ça, notre argent va être utilisé contre nous pour venir subventionner l'électricité de Terre-Neuve contre l'électricité du Québec.»

824 mégawatts

Si la construction de Muskrat Falls va de l'avant, la centrale aurait une puissance de 824 mégawatts d'électricité, dont 170 seraient acheminés chaque année en Nouvelle-Écosse, en vertu d'une entente d'une durée de 35 ans.

La Romaine, dont la construction est en cours, aura une puissance de 1550 mégawatts. Au total, parmi ses actifs, Hydro-Québec compte 60 centrales hydroélectriques dont la capacité s'élève à 35 285 mégawatts.

Nalcor Energy serait responsable de la construction du barrage et de la centrale sur le fleuve Churchill, ainsi que d'une ligne de transport jusque sur l'île de Terre-Neuve, le tout au coût de 6,2 milliards.

Emera construirait ensuite une ligne de transport sous-marine de 180 km, afin de relier la Nouvelle-Écosse, au coût de 1,2 milliard.

La production de Muskrat Falls devrait commencer en 2017.

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