Commission Charbonneau: Terramex a prévenu le v.g. de Montréal

Le vérificateur général de Montréal, Jacques Bergeron. (Photo d'archives)
Photo: Le Devoir Le vérificateur général de Montréal, Jacques Bergeron. (Photo d'archives)

Michel Leclerc, propriétaire de Terramex, a affirmé mardi qu'un représentant de son entreprise avait prévenu le vérificateur général de Montréal Jacques Bergeron à deux occasions de problèmes dans les soumissions. Le vérificateur a confirmé une seule de ces rencontres.

Devant la commission Charbonneau, M. Leclerc a relaté que la première fois, en 2008, son associé avait personnellement soulevé le problème devant le vérificateur général, qui était même venu le rencontrer sur un chantier. «Il lui a dit "réveillez-vous quelqu'un!" Mivela soumissionne; on est deuxième et on le fait à 100 %. Et l'entrepreneur général n'assiste même pas aux réunions de chantier», a relaté M. Leclerc.

Pour ce contrat de la place Normand-Béthune, Mivela a touché 700 000 $ sans avoir fait les travaux, qui ont été réalisés par Terramex.

La seconde alerte au vérificateur général a été lancée environ un an plus tard, pour un écart d'environ 500 000 $ entre ce qu'aurait dû coûter un contrat avec une marge de profit raisonnable pour l'entrepreneur et ce qu'il en coûtait véritablement à la Ville.

Aucune de ces deux tentatives de sonner l'alarme auprès du vérificateur n'a eu de suite, a rapporté M. Leclerc, en se basant sur le fait que personne ne l'avait rappelé. «Le but de dénoncer, c'était d'arrêter le système. On pensait que ç'aurait pu donner des résultats», a-t-il justifié.

Depuis lundi, M. Leclerc a pourtant témoigné du fait qu'il a collaboré à ce système, notamment en déposant des soumissions de complaisance sur demande des entrepreneurs faisant partie du cartel et en acceptant de payer une quote-part de 3 % à l'entrepreneur Nick Milioto «pour la politique».

Il a d'ailleurs souligné n'avoir appris que des années plus tard ces deux démarches de son associé. «Je n'étais pas content quand il m'a dit ça», a-t-il lancé à l'avocat René Houle, qui représente l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

«J'aurais aimé ça qu'il m'en parle, parce que si M. Bergeron avait dévoilé la rencontre avec mon associé, peut-être que ça aurait pu mettre ma vie en danger», a-t-il répondu à l'avocat. De qui avait-il peur ainsi? «De M. Milioto peut-être», a-t-il répliqué.

Au cours de son témoignage, M. Leclerc a également évoqué un autre phénomène qui n'était pas connu jusqu'ici: celui d'entrepreneurs qui vont sciemment chercher des documents d'appels d'offres tout en sachant qu'ils ne pourraient pas réaliser le projet, et ceci dans le but d'exiger des milliers de dollars à d'autres entrepreneurs uniquement pour «se tasser».

M. Leclerc a lui-même dû payer 50 000 $ pour écarter un entrepreneur qui était intéressé à un projet; il lui a donné 50 000 $ pour une fausse facture de coffrage de béton.

Dans un cas, un entrepreneur qui allait ainsi «chercher les plans juste pour se faire payer pour ne pas soumissionner» a tenté le même stratagème avec Garnier Construction. Nick Milioto, de Mivela Construction, a rapporté à M. Leclerc que Garnier lui avait dit qu'il allait s'occuper de lui et qu'il n'irait plus chercher les plans des projets. M. Leclerc n'a effectivement plus vu cet entrepreneur dans les parages. «Il a sûrement eu une petite visite», en a-t-il conclu.

M. Leclerc estime n'avoir jamais vraiment réussi à se faire accepter par le groupe restreint d'entrepreneurs. Tout au plus obtenait-il des sous-contrats pour Mivela ou d'autres ou de petits contrats qu'aucun autre entrepreneur ne voulait. «J'ai eu des miettes seulement», a-t-il laissé tomber.

«Je ne peux pas vous dire» si Robert Marcil, le chef de la division de la voirie à l'époque, était au courant du système de collusion, a-t-il répondu à la procureure chef de la commission, Me Sonia Lebel.

Confirmation du v.g.

Le Bureau du vérificateur général a confirmé en partie le témoignage de l'entrepreneur Leclerc.

Par voie de communiqué, il a confirmé avoir eu en 2009, «une brève et unique rencontre avec un individu l'informant d'une potentielle collusion entre entrepreneurs faisant affaire avec la Ville de Montréal». Il ne fait toutefois pas référence à une rencontre en 2008.

Il justifie ainsi son mutisme par la suite. «Comme c'est le cas dans tous les dossiers dénoncés au Bureau du vérificateur général, les dénonciateurs sont avisés qu'aucun compte-rendu ne leur sera fait en ce qui concerne les suites données.»

Le Bureau du vérificateur général rappelle qu'il avait déjà dénoncé dans son rapport annuel de 2009 le fait que plusieurs arrondissements de la Ville de Montréal confiaient leurs contrats aux mêmes entrepreneurs.



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