Gouverner «au rythme des Québécois»

Québec – La première ministre Pauline Marois a dévoilé, mercredi, la composition de son Conseil des ministres, formé de 23 personnes, dont huit femmes, où la plupart des responsabilités en matière d’économie relèvent d’un seul titulaire, Nicolas Marceau, et où deux fervents défenseurs de l’environnement, Daniel Breton et Martine Ouellet, occupent des postes clés.
« Ce que nous ferons dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, c’est protéger chaque parcelle de souveraineté déjà entre nos mains et en acquérir de nouvelles. Le 4 septembre, un nouveau chapitre de l’histoire du Québec s’est ouvert. Le peuple québécois s’est remis en marche à son rythme », a déclaré Pauline Marois dans son discours dans lequel elle a distribué les portefeuilles tout comme les mandats. « L’action du gouvernement reposera sur quatre piliers : l’intégrité, la prospérité, l’identité et la solidarité », a-t-elle dit.
Le premier Conseil des ministres formé par la première femme première ministre du Québec est donc loin de la parité hommes-femmes. En outre, plusieurs régions sont représentées par des ministres qui n’y habitent pas, tandis que d’autres régions sont surreprésentées. C’est le cas de la Montérégie avec cinq ministres, et le Saguenay-Lac-Saint-Jean avec trois.
Le docteur en économie Nicolas Marceau, le seul économiste de la députation péquiste, devient ministre des Finances et de l’Économie. Il sera appuyé par une ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement économique du Québec, Élaine Zakaïb, qui vient du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ) et que connaît le mari de la première ministre, Claude Blanchet. Il n’y a plus de ministre en titre du Développement économique et le Commerce extérieur s’en va au ministère des Relations internationales.
L’environnementaliste Daniel Breton est nommé au ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs. Il fait la paire avec une autre environnementaliste, Martine Ouellet, qui devient ministre des Ressources naturelles. Pauline Marois lui a donné le mandat de « proposer un nouveau régime de redevances minières fondé sur la juste part que doivent recevoir les véritables propriétaires, soit les Québécois ».
« De très nombreux Québécois partagent une grande ambition : celle devoir le Québec devenir un exemple, un chef de file environnemental dans le monde. Je vous demande de tracer le chemin d’un pays que nous voulons vert et bleu », a indiqué Pauline Marois quand elle a présenté Daniel Breton.
« Les verts sont au pouvoir », s’est réjoui Daniel Breton dans un point de presse qui a suivi le dévoilement du Conseil des ministres.
La nouvelle ministre Ouellet a soutenu qu’elle et ses collègues auraient le souci de « concilier environnement et développement économique ». Mme Ouellet a confirmé que c’est elle qui annulerait le prêt à la mine d’amiante Jeffrey et qui ordonnerait le déclassement de la centrale nucléaire Gentilly II, deux engagements électoraux du PQ. Mme Ouellet procédera aussi à la mise en place d’un moratoire complet sur l’exploitation des gaz de schiste, autre promesse péquiste.
Devant de potentielles inquiétudes des industries liées aux ressources naturelles et à l’environnement, Daniel Breton et Martine Ouellet ont tenté de se faire rassurants : « Ne vous inquiétez pas », a lancé M. Breton. Martine Ouellet a rappelé son expérience à Hydro-Québec : « J’ai travaillé 10 ans avec l’industrie des mines en particulier et toutes les grosses industries lourdes du Québec, et elles peuvent compter sur ma collaboration. On va travailler ensemble pour l’enrichissement collectif du Québec. » À Hydro-Québec, Mme Ouellet a entre autres été responsable des ventes pour les mines, la métallurgie et la fabrication.
C’est sans aucun doute le nouveau venu, Pierre Duchesne, cet ex-journaliste de Radio-Canada élu dans Borduas, qui aura la tâche la plus urgente à accomplir, tâche délicate, s’il en est : tenir un sommet sur l’éducation supérieure d’ici la fin de l’année et régler la crise étudiante. Il est nommé ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie.
Marie Malavoy devient la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, un ministère qui ne chapeaute plus les universités.
Autre changement notable : alors que Sylvain Gaudreault obtient à la fois le ministère des Transports et celui des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, la première ministre lui demande de transformer le ministère des Transports en agence.
Sans surprise, c’est au Dr Réjean Hébert qu’échoit le ministère de la Santé et des Services sociaux, et le mandat de doter chaque Québécois d’un médecin de famille d’ici quatre ans. Il doit créer aussi un régime d’assurance autonomie et instaurer une politique nationale de soins à domicile.
Pauline Marois a pu récompenser la plupart de ses indéfectibles alliés qui l’ont appuyée lors de la contestation de son leadership par certains députés l’an dernier. Le pugnace Stéphane Bédard conserve son poste de leader parlementaire et obtient la présidence du Conseil du trésor. Agnès Maltais en mènera large également à titre de ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, ainsi que ministre de la Condition féminine et ministre responsable de la Capitale-Nationale, bref de Régis Labeaume. Nicole Léger accède à la Famille, et Bertrand St-Arnaud à la Justice.
Le constitutionnaliste Alexandre Cloutier assume des responsabilités qui sont dans ses cordes à titre de ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Gouvernance souverainiste, deux dossiers sur lesquels Pauline Marois garde toutefois la main haute. Une autre juriste, Véronique Hivon, que l’on voyait ailleurs, doit se contenter du poste de ministre déléguée à la Santé publique et à la Protection de la jeunesse.
Yves-François Blanchet, un ardent partisan de Pauline Marois surnommé le « goon », n’obtient que le poste de whip. Par contre, Stéphane Bergeron, même s’il a fait quelques déclarations ambiguës sur sa chef durant la crise au PQ, s’en tire bien en se voyant accorder le portefeuille de la Sécurité publique.
Bernard Drainville, qui a plongé sa chef dans l’embarras à quelques reprises, notamment avec les référendums d’initiative populaire, pourra se consacrer à des préoccupations citoyennes dont les partis d’opposition n’auront cure : il est nommé ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, et président du Comité ministériel de l’identité. Bernard Drainville a qualifié de « costaud » le mandat que Pauline Marois lui a confié. Au sujet de la Charte de la laïcité qu’il devra définir, M. Drainville a souligné que la Coalition avenir Québec avait dans son programme une mesure similaire et donc qu’il y avait une possibilité de « convergence » entre les deux formations politiques.
Le nouveau venu Jean-François Lisée devient ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce international. À titre de ministre responsable de la région de Montréal, il s’est vu confier par la première ministre le mandat de tisser des « relations étroites » avec la communauté anglophone. L’ancienne présidente de la Commission scolaire de Montréal, Diane de Courcy, prend à sa charge la responsabilité de la Charte de la langue française et le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles.
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L’opposition officielle est inquiète
L’opposition officielle libérale s’est dite « inquiète » hier que le nouveau ministre des Finances, Nicolas Marceau, soit entouré de « collègues radicaux » comme Daniel Breton et Martine Ouellet, auxquels il ne pourra dire « non ». C’est ce que l’ancien ministre des Finances Raymond Bachand a déclaré peu après l’assermentation du cabinet Marois. Aux yeux de M. Bachand, ces deux ministres, responsables respectivement de l’Environnement et des Ressources naturelles, sont des spécialistes des « gels et des moratoires ».
Pour sa part, la Coalition avenir Québec a réitéré sa volonté de « collaborer de bonne foi avec le gouvernement » d’abord et avant tout en matière économique, mais aussi pour « corriger les défaillances de nos réseaux d’éducation et de santé, et pour garantir l’intégrité de nos institutions publiques ». Québec solidaire a déploré que les femmes ne composent que le tiers du cabinet. La co-porte-parole de QS et députée de Gouin, Françoise David, a salué la nomination de « deux écologistes, Martine Ouellet et Daniel Breton, à des postes névralgiques relativement aux choix économiques qui devront être faits par le gouvernement péquiste ».