Des enseignants sanctionnés pour une lettre publiée dans Le Devoir

Si les collaborateurs de la section « Idées » du Devoir sont « libres de penser », la direction du collège Lionel-Groulx ne l’entend pas de cette oreille. Après la publication de la lettre ouverte dans nos pages en mai, une réprimande écrite a été inscrite au dossier des onze signataires, qui sont menacés de congédiement s’ils devaient récidiver.
Dans une lettre « Libre opinion » intitulée « Violence à Lionel-Groulx : voici notre version », parue dans le 31 mai, onze enseignants dénoncaient le « rôle d’agent exécutif manipulé par l’autorité qu’a revendiqué la direction du collège ». Ils critiquaient la décision de Monique Laurin, la directrice de ce collège de Sainte-Thérèse, de faire respecter l’injonction. « La loi spéciale est une bombe entre les mains d’un tel agent exécutif », affirment-ils.
Cette lettre faisait référence aux événements du 15 mai, au troisième jour d’une injonction visant à libérer l’accès au collège d’une centaine de manifestants souhaitant faire respecter la grève générale illimitée. Les policiers de la Sûreté du Québec avaient alors dégagé l’entrée à coups de gaz irritants et arrêté plusieurs individus pour attroupement illégal.
Selon nos informations, une semaine après publication, les signataires ont été convoqués à une rencontre avec la direction des ressources humaines. Celle-çi exige alors une lettre faisant amende honorable pour manque de loyauté envers l’établissement. On leur explique qu’advenant un conflit entre la direction et les enseignants, toutes les démarches syndicales doivent être épuisées avant de recourir à une lettre ouverte aux journaux. Le groupe des onze refuse de s’excuser.
Lors d’une deuxième rencontre, Monique Laurin s’entretient pour la première fois avec les signataires et réitère la demande d’excuse écrite. « J’ai des impératifs économiques et juridiques », aurait alors déclaré la directrice selon une source anonyme. Selon celle-ci, les impératifs de Mme Laurin, candidate du Parti libéral du Québec aux élections de 2008, sont aussi « politiques et partisans ».
Les enseignants refusent une seconde fois de s’excuser considérant avoir défendu les valeurs de sécurité et de liberté d’expression du collège, et parce qu’une démarche syndicale aurait été trop lente pour être efficace en situation de crise. La direction réplique avec une réprimande inscrite à leur dossier. Une deuxième sanction entraînerait leur renvoi immédiat.
« C’est une façon de nous lier les mains, croit le signataire anonyme. Nous sommes véritablement en danger. Il y aune volonté de nous faire peur, de nous museler. »
Au lieu d’une lettre d’excuse, le groupe des onze réplique avec un paragraphe laconique, adressé à la direction et n’ayant pas été rendu public, qui affirme leur intention d’agir de la même manière advenant un nouveau conflit entre la direction et les enseignants et élèves.
La réprimande écrite est jugée injuste par plusieurs collègues des enseignants sanctionnés. Un collègue a d’ailleurs lancé samedi une pétition en ligne (www.avaaz.org ) en appui au groupe des onze qui a recueilli à ce jour plus de 3100 signatures.
Le retour en classe au collège Lionel-Groulx est prévu le 16 août. L’Association générale des étudiants et étudiantes du collège Lionel-Groulx, affiliée à la CLASSE, invite ses membres à se prononcer sur une reconduction de la grève le 14 août.
La direction du collège n’a pas rappelé Le Devoir hier.