Candidat de la CAQ - Duchesneau a enquêté avant de se décider

Jacques Duchesneau a enquêté sur François Legault et son parti avant de se joindre à l’équipe de la Coalition avenir Québec. En conférence de presse pour officialiser sa candidature à Saint-Jérôme, hier matin, le nouveau chevalier blanc de la CAQ a affirmé avoir vérifié tous les livres avant de se présenter.
« Depuis samedi dernier, il y a des gens de mon équipe qui sont allés vérifier les livres. On a fouillé, on a interrogé les gens, et aujourd’hui, je me présente devant vous satisfait de ce qu’on a obtenu. »
L’ancien chef de l’Unité anticollusion a précisé que deux avocats étaient allés au parti et qu’ils avaient eu accès à tous les livres.
Mais il se disait « mal à l’aise » avec la présence de l’agent officiel du parti, Marc Deschamps, impliqué dans le scandale du faubourg Contrecoeur. Ce dernier disait n’avoir rien à se reprocher et a remis sa démission jeudi soir à la suite des questions soulevées par Le Devoir.
« Les reporters d’enquête avaient fait état de plusieurs situations qui me mettaient mal à l’aise, et c’est ce dont j’ai fait part à M. Legault. »
Sous un gouvernement caquiste, Jacques Duchesneau serait vice-premier ministre et ministre délégué au premier ministre. C’est lui qui dirigerait l’action gouvernementale en matière d’intégrité et qui superviserait l’action au sein des ministères du Transport, de la Sécurité publique et de la Réforme des institutions démocratiques. Il présiderait enfin un nouveau comité interministériel à l’intégrité.
« Son expertise en matière d’enquête criminelle et de lutte au crime organisé va permettre d’identifier plus rapidement les failles du système et d’identifier des solutions durables pour qu’on se débarrasse enfin du cancer de la corruption au Québec », a lancé avec beaucoup de fierté le chef caquiste.
Pas de contribution
Interrogé sur la contribution que Jacques Duchesneau avait dû apporter au parti pour briguer la circonscription de Saint-Jérôme, François Legault a confié que son nouvel incorruptible avait été épargné. « De façon exceptionnelle, je n’ai pas demandé [de contribution] à cause du rôle que M. Duchesneau va jouer […] pour éviter tout problème éventuel ou toute apparence de problème. »
Jacques Duchesneau lui-même s’est dit très mal à l’aise à l’idée de ramasser de l’argent, même s’il précise que cette pratique est tout à fait légale et nécessaire dans le cadre d’une campagne électorale. « Je me sentais incapable d’aller récolter des pièces de cinq cents […] J’ai tellement parlé de financement illégal de partis politiques que j’avais un blocage psychologique. Je voulais me tenir loin de toute question de financement. »
Note de 2 sur 10 pour Charest
Il a rappelé, comme l’annonçait Le Devoir samedi, que c’est la note de 8 sur 10 que Jean Charest s’est accordée en matière de lutte contre la corruption qui l’a convaincu de faire le saut, lui qui avait souvent répété ne plus vouloir faire de politique. « Je me présente également comme un citoyen ordinaire indigné qui, à l’image de centaines de milliers de personnes ici, au Québec, est grandement préoccupé de l’état avancé de détérioration de la morale et des institutions politiques. »
Il a donné sa propre note au gouvernement Charest. « Je donne un point à Jean Charest pour avoir créé l’Unité anticollusion. Je donne un point pour avoir répondu aux 52 recommandations qu’on avait suggérées dans le rapport. Et je lui donne un point pour avoir créé la commission Charbonneau. Je vais enlever 0,5 point parce qu’il s’est fait tirer l’oreille pour créer la commission Charbonneau et je vais enlever un autre 0,5 point parce qu’il n’a pas donné les moyens dont on avait besoin à l’Unité anticollusion pour faire le travail. Alors ma note est de 2 sur 10. »
Jacques Duchesneau affrontera le député sortant, Gilles Robert, du Parti québécois, Marc Bustamante pour les libéraux et le chanteur Vincent Lemay-Thivierge pour Québec solidaire. La circonscription de Saint-Jérôme est acquise aux péquistes depuis 1994, hormis un intermède d’un an pour l’ADQ, qui avait réussi à faire élire Martin Camirand en 2007.
Charest contre-attaque
Piqué au vif par les propos de Jacques Duchesneau qui a affirmé au Devoir que le réseau libéral se bousculait pour obtenir des contrats du Plan Nord, Jean Charest a fustigé l’ancien chef de police.
« C’est de la pure démagogie », a lancé Jean Charest lors d’un point de presse à Lévis. « Je regrette que M. Duchesneau emploie ce genre de tactiques ».
Quant à l’affirmation de Jacques Duchesneau selon laquelle le chef libéral allait « se conforter dans ce qu’il a fait depuis toujours, c’est-à-dire servir ses petits amis », le chef libéral a soutenu qu’il s’agissait d’« accusations générales » qui ne sont pas étayées par des faits.
« C’est soutenu par quoi ? », s’est-il demandé, classant ces propos dans le même sac que l’affirmation, faite par Jacques Duchesneau devant la commission Charbonneau, voulant que 70 % du financement des partis politiques soit illégal. « Je m’attends à ce que M. Legault nous dise s’il est d’accord avec son candidat là-dessus. »
« Au lieu de salir tout le monde […] qu’il en fasse la démonstration », s’est indigné Jean Charest. « Faire ça, à mon avis, dans le cadre d’une campagne électorale, c’est manquer à ses responsabilités. Il a le devoir de dénoncer ça aux autorités concernées. S’il connaît des cas, qu’il les dénonce. »
Malaise au PQ
Contrairement au premier ministre Jean Charest, la chef péquiste Pauline Marois a refusé catégoriquement de réagir à l’annonce officielle de la candidature de Jacques Duchesneau ce dimanche.
L’équipe de communication du Parti québécois avait promis aux journalistes qu’ils pourraient obtenir les réactions de l’aspirante première ministre. Or, au cours d’une très brève allocution, Mme Marois s’est bornée à lancer les grandes lignes de sa plateforme électorale. Elle a ensuite quitté les lieux en trombe, sous le regard médusé des nombreux journalistes qui suivent la campagne des troupes souverainistes.
C’est finalement le député sortant dans Marie-Victorin, Bernard Drainville, qui a présenté la réaction officielle du PQ, quelques minutes après le départ précipité de sa chef.
« M. Duchesneau n’a pas le monopole de la vertu. C’est le Parti québécois qui a posé le plus de questions sur les scandales du gouvernement Charest, qui a mis au jour le scandale des garderies et qui a proposé de limiter à 100 $ les dons aux partis politiques. M. Duchesneau a décidé d’aller vers un autre parti, mais il aurait pu tout aussi bien venir au PQ s’il voulait lutter contre la corruption. » Selon lui, le nouveau candidat caquiste est « plutôt d’allégeance fédéraliste depuis longtemps ».
« Dommage », dit David
À Québec solidaire, la coporte-parole Françoise David a dit trouver « dommage » que Jacques Duchesneau ait choisi les couleurs de la CAQ pour briguer un poste de député.
« Je ne crois pas que ce soit le parti le mieux avisé et le plus visionnaire pour un avenir du Québec qui doit être écologiste, à gauche, égalitaire », a-t-elle déclaré hier au Devoir au terme de sa tournée à vélo des parcs de la circonscription de Gouin.
Si elle dit avoir du respect pour le « travail accompli par M. Duchesneau […] pour arracher l’enquête sur la corruption et la collusion », Françoise David déplore néanmoins son choix politique. « Ce n’est pas celui qu’on aurait voulu qu’il fasse », a-t-elle admis, ajoutant que la candidature de l’ancien chef de l’Unité anticollusion aurait pu intéresser Québec solidaire.
« Si M. Duchesneau était venu nous voir, c’est sûr qu’on aurait discuté. Mais il aurait fallu qu’il soit d’accord avec nous, et visiblement, ce n’est pas le cas s’il est allé à la CAQ. »
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Avec la collaboration d’Alexandre Shields, de Robert Dutrisac et de Geneviève Tremblay