Prêt à la mine d’amiante Jeffrey - Les militants indiens sont consternés

En 2010, des travailleurs de la construction ont tenu une grève de la faim lors de la Journée internationale des travailleurs afin de réclamer le bannissement de l’amiante. Selon l’Organisation mondiale de la santé, quelque 8000 Indiens meurent chaque année des maladies pulmonaires et des cancers induits par l’inhalation de poussière d’amiante.
Photo: Agence France-Presse (photo) Raveendran En 2010, des travailleurs de la construction ont tenu une grève de la faim lors de la Journée internationale des travailleurs afin de réclamer le bannissement de l’amiante. Selon l’Organisation mondiale de la santé, quelque 8000 Indiens meurent chaque année des maladies pulmonaires et des cancers induits par l’inhalation de poussière d’amiante.

New-Delhi – Les organisations indiennes qui se battent pour faire interdire l’utilisation de l’amiante sont consternées par la décision du gouvernement Charest de prêter 58 millions à Mine Jeffrey pour lui permettre de relancer ses activités. Québec ayant longuement hésité à lui donner un coup de pouce, ces organisations ont voulu croire que l’amiante québécois allait finalement cesser une fois pour toutes d’être exporté en Inde.


L’organisation Ban Asbestos Network-India (BANI) exhorte le gouvernement québécois « à reconsidérer sa décision pour se concentrer plutôt sur l’aide aux victimes d’asbestose dans les pays en développement ». L’octroi du prêt est d’autant plus désolant, dit Gopal Krishna, porte-parole de BANI, que le gouvernement indien semble enfin prendre conscience des conséquences effrayantes que représente l’amiante sur la santé publique. L’automne dernier, son ministère du Travail a produit un document de travail dans lequel il est écrit que le gouvernement de l’Inde « envisage d’interdire » l’utilisation de l’amiante chrysotile « pour protéger les travailleurs et la population en général ». C’est dire, affirme M. Krishna, à quel point le lobby de l’amiante continue d’avoir du poids.

 

Proximité


Le consortium qui a fait pression pour relancer la mine québécoise est principalement composé de gens d’affaires indiens, dont l’âme dirigeante est Baljit Chadha, le président de Balcorp, de Montréal. M. Chadha a l’oreille de Jean Charest. En janvier 2011, l’opposition péquiste soutenait que la proximité entre M. Chadha et M. Charest était « préoccupante ». La Presse canadienne avait révélé à l’époque qu’en 2009, M. Chadha avait récolté 19 000 $ lors d’un cocktail de financement à sa résidence de Westmount, où M. Charest était l’invité d’honneur. Le bureau de M. Charest avait assuré en 2011 que les liens entre l’homme d’affaires et le premier ministre n’avaient aucun effet sur l’étude du dossier de la mine Jeffrey, laquelle avait été confiée au ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation.


Quant à l’entreprise Visaka Industries, l’un des principaux producteurs indiens d’amiante-ciment, elle est la propriété de G. Vivekanand, par ailleurs député du Congrès, le parti au pouvoir à Delhi.


L’industrie indienne de l’amiante-ciment (avec lequel on fabrique surtout des toits de maison) est le principal acheteur d’amiante québécois. Elle emploie environ 300 000 personnes.

 

Un audit annuel


L’industrie et le gouvernement québécois plaident que l’amiante peut être utilisé de façon sûre - et que les conditions d’octroi des 58 millions l’exigent. Le cabinet du ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, Yvon Vallières, a fait valoir hier qu’un « audit environnemental annuel » devra être effectué auprès des clients acheteurs de chrysotile par « une firme externe reconnue ». L’audit devra être fait aux frais de Mine Jeffrey et à la satisfaction d’Investissement Québec (IQ) et des autorités du ministère du Développement économique.


Pour l’instant, la firme externe qui sera chargée des audits n’a pas encore été choisie. Le cabinet a aussi souligné que Mine Jeffrey s’engageait à :


développer un protocole et un manuel d’utilisation responsable et sécuritaire du chrysotile;


permettre aux autorités du gouvernement d’assigner un inspecteur indépendant pour vérifier que les clients de Mine Jeffrey utilisent les fibres d’une façon conforme aux normes industrielles du Canada et du Québec;


ne vendre qu’aux clients acceptant de suivre le manuel et de se soumettre à une inspection annuelle indépendante.


Enfin, elle « apposera des avertissements, dans les langues utilisées par les pays importateurs, concernant l’utilisation sécuritaire des produits et veillera à leur visibilité sur les sacs, palettes et conteneurs ».

 

Mensonge !


La notion d’une utilisation sécuritaire de l’amiante relève du mensonge criminel, soutiennent les militants antiamiante, considérant que la population indienne comme ses gouvernements sont tout simplement ignorants des dangers de l’amiante et que les préoccupations de santé et de sécurité au travail sont inexistantes dans un pays comme l’Inde où l’économie fonctionne de manière essentiellement informelle.


Plusieurs nouvelles usines d’amiante-ciment sont en train d’être construites dans les États du Bihar, de l’Himachal Pradesh, de l’Andhra Pradesh, de l’Odisha, de l’Uttarakhand et de l’Uttar Pradesh. Le site Web de BANI fait état de travailleurs dont l’employeur a exigé par écrit qu’ils s’engagent à ne pas le tenir responsable si leur santé se détériore après qu’ils auront quitté leur emploi. Les groupes antiamiante mènent des opérations de mobilisation populaire contre la construction de ces nouvelles installations. Parfois avec un certain succès : le mois dernier au Bihar, l’opposition citoyenne a fait que les travaux de construction d’une nouvelle usine ont été stoppés jusqu’à nouvel ordre.


Quelque 8000 Indiens (plus de 100 000 à l’échelle mondiale), selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mourraient chaque année des maladies pulmonaires et des cancers induits par l’inhalation de poussière d’amiante. Près de 65 % de l’amiante utilisé dans le monde l’est en Asie.

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