Turcot sera construit dans le même mode que le pont Champlain il y a 50 ans

Le gouvernement du Québec réitère la décision gouvernementale de réaliser ce projet en mode conception-construction (design-build), soit le même chemin emprunté il y a 50 ans pour construire le pont Champlain.
Photo: Olivier Zuida - Le Devoir Le gouvernement du Québec réitère la décision gouvernementale de réaliser ce projet en mode conception-construction (design-build), soit le même chemin emprunté il y a 50 ans pour construire le pont Champlain.

Le jour même où le camionnage était détourné de l'échangeur Turcot compte tenu de nouvelles faiblesses qui y ont été détectées, le gouvernement du Québec franchissait dans la discrétion la première étape vers le remplacement de cet important carrefour routier: le lancement d'un appel de qualification international.

Infrastructure Québec, qui coordonne le processus de sélection pour l'octroi du contrat, a diffusé lundi un communiqué sur son site. On y réitère la décision gouvernementale de réaliser ce projet en mode conception-construction (design-build), soit le même chemin emprunté il y a 50 ans pour construire le pont Champlain. Il y est également précisé que les candidats devront démontrer leur compétence, mais aussi «présenter des garanties de solidité financière élevées».

De fait, le mode conception-construction fait en sorte que l'entreprise devra assumer financièrement les coûts du projet jusqu'à la fin des travaux. Infrastructure Québec a été incapable hier de préciser si des paiements intermédiaires étaient prévus. Selon le calendrier établi, le chantier doit démarrer en 2013 et se terminer quatre ans plus tard.

Du coup, il s'agit d'un appel international; des entreprises hors du Québec pourraient souhaiter mettre la main sur ce contrat, seules ou en formant une alliance avec des firmes d'ici. Trois milliards de dollars sont en jeu.

L'avis publié sur le système électronique d'appels d'offres (SE@O) souligne l'envergure du complexe Turcot en rappelant qu'il est «au coeur du réseau de toute la région de Montréal» avec plus de 300 000 véhicules qui l'empruntent chaque jour. On rappelle qu'il est traversé par les voies ferroviaires du CN et qu'il constitue un lien essentiel entre l'aéroport Montréal-Trudeau et le centre-ville. «Son maintien en service est donc critique pour l'économie québécoise et le bien-être des citoyens», peut-on lire.

Concrètement, le projet «comprend la conception et la construction de l'échangeur Turcot et de ses ouvrages associés, les échangeurs De La Vérendrye, Angrignon et Montréal-Ouest, ainsi que des portions des autoroutes 15, 20 et 720».

Turcot, qui a été inauguré en 1967, «est à la fin de sa vie utile», comme le soulignait il y a deux semaines le ministre des Transports, Pierre Moreau. Ce dernier rendait alors publics les plus récents rapports d'inspection générale de Turcot. La majorité des structures qui composent l'ensemble présente des déficiences, comme la corrosion des armatures, l'éclatement du béton et le défoncement de la dalle supérieure sur laquelle roulent les véhicules. D'ailleurs, une somme de 254 millions est prévue pour parer au plus pressant afin que Turcot résiste le temps que la nouvelle structure soit construite.

Le défi qui attend la future équipe de constructeurs est donc important puisque le temps presse. Il faudra faire sortir de terre une nouvelle version de Turcot à travers l'enchevêtrement de bretelles et d'échangeurs existants. La démolition du complexe qui suivra se fera, elle aussi, dans des conditions acrobatiques.

Selon Infrastructure Québec, ce mode de réalisation assure un prix et un échéancier fixes. Le Devoir a toutefois consulté des experts qui ne souhaitaient pas être nommés et qui assurent que la réussite d'un tel projet dépend du niveau de détails dans le cahier des charges. Plus le ministère des Transports est précis dans les balises de réalisation du projet, moins il risque d'avoir des surprises, assure-t-on. Les spécifications doivent ne laisser que peu de place à des modifications qui pourraient affecter la qualité de la conception de l'ouvrage, a indiqué un des experts.

Comparativement au partenariat public-privé, le soumissionnaire gagnant n'aura pas à entretenir le complexe Turcot sur quelques décennies et «n'aura donc pas d'incitatifs pour investir dans la qualité qui permet de traverser les décennies», a ajouté l'autre personne consultée.

En 2009, le gouvernement avait étudié la possibilité de reconstruire le complexe Turcot en PPP. C'est la firme PricewaterhouseCoopers qui avait agi à titre de conseiller dans ce dossier. L'idée a été mise de côté.

Le mode conception-construction est habituellement plus rapide que le PPP ou le mode traditionnel. C'est cette voie qui avait été empruntée par le gouvernement du Canada pour la construction du pont Champlain à la fin des années 1950. Or ce fut la porte ouverte à des choix de la part de l'entrepreneur, question de faire des économies. Le pont fut livré en trois ans mais, 50 ans plus tard, son état de délabrement est très avancé et nécessite que l'on recommence à neuf.

Les entreprises ou les consortiums intéressés par le projet Turcot ont jusqu'au 28 mars prochain pour offrir leurs services.  

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