Critiqué, Drainville ne regrette rien

Saguenay — Même s'il a été vivement critiqué par certains de ses collègues péquistes pour avoir dévoilé, avant de leur en parler, la synthèse de sa consultation estivale, Bernard Drainville a dit ne rien regretter, hier. C'est ce que le député de Marie-Victorin a confié en fin de journée, au sortir du caucus des 46 députés, insistant sur le fait que si la «manière» avec laquelle il avait procédé n'avait pas plu, «sur le fond des choses, il y a eu beaucoup d'ouverture» à l'égard de ses propositions.
Selon lui, «quelque chose» a été «mis en marche» grâce à son rapport, qui dresse une liste de 10 solutions pour retisser le lien de confiance avec les citoyens. Pour l'instant, M. Drainville a dit ignorer où cela mènera sa formation politique, qui traverse une grave crise. «Je m'étais engagé à consulter le citoyen et à rendre publiques mes conclusions. C'était important que je tienne parole et je l'ai fait... en toute connaissance de cause et je vis très bien avec ma conscience», a-t-il lancé, semblant légèrement sonné, lors d'un court point de presse avant que ses collègues sortent à leur tour. «Ce n'est pas la fin de l'histoire d'ailleurs, on continue demain [aujourd'hui] à en discuter», a-t-il dit.Les discussions ont été «franches», «il y a eu des interpellations», a révélé la nouvelle présidente du caucus, Monique Richard, en début de soirée. En matinée, à l'entrée du caucus, le doyen François Gendron, député d'Abitibi-Ouest, avait souligné qu'il «aurait préféré» que M. Drainville remette son texte à ses collègues avant de le transmettre aux médias. Danielle Doyer, de Matapédia, avait été plus cinglante: «Il y a des gens qui ont des agendas qui leur sont personnels et ce que je vous dis c'est [...] que ce soit M. Drainville ou qui que ce soit d'autre... s'ils ont des choses à présenter, qu'ils les présentent au caucus et à Mme Marois!»
Les élus péquistes ont d'ailleurs commencé hier à définir de «nouvelles règles de fonctionnement» pour éviter que le parti se retrouve dans des «situations difficiles comme celle qu'on vit depuis un certain temps», a fait savoir Monique Richard.
Autres démissions?
À l'entrée du caucus, les élus péquistes ont tenté de minimiser la démission du président du PQ de Montréal-Centre, Atim Léon. Ce dernier a quitté son poste mardi en publiant une lettre où il a invoqué principalement des raisons personnelles. Toutefois, dans la même lettre, il soulignait que Mme Marois n'arrive pas à séduire l'opinion publique et que le PQ s'en allait «vers un mur».
Comme Le Devoir le révélait samedi, cinq autres présidents péquistes sur les 14 circonscriptions de Montréal-Centre ont songé à démissionner récemment, se disant «peu inspirés» par Mme Marois. C'est le rapport de M. Drainville qui les a convaincus de rester, ont-ils indiqué. Mais l'un d'entre eux, Philippe Leclerc, président de Mercier, a confié au Devoir que si le caucus venait à rejeter entièrement le rapport Drainville, ces présidents pourraient être amenés à imiter M. Léon.
Avalanche de propositions
Aucune décision n'a encore été prise par le caucus péquiste (dont la tradition est d'aboutir à des consensus) puisque les discussions se poursuivront jusqu'à 13h aujourd'hui. Outre M. Drainville, Sylvain Pagé, député de Labelle, a présenté hier son rapport au sujet d'une «nouvelle culture politique». Ce document découle d'une consultation effectuée par M. Pagé auprès d'une vingtaine de personnes de tous les partis politiques. M. Pagé aurait une vingtaine de propositions, dont certaines recoupent celles de M. Drainville. Le député de Matane, Pascal Bérubé, a aussi présenté hier les grandes lignes de sa consultation régionale sur «faire de la politique autrement». Un quatrième député a osé des propositions: Denis Trottier (Roberval) a suggéré que le PQ se donne plus qu'un simple programme électoral traditionnel: «Il doit avoir un programme de génération. Il faut qu'il soit capable d'incarner un projet de société qui va être porteur à court, moyen et long terme. Quelque chose qui va être plus grand que nous», a-t-il expliqué à l'issue de la réunion.
Des députés comme Danielle Doyer ont suggéré que cette «surenchère de propositions» forçait presque le parti à reprendre l'exercice de rédaction collective du programme, qui vient pourtant de prendre fin.
Trois éléments
Les autorités du PQ semblaient débordées par toutes ces propositions. Trois éléments pourraient être mis en relief toutefois: les états généraux du mouvement souverainiste, le référendum d'initiative populaire et les votes libres en Chambre. Sur le premier sujet, Mme Marois avait déjà annoncé en début de semaine avoir confié au président du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose, le mandat d'explorer la possibilité d'organiser un tel exercice. Plusieurs députés péquistes ne sont manifestement pas chauds à l'idée. Le leader parlementaire, Stéphane Bédard, par exemple, a refusé de commenter la question: «Il y a des [souverainistes] qui souhaitent parler entre eux. Moi, je souhaite parler aux Québécois», a-t-il dit M. Bédard a soutenu qu'il ne fallait pas se «laisser distraire» et qu'il valait mieux s'intéresser à des problèmes plus immédiats. C'était d'ailleurs un des messages principaux de Pauline Marois à son arrivée hier matin. Sans rejeter les projets de rénovation de la démocratie québécoise, elle avait dit préférer se concentrer sur les «vrais problèmes» de la population, comme la santé des aînés et la congestion routière. Elle a enjoint à ses troupes de se «ressaisir» et de retrouver «la cohésion, la cohérence» dont elles faisaient preuve jusqu'à ce qu'éclate la crise en juin.
Aucune unanimité non plus sur le référendum d'initiative populaire, par lequel une pétition signée par environ 800 000 personnes représentant 15 % de la population déclencherait un référendum sur la souveraineté. Si plusieurs, comme André Villeneuve (Berthier), estimaient que le sujet méritait d'être débattu, d'autres considéraient que le débat avait déjà été fait en 2008. Pour Denis Trottier, le mouvement souverainiste risquerait gros avec une telle mesure: «Un parti adverse pourrait déclencher un processus quand on est dans un mauvais moment. Je ne pense pas que ce soit une bonne stratégie.»
Quant à la question des votes libres, elle pose certains problèmes d'«encadrement» que les députés sont à évaluer, a expliqué la whip Nicole Léger. Un premier test pourrait se poser cet automne au sujet du projet de loi 14, sur les mines. Un député péquiste, Claude Cousineau, absent du caucus pour des raisons de santé, a déjà indiqué au Devoir qu'il n'entendait pas suivre la ligne de parti — qui veut rejeter ce projet de loi — advenant un vote sur son adoption.