Stratégie d'économie d'eau potable - L'objectif de -20% repoussé à 2017

À Montréal, les pertes d’eau potable dues à des failles du réseau d’aqueduc représentent 40% de l’eau traitée. Le gouvernement québécois veut plafonner les pertes à 20 % dans les réseaux municipaux d’ici cinq ans. Ci-dessus, une inondation survenue dans la métropole à la suite du bris d’une conduite d’aqueduc en 2009.
Photo: La Presse canadienne (photo) Graham Hughes À Montréal, les pertes d’eau potable dues à des failles du réseau d’aqueduc représentent 40% de l’eau traitée. Le gouvernement québécois veut plafonner les pertes à 20 % dans les réseaux municipaux d’ici cinq ans. Ci-dessus, une inondation survenue dans la métropole à la suite du bris d’une conduite d’aqueduc en 2009.

Québec reporte de huit ans, soit à 2017, l'atteinte de l'objectif de réduction de la consommation d'eau potable de 20 % par personne, un objectif que la Politique nationale de l'eau de 2002 (PNE) visait en sept ans.

De plus, il repousse de cinq ans, soit toujours en 2017 plutôt qu'en 2012 cette fois, le plafonnement des fuites dans les aqueducs à 20 % de la «production» municipale et à 15 m3 par kilomètre de conduites d'eau. Ce gaspillage de l'eau traitée coûte cher aux contribuables, soit 1,51 $ pour produire, distribuer et épurer chaque mètre cube d'eau potable. Globalement, l'atteinte des objectifs de la stratégie gouvernementale devrait faire épargner aux contribuables 100 millions par année. Ce chiffre fait aussi réaliser la perte financière causée par la mise en place tardive de cette politique que les libéraux de Jean Charest s'étaient engagés à instaurer après l'élection de 2003.

Les fuites ou pertes sur les réseaux d'aqueduc atteignent en moyenne 19,1 % du volume des aqueducs au Québec comparativement à 12,8 % au Canada. À Montréal, on compte 40 % de pertes.

L'atteinte de l'objectif de réduction divulgué hier ferait passer la consommation moyenne des Québécois (2006) de 795 litres d'eau par jour, entreprises et institutions comprises, a 622 litres par personne. La moyenne ontarienne est de 491 litres et la moyenne canadienne, de 591. Le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, attribue cet écart au fait que les provinces canadiennes se sont attaquées beaucoup plus tôt au problème et au fait qu'au Québec, plusieurs pensent encore que la ressource est inépuisable.

Selon la stratégie d'économie d'eau, les municipalités devront produire dès 2012 un bilan annuel «public» de leur «usage» de l'eau et des mesures d'économie qu'elles auront mises en place ainsi qu'un règlement sur l'eau potable. Si en 2014, elles n'ont pas réduit la consommation moyenne par habitant de 10 %, soit la moitié de l'objectif, elles devront installer des compteurs d'eau chez les gros utilisateurs, soit dans les industries et commerces seulement, et introduire une tarification qu'il faudra élaborer. Mais si les municipalités adoptent les mesures que leur suggère Québec pour rattraper leur retard, l'atteinte de l'objectif de -20 % n'est pas obligatoire, ni réglementaire, ce qu'aurait négocié âprement le monde municipal.

Le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, Laurent Lessard, a indiqué que Québec inclurait des «clauses d'écoconditionnalité» qui récompenseront les municipalités au moyen de subventions aux infrastructures. Quant aux retardataires, il n'a pas voulu indiquer pour le moment l'importance des pénalités qu'il pourrait leur réserver.

Le ministre Lessard a aussi souhaité que Montréal relance son programme d'installation des compteurs d'eau dans les industries, commerces et institutions (ICI), un programme annulé, a-t-il dit, non pas pour ses objectifs toujours valables, mais en raison de la «manière» dont il a été lancé et qui a fait scandale. À Montréal, seulement 23 % des ICI sont présentement équipés de compteurs d'eau, comparativement à 100 % à Toronto, Ottawa, Vancouver, Edmonton et Winnipeg.

Code amendé

Dès l'an prochain précise la Stratégie québécoise d'économie d'eau potable — pas un seul exemplaire n'était disponible à la conférence de presse où on la présentait, à Québec —, le Code du bâtiment sera amendé pour interdire l'installation et la vente d'équipements et d'accessoires trop gourmands en eau potable (toilettes, robinets, pommes de douche, urinoirs, etc.). Ainsi, le Code obligera les entrepreneurs à installer des toilettes débitant un maximum de six litres d'eau, ce qui réduirait de 70 000 litres d'eau par an la consommation moyenne par maison et de 175 millions de mètres cubes par année à l'échelle du Québec. Par contre, Québec entend installer dans ses immeubles des toilettes dont le débit n'est que de 4,8 litres, mais qu'il n'entend pas imposer au secteur résidentiel même si ces équipements sont en voie de s'imposer dans le monde. Québec n'entend pas non plus abaisser la norme qui limite à 9,5 litres par minute le débit des douches alors que des pommes à débit de 4 litres sont disponibles partout sur le marché.

Enfin, le Code du bâtiment interdira d'installer des refroidisseurs qui utilisent de l'eau potable pour climatiser, chauffer ou réfrigérer, ce qui permet à des entreprises et des citoyens de se chauffer et d'utiliser gratuitement plus de 30 000 mètres cubes d'eau traitée par année, automatiquement rejetée à l'égout. Québec interdira aussi aux entrepreneurs d'installer des broyeurs à déchets dans les éviers. Mais pour ces deux mesures, Québec entend laisser l'application du code à la discrétion des municipalités. Et il n'a pas de plan pour faire forcer l'enlèvement de ces équipements polluants et aquivores des maisons et commerces.

Enfin, Québec entend «donner l'exemple» en appliquant avec rigueur sa politique aux immeubles gouvernementaux ainsi qu'a ceux des réseaux de la santé et de l'éducation.

En matière de qualité de l'eau potable, les porte-parole gouvernementaux ont précisé hier qu'il reste encore une «trentaine» de municipalités dont les usines de traitement d'eau potable ne respectent pas toutes les normes réglementaires en vigueur. Mais ils ont soutenu que cela ne compromet en rien la santé publique.

À voir en vidéo