CHUM: toujours plus cher

La présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, et le ministre de la Santé, Yves Bolduc, ont fait le point hier sur les derniers ajustements apportés au projet du CHUM, dont la mise en chantier est maintenant prévue au printemps, après que le partenaire privé aura été choisi.
Photo: Jacques Grenier - Le Devoir La présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, et le ministre de la Santé, Yves Bolduc, ont fait le point hier sur les derniers ajustements apportés au projet du CHUM, dont la mise en chantier est maintenant prévue au printemps, après que le partenaire privé aura été choisi.

Il n'y a pas encore une pierre de posée à l'édifice du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), mais les coûts du projet continuent de grimper et les délais de réalisation, de s'allonger. Après plusieurs mois de négociations avec les deux consortiums en lice pour ce contrat de 30 ans, le plafond budgétaire a été repoussé de 323 millions et il faudra patienter neuf mois de plus avant que le CHUM ne soit complété, en 2019.

Cette saga autour du CHUM, qui dure depuis maintenant 15 ans, n'est pas pour autant un embarras politique, estime la présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne. «Le coût au mètre carré est comparable aux constructions récentes d'hôpitaux au Canada. On n'est pas dans le champ gauche. C'est juste qu'aujourd'hui on est beaucoup mieux armé. On a un détail beaucoup plus précis de ce que sera le CHUM», a assuré Mme Courchesne.

En conférence de presse hier matin, la présidente du Conseil du trésor et son homologue au ministère de la Santé, Yves Bolduc, ont fait le point sur les derniers ajustements apportés au projet. Cette présentation fait suite au dépôt, vendredi dernier, des propositions techniques des soumissionnaires. Leur scénario financier suivra à la fin de janvier. Ce sont ces deux éléments qui scelleront le sort du projet. D'ici là, tout se limite à une estimation, a confirmé Mme Courchesne. C'est vrai pour la hausse de 323 millions et l'établissement d'un nouveau calendrier de réalisation: la phase 1 sera complétée en 2016 et la deuxième, en 2019.

Il est toutefois d'ores et déjà acquis que la superficie du CHUM sera augmentée de 30 000 mètres carrés bruts (de 230 000 à 260 000 mètres carrés) «afin de réaliser la fonctionnalité clinique». Cela ne signifie pas pour autant qu'il y ait une hausse de la superficie destinée aux soins sinon que 1600 mètres carrés pour le centre d'ophtalmologie.

Nouveaux paramètres budgétaires

La question de la superficie, les provisions liées aux risques et à l'inflation ainsi que l'entretien et le maintien des actifs pendant trois décennies expliquent la hausse de 323 millions.

Un autre changement important a été apporté concernant la méthode de calcul. En juin dernier, le vérificateur général du Québec avait jugé très sévèrement l'analyse du gouvernement qui favorise la formule du partenariat public-privé, parlant même d'hypothèses erronées. Il avait recommandé d'utiliser un taux d'actualisation de 6,5 % plutôt que de 8 %. Le taux d'actualisation est la valeur projetée dans quelques années d'un dollar dépensé aujourd'hui. Le taux de 6,5 % est appliqué dans les dossiers routiers de partenariat public-privé (PPP).

Ainsi, cette révision fait en sorte que l'enveloppe budgétaire s'établit maintenant à 2,089 milliards, à un taux d'actualisation de 6,5 %.

Les nouveaux paramètres budgétaires laissent voir une progression fulgurante du coût du projet. En 2005, le gouvernement estimait que la construction du CHUM et de son pendant anglophone, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), et que la rénovation de l'hôpital Sainte-Justine totaliseraient 2,5 milliards.

Le projet conserve les mêmes caractéristiques techniques. Le CHUM comptera 772 chambres individuelles, 39 salles d'opération et 320 salles d'examen en soins ambulatoires.

PPP: un choix judicieux

Le vérificateur général avait également critiqué la faiblesse de la démonstration des économies générées par le mode de réalisation en PPP. Le gouvernement avait alors confié à un comité de revue diligente le soin de comparer le PPP au mode traditionnel.

Les trois experts indépendants, dont l'ancien directeur général de l'Hôpital juif, Henri Elbaz, ont remis leur rapport à la ministre Courchesne il y a quelques semaines. Ils concluent au bien-fondé de recourir au PPP, ce qui a permis à la présidente du Conseil du trésor de parler hier de «justesse du choix». Elle a précisé que les économies générées par le PPP, comparativement au mode traditionnel, sont de 302 millions.

Il faut toutefois souligner que le transfert de risque vers le secteur privé n'a plus l'ampleur prévue à l'origine. Le gouvernement du Québec assumera 45 % de la facture de conception et de construction.

La situation a fait bondir le député péquiste Sylvain Simard, critique de l'opposition dans les dossiers relevant du Conseil du trésor. «La formule PPP coûte très cher et prend énormément de temps», a-t-il affirmé sur les ondes de RDI. Selon lui, il n'y a pas d'économies et, au surplus, le quotient de difficulté pour la réalisation d'un tel projet en PPP est très élevé. M. Simard l'a qualifié de «fiasco libéral».

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a rappelé de son côté le dérapage gouvernemental dans les dossiers de PPP en santé en Grande-Bretagne. «Dans l'intérêt de qui fait-on ça?», a lancé M. Khadir, à Radio-Canada.

La sortie médiatique des ministres Courchesne et Bolduc n'a pas surpris la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). «Je m'attendais à ce que les coûts gonflent encore un peu», a affirmé le président de la FMSQ, le Dr Gaétan Barrette. Par ailleurs, la construction du centre hospitalier, peu importe son coût final, ne corrigera pas la situation dans les salles d'urgence à Montréal, a-t-il déploré. «Les patients vont être plus confortables et dans des environnements de meilleure qualité, c'est parfait, mais ce n'est pas ça qui [va faire en sorte] que la planète va être jalouse du Québec. On va juste être normaux», a-t-il ajouté.

Le gouvernement croit pouvoir inaugurer le chantier de construction au printemps, après que le partenaire privé aura été choisi en mars.

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Avec la collaboration de Marco Bélair-Cirino

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