Marche mondiale des femmes - Le bureau de la ministre St-Pierre pris d'assaut

Onze militantes ont occupé hier les bureaux montréalais de la ministre Christine St-Pierre. Neuf d’entre elles ont été arrêtées par les policiers après la fermeture des bureaux, à 21h.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir Onze militantes ont occupé hier les bureaux montréalais de la ministre Christine St-Pierre. Neuf d’entre elles ont été arrêtées par les policiers après la fermeture des bureaux, à 21h.

Onze militantes de la Marche mondiale des femmes ont pris en otage les bureaux montréalais du ministère de la Condition féminine, hier, dans le but de rencontrer la ministre Christine St-Pierre. Cette dernière a jugé les moyens utilisés d'excessifs et a indiqué que la réponse du gouvernement aux revendications des femmes viendrait «d'ici la fin de semaine».

Au moment de mettre sous presse, les policiers tentaient d'évacuer le groupe de militantes, puisqu'elles avaient refusé de sortir lorsque le bâtiment devait être fermé, à 21h. Deux d'entre elles ont accepté de quitter les lieux, et les neuf autres ont été mises en état d'arrestation.

Les 11 occupantes, et les organisations membres de la Marche qui les soutiennent, estiment que la ministre fait la sourde oreille à leurs revendications, déposées en mars dernier. Elles demandent entre autres une hausse du salaire minimum, l'abolition des catégories à l'aide sociale, un encadrement des publicités sexistes, le retour des cours d'éducation sexuelle au secondaire et un frein à la privatisation des services publics. «La ministre a annoncé qu'on allait parler des femmes lors de la prochaine commission sur l'égalité qui sera annoncée au cours des prochains mois. Ça nous mène au minimum en janvier, mais nous, c'est maintenant qu'on marche», a expliqué la porte-parole des 11 femmes, Alexandra Pierre, au début de l'occupation. La Marche mondiale des femmes se déroule en effet depuis mardi, et ce, jusqu'à dimanche.

Rapidement, le contact a été établi entre la présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), Alexa Conradi, et la ministre, sans parvenir à une entente satisfaisante pour les occupantes. La ministre a plus tard indiqué, par voie de communiqué, qu'elle «déplore les moyens excessifs utilisés par la Fédération des femmes du Québec [qui devrait] plutôt profiter de son ouverture au dialogue maintes fois exprimée».

Alexa Conradi a à son tour déploré la réaction de la ministre. «Nous sommes toujours ouvertes au dialogue, mais pour qu'il soit fructueux, il faut qu'il y ait quelque chose sur la table.» Elle souhaitait recevoir des engagements écrits, tout comme les occupantes qui ne voulaient pas sortir du ministère avant de les obtenir.

Une occupation de plusieurs heures

Vers 15h, les 11 femmes âgées de 25 à 71 ans sont montées dans les bureaux du boulevard Saint-Laurent, avec leur sac de couchage. Devant la bâtisse, jusqu'à une cinquantaine de manifestants, surtout des femmes, les soutenaient jusqu'à tard hier soir.

Parmi les occupantes se trouvaient des militantes féministes de longue date, comme l'infirmière Lorraine Guay, 68 ans, qui était prête à rester jusqu'à la toute fin, quitte à dormir sur les lieux. «Ce ne sont pas des moyens d'action exagérés compte tenu des exagérations que les femmes vivent dans le contexte actuel.»

«On n'a plus le choix d'y aller plus fort, car le gouvernement aussi est plus radicalement à droite», ajoute l'une des «11», Louise Lafortune.

Les dernières occupations faites par des féministes remonteraient aux années 1970, selon l'historienne Micheline Dumont, ancienne militante de la FFQ, qui croit que ce serait une bonne nouvelle si le mouvement féministe québécois se radicalisait un peu. «Chaque fois qu'il y a eu des gains, c'est grâce au féminisme radical. Ce n'est pas en étant gentil qu'on obtient ce qu'on veut.»

Selon l'historienne spécialiste des femmes à l'Université de Montréal, Denyse Baillargeon, l'occupation aura peu d'impact auprès du gouvernement. «Au contraire, le gouvernement va voir ça comme un affront à son autorité. Je ne pense pas que la FFQ pense vraiment faire changer la ministre d'idée en un jour. Mais beaucoup d'actions du type, à long terme, ça peut les aider.»

L'occupation n'était pas ouverte aux hommes militants, qui se trouvaient plutôt dans la rue pour les soutenir. «On pense que les femmes doivent être à l'avant dans les actions plus frappantes, puisque ce sont elles qui vivent les oppressions», a expliqué Barbara Legault, du rassemblement pancanadien des jeunes féministes Toujours RebELLEs. Le Devoir a d'ailleurs été invité à dépêcher une journaliste féminine, de préférence.

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