Commission Bastarache - Choc des visions durant le premier jour des plaidoieries

L’avocate du gouvernement, Me Suzanne Côté, a discrédité la version des faits de Marc Bellemare.
Photo: Agence Reuters Mathieu Bélanger L’avocate du gouvernement, Me Suzanne Côté, a discrédité la version des faits de Marc Bellemare.

Québec — Si l'avocate du gouvernement, Me Suzanne Côté, a plaidé à la commission Bastarache que Marc Bellemare n'avait subi aucune pression indue et que le premier ministre Jean Charest n'a jamais été mis au courant de l'existence de telles influences, les avocats de l'ancien ministre de la Justice, Me Rénald Beaudry et Me Jean-François Bertrand, ont soutenu à tour de rôle que c'est Jean Charest, dont ils ont relevé les trous de mémoire, qui avait intérêt à mentir dans cette affaire.

Les avocats de Marc Bellemare ont aussi mis en doute la crédibilité de la commission Bastarache et souligné son déséquilibre qui favorisait, selon eux, Jean Charest. «J'ai vraiment l'impression que c'était un procès, un procès digne d'une inquisition à certains moments où tout ce qui manquait, c'étaient des pinces ou des fers rougis au feu», a lancé Me Beaudry.

C'était hier la première de deux journées de plaidoirie à la commission Bastarache. Dans sa plaidoirie de deux heures, Me Suzanne Côté a mis à mal la version de Marc Bellemare. La rencontre du 2 septembre 2003, que Marc Bellemare dit avoir eu avec le premier ministre et où il aurait été question des pressions «colossales» qu'exerçait sur lui le collecteur de fonds libéral Franco Fava, n'a jamais eu lieu. La «prépondérance de la preuve» permet au gouvernement de conclure que Jean Charest «n'a pas été mis au courant des allégations de Me Bellemare ni consulté par ce dernier à ce sujet», a fait valoir Me Côté.

Si les pressions indues avaient existé, M. Bellemare, en y cédant, se serait exposé à de possibles poursuites criminelles, a-t-elle extrapolé.

L'avocate du gouvernement a aussi discrédité le témoignage de Me Georges Lalande, sous-ministre associé au ministère de la Justice à l'époque, le seul témoin qui a confirmé la version de Marc Bellemare.

De son côté, Me Rénald Beaudry souligné qu'à plusieurs occasions, les réponses des témoins Jean Charest et Franco Fava, c'étaient: «Je ne m'en souviens pas.» De même, Jean Charest avait aussi «une mémoire reconstituée» à partir de documents, son agenda par exemple, a-t-il souligné. «Qui avait intérêt à mentir?» a demandé Me Beaudry. Est-ce M. Charest, M. Fava ou M. Charles Rondeau, l'autre important collecteur de fonds libéral? «Poser la question, c'est y répondre», a-t-il scandé à quelques reprises.

Jean Charest a fort à perdre si c'est son ancien ministre qui a raison, a fait valoir Me Jean-François Bertrand, dont la plaidoirie suivait celle de son confrère. «Ça signifie carrément la fin de sa carrière politique. Il va être venu, à plusieurs reprises, mentir aux Québécois. Alors il a tout à gagner à ce que non seulement la version de M. Bellemare ne soit pas retenue, mais que M. Bellemare lui-même soit totalement discrédité, a dit Me Bertrand. La population n'a pas été dupe.»

Dans sa plaidoirie, Me Bertrand s'est évertué à attaquer la crédibilité de la commission Bastarache, créée par Jean Charest qui est au coeur même de l'affaire, une première pour un premier ministre, selon lui. Alors qu'on lançait des «ballons de plage» à Jean Charest — les avocats du gouvernement, du premier ministre et du Parti libéral travaillaient tous pour lui —, c'est «des balles de baseball» qu'on envoyait à Marc Bellemare.

Nomination et interprétation


En matinée, Me Suzanne Côté avait donné l'interprétation du gouvernement des règles entourant la nomination des juges. C'est au Conseil des ministres que revient la responsabilité de nommer les juges. Il en découle que le premier ministre ainsi que tous les autres ministres peuvent avoir accès à la liste des candidats à la magistrature et à tout autre renseignement, pas seulement le ministre la Justice, a avancé Me Côté. «Le ministre de la Justice n'est pas quelqu'un à part des autres, il est membre de l'exécutif», a-t-elle dit.

Me Bertrand s'est inscrit en faux. Le règlement sur la sélection des personnes aptes à devenir juges est clair, précis et détaillé. Le processus de nomination des juges du Québec est un des meilleurs au monde, a-t-il soutenu. Mais il a été perverti par Jean Charest, Chantal Landry et les collecteurs de fonds libéraux. «Cette contravention flagrante du règlement vient jouer sur la crédibilité de M. Charest», estime Me Bertrand.

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