Bastarache refuse de considérer l'entrevue de Bellemare à Tout le monde en parle
Québec — «La preuve est close», a déclaré hier le procureur en chef de la commission Bastarache, Giuseppe Battista. Et cette preuve ne comprendra pas la transcription de l'entrevue que Marc Bellemare a accordée à l'émission Tout le monde en parle (TLMEP) diffusée le 3 octobre à Radio-Canada. Ni celle, d'ailleurs, de l'entrevue que Lu Chan Khuong, l'épouse de l'ancien ministre de la Justice, avait accordée à TVA le 30 septembre (jour même de l'enregistrement de TLMEP).
André Ryan, l'avocat du premier ministre, a demandé en vain hier au commissaire d'ajouter à la preuve la transcription des propos de M. Bellemare à la célèbre émission dominicale. Levant le voile sur un des éléments de sa plaidoirie de la semaine prochaine, Me Ryan a soutenu que cette entrevue était une «illustration parfaite» de ce qu'il qualifiera de «"pensée évolutive" de monsieur Bellemare sur le sujet visé par l'enquête». Devant Guy A. Lepage, M. Bellemare a ajouté le nom de M. Charles Rondeau à la déclaration-choc qu'il a attribuée au premier ministre, soit: «Si Franco et Rondeau te disent de les nommer, nomme-les.» M. Ryan a aussi fait valoir que l'entrevue avait eu un fort retentissement. Ce soir là, TLMEP de la SRC a retenu l'attention de 1 420 000 téléspectateurs, battant le score d'Occupation double à TVA, de 1 381 000. Étant donné qu'une «partie si importante de la population» a pu prendre connaissance de cette entrevue, l'avocat estimait «curieux que la commission choisisse» de se priver d'une telle preuve.Le commissaire a rejeté la demande en rappelant les raisons pour lesquelles il avait demandé aux procureurs et aux parties de ne pas commenter la preuve à l'extérieur de la salle d'audience: «La seule preuve valable est à mes yeux celle qui est produite suivant les règles de preuve que nous avons.» Pour la même raison, il a rejeté la demande de l'avocat de Marc Bellemare, Rénald Beaudry, de déposer l'entrevue de Lu Chan Khuong accordée à TVA.
Le Devoir a appris par ailleurs que M. Bellemare ne sera pas à Québec au moment des plaidoiries. Il sera à Paris avec son épouse, qui est bâtonnière de Québec, pour la rentrée judiciaire du Barreau de la Ville lumière, lequel célèbre son bicentenaire cette année.
Goupil radicale
Plus tôt en matinée, l'ancienne ministre de la Justice Linda Goupil a soutenu que sous le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, le premier ministre n'avait pas accès à la courte liste émanant du comité de sélection chargé d'évaluer les candidatures à la magistrature. Celle qui a été ministre de décembre 1998 à mars 2001 a soutenu la position la plus radicale jusqu'ici présentée devant la commission: «C'est le ministre de la Justice qui doit nommer les juges [...] et c'est ce qui permet d'assurer une indépendance judiciaire [...] une séparation des pouvoirs.» Cette position tranche avec celle des ministres du gouvernement Charest, qui ont tous soutenu que le premier ministre pouvait voir la liste courte. Kathleen Weil a même affirmé que le premier ministre était un «incontournable» dans ce processus. La semaine prochaine, les avocats des différentes parties feront tour à tour leur plaidoyer devant le commissaire.