Gaz de schiste - La production doit être rentable avant de hausser les redevances, dit SECOR

Québec doit attendre que l'industrie des gaz de schiste ait atteint le stade d'une production commerciale rentable avant de hausser les redevances s'il ne veut pas décourager les entreprises d'investir dans l'exploration d'ici à ce qu'elles sachent si le shale d'Utica est véritablement rentable.

C'est ce qu'a soutenu hier le président de la firme SECOR, Marcel Côté, en marge de la divulgation quelque peu précipitée de son rapport sur les retombées économiques de cette filière, un rapport commandé par les industriels que dévoilait hier Le Devoir. Ce commentaire du consultant de l'industrie constitue une réplique à l'intention de la ministre des Richesses naturelles et de la Faune, Nathalie Normandeau, de revoir les redevances en vigueur, jugées dix fois moindres que celles qu'exige la Colombie-Britannique, le cas de figure dont Québec dit vouloir s'inspirer.

Selon le président de SECOR, il faudra attendre qu'au moins une cinquantaine de nouveaux puits aient été forés et expertisés — un rythme qui devrait être atteint d'ici deux ans, à son avis — avant qu'on sache si les exploitants peuvent atteindre la rentabilité commerciale au Québec. L'industrie n'en est pas là, avec 8 puits en 2008, 9 l'an dernier et une dizaine cette année. Mais Marcel Côté estime que le mouvement peut s'accélérer et atteindre 150 nouveaux puits d'ici 2015, soit le scénario sur lequel s'appuie son étude.

Un des gros défis consistera, ont ajouté les porte-parole des industriels, à créer au Québec une masse critique de sous-traitants dont l'expertise et les équipements feront baisser les coûts de production de 10 millions à 4 millions par puits.

Pour James Fraser, de la société Talisman, les premiers puits sont les plus coûteux, car il faut importer équipements et main-d'oeuvre spécialisée dans certains cas.

À terme, quand les industriels pourront forer de 6 à 10 puits à partir du même chantier, les coûts seront sensiblement réduits, et la rentabilité davantage à portée de main.

D'autre part, le président de SECOR ne voit pas l'avantage pour l'État québécois de nationaliser l'industrie des gaz de schiste. L'État, dit-il, «prend son argent avant tout le monde avec des redevances» et laisse les risques aux industriels. Mais il admet que le système de redevances, basé sur des pourcentages, fait chuter les revenus de l'État avec les baisses de prix.

De son côté, Jean-Yves Laliberté, le porte-parole du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), a soutenu qu'une production locale de gaz de schiste allait réduire le bilan d'émissions de gaz à effet de serre du Québec en réduisant la part de l'énergie allouée au transport, soit 5 %, ou de la Colombie-Britannique, d'où proviennent ces gaz.

M. Laliberté a commencé par dire qu'il basait ses affirmations sur des «calculs» qu'il n'a cependant pas pu produire puisqu'ils ne sont pas terminés, a-t-il dit. Quant aux programmes de conversion au gaz, qui pourraient réduire réellement le bilan québécois, il a été incapable d'en faire un bilan chiffré, promettant de produire les documents en question plus tard. La commission n'a pas demandé à Gaz Métro, qui a un tel programme, d'en produire le bilan et d'en illustrer l'efficacité sur la consommation globale d'hydrocarbures.

Discussion avec les villes


Le MRNF a par ailleurs précisé qu'il commence à réfléchir avec les MRC et les villes au sein d'un comité mixte aux problèmes que peut susciter l'octroi de permis dans les milieux urbanisés ou sous les villes. Cette réflexion survient après que de nombreux permis aient été accordés, et ce, sans que les villes ne puissent s'y opposer, notamment par un zonage des zones exploitables.

Le représentant de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, Me Dominique Newman, a soulevé le problème de la faiblesse des assurances privées, lesquelles permettraient aux industriels de rembourser les citoyens touchés par un accident industriel ou d'éponger les coûts liés à d'importants dommages environnementaux. Le rapport financier 2008 de Junex précise explicitement que cette société n'est pas assurée pour plusieurs de ces risques. Québec n'exige qu'une couverture de 1 million. Junex a deux assurances de 10 millions, a précisé son président, Jean-Yves Lavoie.

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