Jean Charest demande des excuses au magazine Maclean’s

Québec — Le magazine Maclean’s doit présenter des excuses aux Québécois, selon le premier ministre Jean Charest.
Dimanche dernier, M. Charest a expédié une lettre de deux pages à l’éditeur du magazine, Mark Stevenson, pour dénoncer le sensationnalisme dont la rédaction a fait preuve, en publiant un texte très dur envers le Québec, dans sa plus récente édition. Ce dossier, qui fait la page couverture du magazine, soutient que le Québec est la province la plus corrompue au Canada.Dans sa lettre, M. Charest dénonce l’approche privilégiée par Martin Patriquin et Andrew Coyne, à partir «d’une thèse simpliste et odieuse, selon laquelle les Québécois seraient génétiquement incapables d’agir avec intégrité».
Ce genre d’approche, «loin du journalisme sérieux», ne fait selon lui que discréditer la publication torontoise.
La sortie du premier ministre Charest fait écho à toute une série de critiques virulentes, formulées au cours des derniers jours sur le «dossier» publié par Maclean’s.
Au premier chef, dès que les premières copies ont été placées en kiosque, la direction du Carnaval de Québec réagissait en demandant à la direction du magazine de les retirer, sous peine de poursuites judiciaires. Car pour illustrer son propos, Maclean’s a choisi de montrer la figure emblématique du Carnaval de Québec, le Bonhomme Carnaval, portant fièrement une mallette débordante de billets verts.
Les milieux d’affaires, dont le Conseil du patronat, et les mouvements nationalistes, ont multiplié les sorties et les épithètes peu flatteuses pour dénoncer ce que d’aucuns ont qualifié de «Québec Bashing».
Dans sa missive, M. Charest se permet aussi de donner une leçon de journalisme à la direction du magazine, en soutenant que son dossier «ne répond à aucun des standards habituels du journalisme».
Loin d’être, comme il est écrit dans le reportage, «la bête noire» du Canada, le Québec «est la moitié de son âme, de son identité et de son humanité», écrit le premier ministre. Au passage, il prend même la défense du mouvement souverainiste québécois, «un courant politique légitime, démocratique et pacifique». La direction devrait donc avoir «l’élégance» de reconnaître son erreur et de s’excuser auprès des Québécois, selon lui.
Pas la première fois
Ce n’est pas la première fois que le premier ministre Charest prend la défense du Québec, lorsque son image est égratignée dans la presse canadienne-anglaise.
En septembre 2006, il avait expédié une lettre semblable à l’éditeur du quotidien torontois Globe and Mail, pour dénoncer un article paru quelques jours plus tôt à la suite de la fusillade survenue au Collège Dawson à Montréal. À la une, la chroniqueuse vedette du journal, Jan Wong, avait alors affirmé que le contexte linguistique du Québec expliquait en partie la fusillade. Elle soutenait que les auteurs de trois fusillades survenues dans des établissements scolaires au Québec (Dawson, Concordia et Polytechnique) avaient en commun une origine étrangère et n’avaient pas réussi à s’adapter aux lois linguistiques. Selon elle, de toutes les provinces canadiennes, il n’y avait qu’au Québec qu’on pouvait parler de pureté raciale.
M. Charest avait alors qualifié son texte de «disgrâce», fruit d’une analyse sectaire, et avait demandé à l’auteure de présenter ses excuses. Mais le Globe and Mail n’a jamais donné suite à cette demande et jusqu’à maintenant la direction du Maclean’s a refusé elle aussi de présenter des excuses, malgré l’accumulation des critiques.
Comme il l’a fait au magazine Maclean’s, M. Charest avait rappelé au Globe and Mail la bataille menée au cours des siècles par les Québécois pour conserver leur langue et leur culture. Le reportage du Maclean’s traçait un lien entre la place importante de l’État dans l’économie québécoise, le mouvement nationaliste et la corruption soi-disant plus répandue au Québec qu’ailleurs au pays.
En point de presse, aujourd'hui, M. Charest s’est dit fier de rappeler la responsabilité particulière qui incombait à l’État québécois et à son chef, compte tenu de la position minoritaire du Québec en Amérique du Nord. Le rôle de l’État a toujours été important, parce que «les Québécois le veulent ainsi» pour protéger leur identité, a-t-il dit.
Aux journalistes qui lui demandaient à quel type de réactions il s’attendait de la part du magazine, M. Charest a répliqué: «franchement, je ne m’attends pas à grand-chose».
Dans sa lettre au Maclean’s, il rappelle d’ailleurs que ce n’est pas la première fois que la publication attaque la réputation du Québec. Il y a quelques mois, la publication présentait Montréal comme une ville corrompue.