Charest pourfend Prentice et défend D'Amour

En marge de sa mission économique en Inde, Jean Charest a accusé ouvertement, hier, le gouvernement de Stephen Harper d'être à plat ventre devant Washington en matière de lutte contre les changements climatiques.

Le premier ministre du Québec a riposté aux critiques du ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice, en lançant que le plan des conservateurs consiste à s'aligner sur les politiques du gouvernement américain. «Or, dans ma vie, je n'ai jamais pensé que m'aligner sur les États-Unis, c'était assez bon pour le Canada, que c'est ça notre politique», a déclaré M. Charest.

Le ministre s'est «fourvoyé»

Lundi, M. Prentice avait déclaré que le Québec faisait preuve de «sottise» avec ses dispositions lui permettant d'imposer des amendes aux constructeurs de véhicules qui dépasseront les nouvelles normes d'émission de gaz à effet de serre (GES) des automobiles.

Jim Prentice s'est, selon M. Charest, fourvoyé lorsqu'il a dit que le Québec faisait cavalier seul dans ce dossier. Jean Charest a fait savoir que 15 États américains, représentant 40 % du marché de l'automobile aux États-Unis, ont adopté, comme le Québec, les normes californiennes sur les émissions des véhicules. «Pour ce qui est des voitures, son problème, c'est qu'il est mal informé», a-t-il laissé tomber. «Que le ministre fédéral de l'Environnement canadien ne sache pas ce fait, ça m'inquiète presque plus que ça me déçoit sur ces questions-là», a-t-il ajouté.

Cannon minimise l'affaire

À Ottawa, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a jugé qu'il n'était pas «utile de donner beaucoup d'ampleur» à la sortie de M. Charest et n'a pas voulu la commenter directement. «Je ne vois pas là un dossier d'une proportion incroyable à l'égard du contentieux fédéral-provincial. Tout ce que je vois, ce sont deux gouvernements qui veulent atteindre des objectifs qui sont tout à fait normaux et louables dans les circonstances.»

M. Cannon estime qu'en définitive, «l'important est que les objectifs que le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec poursuivent sont les mêmes: c'est-à-dire diminuer les gaz à effet de serre. Là-dessus, il y a un consensus. Sur les moyens à prendre, [il doit y avoir] des discussions entre les gouvernements pour savoir quelle est la meilleure façon de procéder.»

Jim Prentice a pour sa part décliné les demandes d'entrevue.

Quant au chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, il a estimé hier que cette nouvelle chicane entre Ottawa et Québec démontre une fois de plus que «le Canada ne répondra jamais aux besoins du Québec». Ce à quoi Lawrence Cannon a répondu que «le Bloc tente de tirer avantage de chaque discussion entre Québec et Ottawa», même si celles-ci sont «tout à fait normales à l'intérieur d'une fédération».

Rendez-vous avec Singh annulé

Une rencontre prévue entre Jean Charest et le premier ministre indien, Manmohan Singh, a été annulée sans explication hier.

Pourtant, en après-midi, M. Charest se réjouissait de la perspective de discuter de libre-échange avec M. Singh, mais en fin de journée, son entourage a indiqué que le rendez-vous avait été annulé.

M. Charest devait être reçu en compagnie d'autres chefs de gouvernement de pays, comme la Grèce, la Finlande et la Slovaquie, qui seront, comme lui, dans la capitale indienne à l'occasion du Delhi Sustainable Summit, une conférence sur l'environnement.

L'attaché de presse de M. Charest, Hugo D'Amour, n'a pas été en mesure de préciser les raisons de l'annulation, indiquant qu'il était en relation avec le haut-commissariat du Canada en Inde. Refusant d'y voir une riposte du gouvernement canadien, il a souligné que les autres chefs de gouvernement ont aussi reçu un avis d'annulation de la rencontre.

D'Amour s'invite à Bangalore

Naviguant entre les écueils, Jean Charest a par ailleurs nié, hier, qu'il créait un précédent en gardant dans son caucus un député qui a reconnu avoir enfreint les règles sur les activités de lobbyisme.

M. Charest a soutenu que Jean D'Amour était de bonne foi lorsqu'il a rencontré des titulaires de charges publiques de la région du Bas-Saint-Laurent, de 2007 à 2009, peu après avoir quitté ses fonctions de maire de Rivière-du-Loup. M. D'Amour exerçait alors des fonctions de directeur du développement des affaires pour une firme de génie-conseil, BPR, malgré le fait que la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme impose des restrictions aux anciens titulaires de charges publiques.

Le premier ministre a reconnu que M. D'Amour n'avait pas respecté les règles d'après-mandat lui imposant «une période de refroidissement» avant d'avoir des contacts avec son successeur à la mairie de Rivière-du-Loup.

Depuis le dépôt du rapport du Commissaire au lobbyisme, la semaine dernière, l'opposition réclame le départ du député de Rivière-du-Loup du caucus libéral, mais hier, M. Charest a jugé que cela serait inutile étant donné que, selon lui, M. D'Amour n'a pas «sciemment» contrevenu à la loi. «Je pense qu'il prend la bonne décision et il agit de façon assez transparente, a-t-il dit. Alors, compte tenu des circonstances, c'est un fait qui est antérieur à son élection et en plus c'est une affaire qui a été largement évoquée pendant son élection.» M. Charest a conclu en disant qu'il juge l'infraction sérieuse mais, selon lui, il serait exagéré d'exclure M. D'Amour, notamment parce que cette sanction n'apparaît pas dans la loi.

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Avec la collaboration de Marco Bélair-Cirino et de Guillaume Bourgault-Côté

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