Le projet de centre culturel québécois à Paris pourrait renaître de ses cendres
Paris — Le vieux projet d'un centre culturel québécois à Paris serait sur le point de renaître de ses cendres. Depuis plusieurs semaines, la Délégation générale du Québec en France étudie la possibilité de créer un centre culturel dans la capitale. Elle a obtenu l'autorisation de la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, de faire une étude de faisabilité. Une personne serait sur le point d'être embauchée à cette fin. Selon une source, le projet aurait même été présenté au premier ministre. On se souviendra que c'est Jean Charest qui, après son élection en 2003, avait «suspendu» pour des raisons budgétaires le projet déjà très avancé de création d'un centre culturel québécois à Paris, alors appelé Maison Québec-Europe.
L'idée a été relancée par le nouveau responsable culturel de la délégation, Bertin Leblanc, qui s'est cependant refusé à tout commentaire. Celui-ci aurait l'aval de la ministre de la Culture Christine St-Pierre, son ancienne collègue de Radio-Canada. Le projet, dans sa forme actuelle, entraînerait le déménagement des 17 000 livres de la bibliothèque Gaston Miron dans des locaux qu'elle partagerait avec la Librairie du Québec. C'est ce qu'explique aux visiteurs la responsable actuelle de la bibliothèque, Claire Séguin. Actuellement logée à la délégation générale, loin du centre de Paris, la bibliothèque accueille à peine quelques visiteurs par jour. Par ailleurs, la Librairie du Québec est depuis longtemps à l'étroit dans ses locaux de la rue Gay-Lussac, qu'elle occupe depuis sa création en 1995.Selon le projet, un café permettant d'accueillir une centaine de personnes et d'organiser des lancements pourrait s'ajouter à la librairie et à la bibliothèque. Il n'est pas exclu non plus que le centre comporte une petite salle numérique permettant de projeter des films québécois. Pour convaincre les intervenants, la délégation invoque le succès actuel de la littérature québécoise en France, qu'illustre l'attribution récente du prix Médicis à Dany Laferrière.
Une rencontre à ce sujet s'est tenue le mois dernier à Montréal réunissant plusieurs ministères, la Bibliothèque et archives nationales du Québec (responsables de la bibliothèque Gaston Miron), la Librairie du Québec et la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). Cette dernière pourrait financer l'achat d'un immeuble à Paris, une opération généralement rentable compte tenu des hausses régulières que connaît le marché immobilier dans la capitale. «À Paris, on ne se trompe pas quand on achète», nous indique une source proche du dossier. Il est d'ailleurs admis que lorsque le projet de Maison Québec-Europe avait été enterré, le Québec avait raté une occasion en or en abandonnant l'option d'achat qu'il avait prise sur un immeuble des grands boulevards.
Le Devoir n'a pu obtenir de détails sur la façon dont il sera possible de financer un tel projet en période de déficit budgétaire, alors même celui de la Maison Québec-Europe avait été reporté sine die dans un contexte économique beaucoup plus faste. À la délégation générale, on hésite à prononcer les mots «centre culturel» pour décrire un lieu qui se voudrait plus modeste que les nombreux centres culturels étrangers à Paris, comme ceux de la Finlande, de la Suède ou Wallonie-Bruxelles. Il s'agirait en somme d'une version «light».
«Je ne m'avancerai pas tant que je n'aurai pas vu d'argent sonnant et trébuchant sur la table», dit Hervé Foulon. Le président des Éditions Hurtubise HMH, qui possède la Librairie du Québec, reconnaît avoir été échaudé par l'échec de 2003. Seule véritable vitrine culturelle québécoise à Paris, la librairie (qui est aussi un centre de distribution) aurait pratiquement besoin de doubler sa surface. Elle reçoit actuellement 75 000 $ par année de la SODEC et du MRI pour organiser des lancements et tenir un site Internet.
Le projet pourrait être rediscuté prochainement lors du passage en France du premier ministre Jean Charest, qui participera aux Entretiens Jacques Cartier à Lyon à compter du 29 novembre. La ministre Christine St-Pierre sera aussi à Paris le 7 décembre prochain pour inaugurer la Semaine du cinéma québécois.
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Correspondant du Devoir à Paris