L'ADQ survivra, croit Dumont

Québec — Le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, est convaincu que le parti qu'il a cofondé et qu'il dirige depuis 14 ans va survivre à son départ. Cet héritage qu'il laisse derrière lui, ce parti autonomiste de centre droit dont il se dit fier, ne disparaîtra pas.
«L'ADQ a un rôle très important à jouer dans le Québec», a affirmé Mario Dumont lors d'une longue conférence de presse tenue au Parlement après une réunion du caucus de ses députés réélus ou défaits. «Ma grande fierté, c'est que je laisse au Québec un parti avec des milliers et des milliers de membres [...], un courant d'idées autonomiste, de centre droit, a-t-il dit. J'aurais aimé laisser un héritage plus riche en nombre de sièges.»Sa plus grande frustration, «c'est qu'il manquait cinq sièges en 2007», a signalé Mario Dumont. Cinq sièges de plus à l'ADQ et Mario Dumont serait devenu premier ministre, l'ultime ambition de cet homme de 38 ans.
L'ADQ sans Mario Dumont devra changer de nom puisque son nom officiel depuis 2003, c'est Action démocratique du Québec/Équipe Mario Dumont. C'est une simple formalité — une lettre au Directeur général des élections (DGE) —, mais elle n'est pas insignifiante. Il n'est pas facile d'imaginer cette formation politique, issue d'une scission au sein du Parti libéral, sans celui qui la dirige depuis 1994.
Le soir de l'élection, alors que le pire se confirmait pour son parti, Mario Dumont annonçait qu'il abandonnera la tête de l'ADQ et son siège de député de Rivière-du-Loup. Après une période de transition qui durera quelques semaines, voire quelques mois, il quittera la vie politique active. C'est tout juste avant le débat des chefs de la mi-campagne qu'il a envisagé cette conclusion, a-t-il souligné hier. La décision, même si elle a pris tout le monde par surprise lundi, était mûrie.
Idéalement, Mario Dumont aimerait rester jusqu'à ce que son successeur soit choisi, mais cela dépendra du caucus et des militants. «Je suis disponible pour rendre service, non pas pour être une belle-mère qui encombre», a-t-il assuré. Il entend rester neutre; il a donc refusé de commenter la candidature spontanée du maire d'Huntingdon, Stéphane Gendron. Mais il est parfaitement possible que le prochain chef de l'ADQ ne soit pas un élu, estime Mario Dumont.
Hier, le député de La Peltrie, qui fut porte-parole en matière de santé, Éric Caire, a confirmé qu'il songeait à se porter candidat. Or sa femme attend un quatrième enfant. «Si on s'engage comme chef de l'Action démocratique dans les prochaines années, cet engagement doit être total et entier pour reconstruire le parti», a-t-il dit à l'entrée du caucus. Après que son nom eut circulé, Gérard Deltell, nouvellement élu dans Chauveau, a indiqué hier qu'il ne sera pas candidat. Il entend se consacrer entièrement à «la tâche colossale» — ce sont les mots qu'il a employés — de simple député.
Mario Dumont croit que son départ permettra à des personnalités qui partagent des idées de centre droit de se manifester. Il a dit «rester un militant dans l'âme». Au prochain congrès de l'ADQ, «c'est moi qui vais avoir les "thunder sticks" dans les mains. Je vais être la première cheerleader des idées» de l'ADQ, a dit M. Dumont. Cette perspective semble l'enthousiasmer.
S'il faut se fier à ses dispositions actuelles, Mario Dumont ne recommencera pas une carrière politique de sitôt. «Je suis serein avec l'idée que, pour les 20 prochaines années, je vais faire autre chose et je vais être un homme heureux», a-t-il affirmé. Il n'est pas question qu'il se lance sur la scène politique fédérale. «Ça ne m'a jamais vraiment intéressé», a-t-il dit.
Mario Dumont a soutenu qu'il n'avait pas de plan, pas de projet précis. Ceux qui affirment le contraire sont «des bouffons qui parlent à travers leur chapeau».
Pour Mario Dumont, «la journée de lundi a été une journée sombre pour toute personne qui a un minimum de respect ou de considération pour la démocratie québécoise». Le chef adéquiste constate, non pas une simple baisse du taux de participation des électeurs, mais «un changement d'ordre de grandeur». À ses yeux, Jean Charest en portera le poids devant l'histoire.
Le 8 décembre, le Parti libéral n'a guère fait mieux que son score médiocre de 2007, soit 50 000 votes de plus. Le Parti québécois n'a que 15 000 voix de plus que le désastreux résultat de 2007. Le vote adéquiste, lui, a chuté de 700 000, soit de 60 %. On peut en déduire que bon nombre de ceux qui ont voté pour l'ADQ en 2007 ne se sont pas rendus voter en 2008. «C'est comme si nous avions été capables de les convaincre que les autres options n'étaient pas valables sans pouvoir les convaincre que cela valait la peine de voter pour nous», juge Mario Dumont. Le potentiel adéquiste, il est là.
Pour l'heure, les adéquistes doivent préparer la succession de Mario Dumont. L'exécutif du parti se réunit ce soir pour en discuter. L'ADQ tentera aussi de se faire conférer le statut de parti reconnu à l'Assemblée nationale, un privilège accordé aux partis qui obtiennent au moins 20 % des votes ou encore 12 sièges. Sont liés à ce statut un budget de fonctionnement et des droits d'intervention à la période de questions de l'Assemblée nationale. Le projet de réforme parlementaire prévoit un seuil de 15 % ou six députés. Le premier ministre Jean Charest s'est montré ouvert à accéder à la requête de l'ADQ, mais l'opposition officielle doit y donner son aval.