Caisse de dépôt - Charest affirme ne pas avoir les chiffres

Mario Dumont
Photo: Mario Dumont

Sainte-Anne-de-la-Pérade et Québec — Jean Charest a soutenu hier ne pas être au courant des pertes de la Caisse de dépôt, mais il a pourtant garanti que les pensions de la Régie des rentes du Québec (RRQ) seraient payées à ceux qui y ont droit. Il a intimé Mario Dumont de s'excuser pour avoir mené une campagne de peur à ce sujet, ce qui rend le chef adéquiste «indigne de représenter les citoyens», a-t-il plaidé. Ce dernier a maintenu sa position et a répliqué à Jean Charest.

Le chef libéral a soutenu, hier matin, dans une conférence de presse devant le parlement à Québec, qu'il prendrait «connaissance des résultats [de la Caisse de dépôt et de placement — CDP] au moment où ils les auront compilés, et ils vont les compiler à la fin de l'année. C'est la même procédure à chaque année, alors je vais connaître les résultats en même temps qu'ils vont les rendre publics, ou à peu près.»

Même si la ministre des Finances reçoit des rapports mensuels sur l'état de la CDP, M. Charest a soutenu qu'il ne lui avait «jamais demandé» cette information puisque ces fonds-là sont «gérés sur une longue période de temps». Selon lui, si les gestionnaires de la caisse pensaient «qu'il y avait quelque chose qui était hors norme à signaler [au premier ministre], ils le feraient bien».

En visite à Sainte-Anne-de-la-Pérade, au royaume du poulamon, Mario Dumont a sauté dare-dare sur sa prise. «Eh, c'est vraiment bon, ça. La ministre des Finances a les chiffres, mais le premier ministre ne les a pas. Il se présente en conférence de presse et il dit aux gens: "Soyez rassurés, mais je n'ai pas les chiffres." Il nous rassure, mais il n'a pas les chiffres. Ayoye.»

M. Dumont a suggéré à son adversaire de passer un coup de fil à Monique Jérôme-Forget. «Ça pourrait être un cinq minutes bien investi.»

Mais, selon Jean Charest, les aînés n'ont pas de raisons de s'inquiéter. «La garantie que je vous donne aujourd'hui, c'est une garantie que les représentants de la Caisse ont déjà donnée. À la Régie des rentes du Québec [dont les fonds sont administrés par la CDP], les entrées de fonds continuent d'être supérieures aux sorties de fonds sur une base annuelle», assure M. Charest.

S'il a donné des garanties pour ce qui est des pensions, M. Charest a refusé de s'engager, en raison de la crise financière, à ce que les cotisations à la Société d'assurance automobile et à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) n'augmentent pas. «Ça dépend des stratégies que la caisse aura adoptées pendant l'année pour faire face à ces changements-là», a indiqué M. Charest. «Alors, on verra ce que sera le résultat au global. Et peu importe les changements faits, la Caisse aura comme d'habitude, et comme elle le fait normalement, déterminé avec ses cotisants la stratégie à adopter pour pouvoir maintenir les services.»

Régie des rentes

Revenons à la RRQ: elle reçoit de fait pour l'instant plus d'argent qu'elle n'en verse. Cette situation durera jusqu'en 2011. Il faudra alors utiliser les profits réalisés par la CDP pour payer les prestations des retraités. Le régime étant toutefois calculé sur le long terme, on espère que les marchés boursiers auront eu le temps de se rétablir d'ici là.

Hier, l'Association des retraités de l'éducation du Québec (AREQ) a d'ailleurs invité Mario Dumont à faire preuve de prudence et de retenue dans ses propos sur les rentes de retraite. De même, l'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic a déploré «le climat de crise qui est entretenu depuis quelques jours à propos de la gestion de la Caisse».

Mais cette situation inspire visiblement Mario Dumont. Il a passé la journée à fustiger Jean Charest et à dénoncer son «manque de transparence». Après avoir été ignoré par ses adversaires depuis le début de la campagne, M. Dumont se retrouve maintenant au centre des débats.

À Sainte-Anne-de-la-Pérade, il a ressorti son tableau et son crayon noir de la campagne 2007 pour expliquer clairement à une trentaine de militants les conséquences possibles des ennuis de la CDP.

S'il a amorcé la journée sur la défensive — les médias l'ont bombardé de questions concernant son apparente «campagne de peur» destinée aux aînés —, M. Dumont a systématiquement renvoyé la balle dans le camp de Jean Charest.

«Ce qui fait le plus peur dans la vie des enfants et des grands parents, c'est la noirceur. Dans le cas de la CDP, [M. Charest] cache les chiffres, les données, les conséquences. Qu'il fasse la lumière», a-t-il martelé.

M. Dumont a rappelé que l'ADQ avait été accusée de mener une campagne de peur en 2007, alors qu'elle s'inquiétait de l'état des ponts et des viaducs du Québec. Trois mois plus tard, a souligné M. Dumont, 135 structures étaient pourtant interdites à la circulation lourde.

Le chef s'est vigoureusement défendu d'avoir voulu effrayer une centaine de personnes âgées devant lesquelles il avait brandi jeudi la menace que leurs chèques de pension soient coupés.

M. Dumont affirme avoir simplement repris un scénario énoncé dans le Globe and Mail. Il estime que le débat sur les conséquences doit être mené maintenant, et pas après les élections. «Ce n'est pas un sujet drôle ou facile, mais la population doit savoir.»

Selon M. Dumont, il n'y a que trois solutions pour pallier les pertes présumées de la RRQ dans la débandade de la CDP: renflouer la caisse, augmenter les cotisations ou encore couper les prestations.

Le chef adéquiste a indiqué que ce dernier scénario était le «pire de tous, celui qu'il faut exclure». Mais il l'entretient, au nom du droit à l'information. L'ADQ privilégie quant à elle de renflouer la Caisse et argue qu'elle est la mieux placée pour le faire, ayant l'intention de dégager une marge de manoeuvre dans les finances de l'État en vendant 10 % d'actions d'Hydro-Québec.

Respect

Autrement, MM. Dumont et Charest se sont mutuellement invectivés tout au long de la journée. M. Dumont «a choisi d'exploiter l'inquiétude [de la population], a lancé Jean Charest. Il a choisi de semer la peur, il a choisi, au nom de son bénéfice partisan, d'alimenter l'insécurité de nos aînés. J'ai rarement vu dans une campagne autant de cynisme. En versant dans cette campagne de peur odieuse, M. Dumont s'est rendu indigne de représenter les citoyens.»

«Nous avons tous des parents ou des grands-parents, et on sait à quel point l'insécurité est pour eux une préoccupation, a ajouté le chef libéral. La décence élémentaire impose de ne pas en rajouter.» Et encore: «Il pose un geste qui à mes yeux à moi est odieux, est indigne.»

M. Dumont juge que les aînés sont les personnes les «mieux informées» de la société. «Ce sont ceux qui me disent à l'épicerie qu'ils ont écouté le canal parlementaire, ce sont ceux qui lisent le journal au complet...» Il se demande: «qu'est-ce que c'est que ce raisonnement» qui porte M. Charest à croire qu'ils ont une «vulnérabilité politique»? «J'ai senti [jeudi] que ces gens sont capables de débattre de ces enjeux», a-t-il dit.

Quant à M. Charest, il a annoncé hier 140 millions supplémentaires par année pour les aînés en perte d'autonomie, dont 90 millions pour les soins à domicile, 35 millions pour les soins post-hospitaliers et 15 millions pour les ressources intermédiaires.

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