Québec exauce Tremblay

Québec a exaucé le voeu de Gérald Tremblay: à partir de novembre 2009, le maire de Montréal aura le contrôle sur l'arrondissement Ville-Marie. L'entente signée hier à l'hôtel de ville en présence de la ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, accorde également de nouvelles sources de financement à la métropole. «Une entente historique», a commenté le maire ravi.
En plus de conclure un accord avec Montréal, la ministre Normandeau a aussi réussi à dénouer l'impasse qui perdurait depuis des mois concernant le fonctionnement de l'agglomération. Le maire Tremblay et ses 15 homologues des banlieues se sont mis d'accord sur de nouvelles règles de gouvernance, marquant ainsi la fin de longues et laborieuses discussions. «Aujourd'hui, nous pouvons dire mission accomplie!», a lancé la ministre Normandeau devant les maires réunis dans le hall d'honneur de l'hôtel de ville hier.La métropole
Dans un premier temps, Québec modifiera la charte de la Ville de Montréal afin de lui octroyer le titre de «métropole». Cette reconnaissance, que souhaitait le maire Tremblay depuis des années, se traduira par diverses mesures qui permettront à la Ville de diversifier ses sources de revenus.
D'une part, Québec versera annuellement 25 millions de dollars à la Ville de Montréal pour des services qu'une métropole doit assurer en matière d'itinérance, de sécurité publique ou d'intégration des immigrants. Ce coup de pouce financier s'apparente aux 7,8 millions qu'avait obtenus la Ville de Québec à titre de capitale nationale, a précisé la ministre. Québec accepte aussi de verser le plein montant des taxes foncières du Palais des congrès, ce qui correspond à un montant annuel de neuf millions de dollars.
S'inspirant d'une entente intervenue entre la Ville de Toronto et le gouvernement de l'Ontario, Québec accorde à la métropole de nouveaux pouvoirs afin d'accroître ses revenus. Ainsi, Montréal pourra désormais imposer une taxe municipale sur un bien meuble. Les propriétaires de piscine pourraient devoir payer une taxe, a-t-on indiqué hier à titre d'exemple. À Toronto, la Ville avait choisi de créer une taxe liée aux véhicules de promenade.
Montréal pourra également imposer une taxe sur un immeuble, un stationnement par exemple, en plus de mettre en place un régime de redevances réglementaires. Cette mesure s'apparente à une tarification dont les revenus sont destinés à un usage spécifique, comme un tarif appliqué aux grosses cylindrées qui servirait à financer des mesures d'assainissement de l'air, par exemple. L'idée d'une taxe sur les billets de spectacle et les repas au restaurant a par ailleurs été abandonnée.
Gérald Tremblay a refusé de dévoiler les services ou les biens susceptibles d'être ainsi taxés, craignant que les exemples qu'il pourrait citer soient interprétés comme ses intentions. Il affirme que des discussions seront menées avec les partenaires, notamment le milieu associatif, afin de déterminer les biens à taxer, et que ces mesures ne seraient pas appliquées avant un an. «On n'a pas l'intention d'augmenter le fardeau fiscal général des contribuables pour le budget 2009», a-t-il insisté.
Le centre-ville
Le gouvernement a également accédé à une demande de longue date de Gérald Tremblay concernant la gouvernance du centre-ville. La mesure, qui n'entrera en vigueur qu'après l'élection de novembre 2009, prévoit que le maire de Montréal devienne automatiquement maire de l'arrondissement Ville-Marie. Il siégera au conseil d'arrondissement avec deux conseillers désignés par lui et trois conseillers élus localement. Le maire aura un vote prépondérant en cas d'égalité. Le maire de Montréal n'aura donc plus à composer avec un membre de l'opposition à la mairie de cet arrondissement stratégique. C'est actuellement Benoit Labonté, son ancien allié ayant rejoint le camp ennemi, qui dirige la mairie de Ville-Marie.
Par ailleurs, la ville-centre pourra, dans des cas exceptionnels, rapatrier des pouvoirs relevant habituellement des arrondissements pour une durée maximale de deux ans. Un vote majoritaire du conseil devra être obtenu au préalable. Si cette période devait être prolongée, le vote des deux tiers des voix serait alors nécessaire. «C'est un processus démocratique qui ne remet aucunement en question la décentralisation et les services de proximité, s'est défendu M. Tremblay. Dans les situations exceptionnelles, comme on en a vécues pour les piscines ou pour la neige, c'est normal que le conseil de ville puisse intervenir dans le meilleur intérêt des citoyens.»
Finalement, la charte amendée permettra à la ville-centre de modifier le plan d'urbanisme et l'élaboration de programmes particuliers d'urbanisme (PPU), une responsabilité jusqu'alors confiée aux arrondissements.
Conseil d'agglomération
La ministre a par ailleurs réussi ce qui paraissait impossible il y a quelques mois, soit obtenir l'accord unanime des 16 villes de l'île de Montréal afin de modifier certaines règles relatives au fonctionnement de l'agglomération. «Il a fallu mettre de l'eau dans notre vin pour atteindre ce consensus. Il y avait beaucoup d'irritants, a rappelé la mairesse de Westmount, Karin Marks. La page est tournée même s'il y a encore des choses qui vont évoluer.»
Contrairement à ce que prévoyait le projet de loi 22, la composition du conseil d'agglomération ne sera pas modifiée et celui-ci comptera 31 élus. Le gouvernement a par ailleurs renoncé à permettre à deux élus des villes défusionnées de siéger au sein du comité exécutif. Le concept de secrétariat d'agglomération a été écarté au profit d'un «secrétariat de liaison», sans personnalité juridique, qui devra faciliter la transmission d'informations aux membres du conseil. Il disposera de son propre budget, a précisé la ministre. «L'objectif est de faciliter une fluidité dans la circulation de l'information et une transparence dans l'accès à l'information», a-t-elle dit. Un comité de vérification sera également formé, où siégeront deux élus des villes reconstituées.
À compter du 1er janvier 2009, les contribuables des 15 villes défusionnées ne recevront qu'un compte de taxes puisque la contribution des banlieues aux dépenses d'agglomération se fera sous forme de quotes-parts et non d'une taxe perçue par l'agglomération.
Finalement, Québec accorde aux villes liées le soin de gérer le réseau artériel de leurs territoires respectifs et révise la liste des équipements collectifs relevant de l'agglomération, une source de mécontentement profond chez les maires des banlieues.
Les deux ententes visant à modifier la charte de la Ville et le projet de loi 22 seront déposés à l'Assemblée nationale pour adoption d'ici la fin de la session parlementaire, la semaine prochaine. La ministre estime que, compte tenu de l'unanimité obtenue sur l'île de Montréal, l'Action démocratique du Québec et le Parti québécois pourront difficilement rejeter les amendements proposés.
Le chef de l'opposition, Benoit Labonté, a salué la reconnaissance du titre de métropole accordé à Montréal, mais il s'est dit préoccupé par les «vices démocratiques» touchant la gouvernance du centre-ville et par la perte des droits démocratiques des électeurs de Ville-Marie, qui ne pourront plus choisir leur maire d'arrondissement.