«L'A-25 n'est pas la bonne solution»
L'installation de péages sur les ponts qui donnent accès à la métropole pourrait décongestionner les grandes artères beaucoup plus efficacement que la construction du pont de l'A-25, qui va plutôt refouler les usagers en nombre croissant vers des routes alternatives qui, à leur tour, vont rapidement se congestionner.
C'est ce qu'a soutenu hier le président de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), Michel Gagnon, à l'occasion d'une conférence de presse destinée à annoncer que cet organisme s'associait aux trois groupes qui s'apprêtent à déposer une demande d'injonction en Cour supérieure afin de faire arrêter les travaux de construction parce que ceux-ci ont fait l'objet d'une évaluation incomplète de leurs impacts et brimé le droit formel des citoyens d'en débattre devant une commission d'enquête indépendante.Les ingénieurs gouvernementaux vont verser 10 000 $ au financement de ce recours juridique. Selon André Porlier, porte-parole du Conseil régional de l'environnement, la campagne de financement par Internet (baptisée «25 $ contre la 25») a rapporté plus de 6000 $ en moins d'une semaine. L'objectif est d'amasser 30 000 $, car le Conseil régional, Greenpeace et Équiterre ainsi que les centrales syndicales qui les appuient n'avaient pas prévu que Québec lance les travaux avant que la poursuite sur leur légalité n'ait été tranchée.
L'APIGQ, dont la moitié des 1125 membres travaillent au ministère des Transports, estime sur la foi de leur expertise que la commission du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) a basé son jugement à propos de la justification de ce pont «sur des études incomplètes». On a notamment négligé une idée que Québec pourrait parrainer et que Montréal caresse aussi, soit d'installer des péages sur tous les ponts qui ceinturent l'île. Il pourrait en résulter une décongestion générale du réseau autoroutier beaucoup plus substantielle que celle qu'on espère de l'A-25, ont fait valoir les ingénieurs gouvernementaux, qui entendent mettre leur expertise au profit de la poursuite intentée par les écologistes.
Le porte-parole des ingénieurs gouvernementaux a d'ailleurs produit un extrait d'un rapport de la firme PB Consult pour le Bureau de mise en oeuvre des PPP sur l'achalandage autoroutier autour de Montréal. Cette étude conclut que «dès que l'A-25 est soumise au péage, les usagers se redirigent vers les routes alternatives et contribuent à les rendre ainsi plus congestionnées. Plusieurs infrastructures régionales importantes fonctionneront au-delà de leur capacité dans le futur. Seules les routes aux abords des sections à péage bénéficient d'une légère rémission lorsque les péages sont mis en service». La construction de l'A-25 va entraîner un fort développement immobilier sur la rive nord, ce qui va accroître le nombre de voitures. Ces autos seront refoulées vers les ponts Charles-de-Gaulle et Pie-IX à raison de 30 000 véhicules par jour lorsque le pont de l'A-25 sera équipé de péages, précise la société PB Consult.
«L'A-25, a ajouté Michel Gagnon, n'est pas la bonne solution, pas plus que les PPP ne sont l'option la moins coûteuse», d'autant plus que le lancement de ce projet risque de «contribuer à une surchauffe de l'industrie de la construction» avec le programme majeur de restauration des routes, des ponts et des viaducs du Québec.
À son avis, il est «totalement irréaliste de prétendre, comme l'a fait la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, que le Québec fera des économies de 226 millions sur un projet de 484 millions». Au contraire, l'APIGQ estime qu'un projet dirigé par le ministère des Transports coûtera 186 millions aux Québécois alors qu'un projet en PPP va coûter 236 millions aux contribuables, déduction faite des revenus de péage dans les deux scénarios.