Pas de réouverture de la Constitution avant 15 ou 20 ans

Québec — Malgré l'opinion d'un expert selon lequel il n'y aura pas de réouverture de la Constitution d'ici 15 à 20 ans, Benoît Pelletier ne désespère pas. «Nul ne sait combien de temps ça peut prendre», a déclaré le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes en marge du Congrès canadien des affaires constitutionnelles à Québec.

Parfois, a-t-il argué, les «contextes évoluent très vite en politique». M. Pelletier en veut pour preuve trois récents «gains» (certes, non constitutionnels) du Québec: la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes, le règlement partiel du déséquilibre fiscal et l'entente entre Québec et Ottawa sur l'UNESCO. C'est arrivé alors que personne ne s'y attendait vraiment, a-t-il soutenu.

C'est le doyen de la faculté de droit Osgoode Hall, de l'université York, Patrick Monahan, qui avait parlé quelques minutes plus tôt d'une période de «15 à 20 ans» avant une réouverture de la Constitution. Et ce, malgré les «velléités» du premier ministre fédéral Stephen Harper de réformer le Sénat, avait-il spécifié. M. Monahan a évoqué une théorie selon laquelle Internet avait tellement transformé la «nature des rapports sociaux» que la question constitutionnelle nationale perdait de son attrait dans certaines franges importantes de la population. La génération «Facebook», a-t-il dit en substance, se mobilisera plus spontanément pour des questions de droits de l'homme à l'étranger que pour une réforme constitutionnelle. Une théorie que le constitutionnaliste et député péquiste Daniel Turp a qualifiée de «simpliste».

Pourtant, «les conditions d'une réouverture de l'enjeu constitutionnel sont toutes là», déclarait le chef adéquiste, Mario Dumont, le 9 janvier dernier. Aux yeux du chef de l'opposition officielle, au moins trois sujets actuellement à l'ordre du jour pourraient conduire à une telle réouverture: la réforme du Sénat, la constitutionnalisation de la reconnaissance du Québec comme nation (évoquée récemment par Stephen Harper) et l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser. Mais le ministre Pelletier n'est pas d'accord. Selon lui, M. Dumont «ne comprend pas le dossier» puisque le fédéral ne parle que de «réformes qui sont non constitutionnelles». Sur l'idée d'insérer le concept de nation dans la Constitution, M. Pelletier souligne que le premier ministre fédéral s'est montré «extrêmement» nuancé, indiquant que cela se ferait «lorsque le moment sera venu, «lorsque le terrain sera fertile».

Quant au pouvoir de dépenser du fédéral, M. Pelletier a précisé hier les trois conditions qui pourraient conduire Québec à appuyer une loi fédérale pour l'encadrer.

Pour Québec, un tel pouvoir n'est pas inscrit dans la Constitution et il n'a jamais été entériné clairement par la jurisprudence. Paradoxalement, il est prêt à le reconnaître moyennant trois conditions qui le limiterait. D'abord, «la nécessité du consentement d'une province, exprimé formellement, pour la mise en oeuvre sur son territoire de toute forme d'initiative financière fédérale relative à un domaine de compétence provinciale exclusive». Ensuite, la nécessité d'offrir un «droit de retrait inconditionnel avec pleine compensation financière à toutes les provinces qui ne consentiraient pas à une telle initiative». Et enfin, «que cette limitation s'étende aux programmes passés, présents et futurs». «Ça me dérange que le gouvernement du Québec envisage de négocier sur la base d'une loi fédérale l'exercice par celui-ci de son pouvoir de dépenser», a rétorqué M. Turp, qui préférerait que le gouvernement, comme le PQ et l'ADQ, plaide pour son «élimination». Ce dernier a encore une fois plaidé hier pour l'adoption, par le Québec, d'une constitution interne, soulignant que la Colombie-Britannique avait fait de même dès son entrée dans le dominion. Il a rappelé que M. Pelletier a à plusieurs reprises qualifié ce projet de «porteur».

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