Hippodromes: Québec continue de payer

La privatisation des quatre hippodromes génère des coûts imprévus pour le gouvernement du Québec. Les difficultés éprouvées par le nouveau propriétaire pour relocaliser l'hippodrome de Montréal au nord de l'île obligent Québec à maintenir une structure publique de gestion qui lui coûte 5,9 millions supplémentaires jusqu'en septembre 2009.

Le conseil des ministres a adopté en décembre dernier un décret par lequel le ministère des Finances verse 10,9 millions à la Société nationale du cheval de course (SONACC) plutôt que la somme de cinq millions prévue et qui venait à échéance en juillet dernier. L'aide financière prend l'allure d'un prêt remboursable à la SONACC.

L'argent permettra de couvrir les frais financiers liés aux dettes de l'organisme public, explique-t-on au ministère des Finances. «Cela permettra à la SONACC de respecter ses obligations», a précisé le porte-parole du ministère, Jacques Delorme.

En décembre 2006, le Vérificateur général avait relevé de nombreuses irrégularités de gestion au sein de la SONACC. Ce rapport accablant démontrait, entre autres choses, des augmentations salariales sans justification pouvant atteindre 30 %, des primes s'élevant jusqu'à 30 000 $, des dépenses de 1,1 million pour des repas gratuits et des allocations automobiles jamais signalées au fisc.

Devant tant de laxisme, le ministre des Finances d'alors, Michel Audet, avait transmis le dossier à la Sûreté du Québec. L'enquête se poursuit toujours, assure la SQ.

Certains cadres supérieurs de la SONACC ont été embauchés par le nouveau propriétaire privé des hippodromes, Attractions hippiques, une entreprise appartenant au sénateur libéral Paul J. Massicotte. Ce dernier est un ami de l'ancien premier ministre Jean Chrétien et un collecteur de fonds pour le Parti libéral du Canada.

Le sénateur Massicotte est également une connaissance de Simon Brodeur, vice-président de Loto-Québec et responsable de la nouvelle filiale de Loto-Québec qui s'occupe des salons de jeu. M. Brodeur faisait partie du comité de sélection qui a choisi, au nom du gouvernement, Attractions hippiques comme propriétaire des quatre hippodromes. Le Vérificateur général a souligné qu'il ne s'était pas retiré du processus.

Les salons de jeu de Loto-Québec où sont concentrées des centaines d'appareils de loterie vidéo (ALV), et qui relèvent de M. Brodeur, sont combinés aux hippodromes de M. Massicotte. Une portion des revenus générés par ces machines (22 %) est directement versée à Attractions hippiques sans que cette entreprise en assume l'entretien et la gestion.

Avec la privatisation des hippodromes en faveur de l'entreprise Attractions hippiques, la SONACC devait disparaître. Or Attractions hippiques peine à trouver un site pour déménager l'hippodrome de Montréal dans la couronne nord. À l'origine, le projet devait être annoncé à l'automne 2006 et se concrétiser au printemps prochain.

Le sénateur Massicotte semblait privilégier Laval, mais la ministre responsable de la région, Michelle Courchesne, a été sensible à la résistance des citoyens exprimée dans sa circonscription. Attractions hippiques a fait une offre pour un terrain de quatre millions de pieds carrés à Saint-Eustache. La municipalité se montre enthousiaste mais il y a un hic. Le site visé est à cheval entre Saint-Eustache et Boisbriand.

Or la Ville de Boisbriand, qui avait déjà adopté une résolution au conseil municipal pour s'opposer au projet, a réitéré son geste mardi dernier. «Un projet d'hippodrome avec casino ne correspond pas à la vision d'une communauté solidaire favorisant la qualité de vie des familles et des aînés, laquelle caractérise la population de Boisbriand», peut-on lire dans la nouvelle résolution.

Des approches ont également été faites du côté de Mirabel, où l'on se montre prêt à accueillir Attractions hippiques et son projet, qualifié de «récréotouristique» à cause de l'intégration d'une salle de spectacles et d'un complexe hôtelier. Un problème de zonage agricole se pose toutefois à Mirabel.

«On cherche toujours. Il y a des négociations en cours», s'est borné à dire le représentant d'Attractions hippiques, Jean-Paul Lejeune.

Pendant ce temps, Attractions hippiques présente des courses de chevaux à l'hippodrome de Montréal, dont les terrains appartiennent à la SONACC. «La SONACC attend que l'hippodrome de Montréal soit déménagé pour se saborder», a indiqué M. Delorme, du ministère des Finances.

«La SONACC, ce n'est pas notre problème!», a laissé tomber pour sa part M. Lejeune.

Le gouvernement péquiste de Bernard Landry avait forcé la vente de l'hippodrome à la SONACC pour 35 millions afin de donner un coup de pouce à une industrie en déclin. Le terrain est actuellement évalué à 32 millions. Lorsque l'hippodrome sera relocalisé, la vente devrait permettre à la SONACC de payer ses dettes et de rembourser les 5,9 millions prêtés par le ministère des Finances.

À son arrivée au pouvoir, le gouvernement libéral a voulu mettre un terme au soutien financier annuel à l'industrie hippique et s'est tourné vers la privatisation. Attractions hippiques bénéficie de gains liés aux ALV équivalant à 36,1 millions par année. De plus, l'entreprise empochera le produit de la taxe sur le pari mutuel pour une période de cinq ans.

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