Couillard veut un grand ménage

Philippe Couillard est fatigué d'être politiquement incommodé par les problèmes d'infections nosocomiales subis par les hôpitaux. Le mot d'ordre qu'il a donc lancé hier aux 500 administrateurs et directeurs généraux des établissements de santé du Québec est on ne peut plus clair: faites le ménage chez vous. Au sens propre du terme. Le ministre de la Santé et des Services sociaux n'a pas été particulièrement tendre avec ses employés à l'occasion de la première allocution de son deuxième mandat, prononcée hier devant l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS). «Il faut augmenter l'action et l'énergie» actuellement déployées pour rendre les hôpitaux propres, a-t-il lancé aux dirigeants réunis en congrès.

«On m'a souvent abordé durant la campagne électorale pour me dire que ce n'est pas propre [dans les établissements]. Quand ça arrive une fois, on se dit que c'est circonstanciel. Mais quand ça vient de tous les coins du Québec, c'est autre chose.»

Et ce n'est pas un manque de ressources qui cause le problème, a-t-il dit. «Un hôpital universitaire vient de faire le grand ménage. Ils ont sorti les "mops" et lavé les murs, les planchers, les plafonds, tout. Ç'a coûté 26 000 $. Alors, ce n'est pas acceptable de dire que les établissements n'ont pas les ressources pour faire ça.»

Le ministre Couillard a notamment suggéré aux patrons des centres de santé de la province d'organiser — en plus du ménage quotidien — une grande opération annuelle de propreté afin de montrer à la population les efforts déployés pour combattre les infections nosocomiales et la perception générale de malpropreté dans les établissements de santé.

Sur le thème «arrêtez d'être modestes», Philippe Couillard a d'ailleurs incité les directeurs des établissements de son réseau à rendre publics de telles activités ainsi que tout autre bon coup. Il a donné le contre-exemple de l'Institut de cardiologie de Montréal, qui a dû expliquer cette semaine l'accroissement récent des délais d'attente pour une chirurgie dans son établissement alors que, pendant plusieurs mois, l'institut a présenté de bons résultats en ce sens. Mais personne n'était au courant de ces résultats, a déploré M. Couillard devant un parterre attentif.

Plus largement, le ministre exige que les dirigeants assument mieux leurs responsabilités: il aimerait ainsi qu'ils soient plus rapides à réagir sur le front médiatique quand survient une crise. «C'est dysfonctionnel que ce soit le ministère qui réagisse en premier quand il y a un problème dans un établissement», croit M. Couillard. «La responsabilité ultime, c'est moi. Mais ça fait partie de ma tâche de rappeler [aux dirigeants] qu'ils sont aussi responsables.»

D'un point de vue communicationnel, il y a selon lui moyen d'être «plus dynamique, de dire: "voici ce qui s'est passé et voici ce qu'on a fait"». Pour mieux prévenir les crises, la transparence est un bon outil, a-t-il dit. M. Couillard faisait notamment référence aux récents événements survenus au centre hospitalier de Saint-Hyacinthe et l'hôpital Sainte-Justine, où les médias ont révélé des problèmes graves qui avaient été en partie réglés, mais après avoir causé la mort de plusieurs personnes, et ce, sans que les hôpitaux n'aient ressenti le besoin d'avertir la population.

Les messages envoyés par le ministre ont été bien reçus, a assuré la directrice générale de l'AQESSS, Lise Denis, après l'allocution de M. Couillard, qu'elle a qualifiée «d'intervention très franche». Selon Mme Denis, les «administrateurs sont prêts à répondre de la qualité des services» offerts dans les établissements de santé. «M. Couillard nous offre un espace [de parole] que nos administrateurs demandaient.»

Infirmières

Une fois lancé son message de propreté, le ministre Couillard a autrement réitéré qu'il plaçait au coeur des priorités de son nouveau mandat la question de la pénurie des infirmières. Déjà, il manque 1500 infirmières au Québec, et ce chiffre pourrait atteindre les 17 000 d'ici 12 ans.

Hier, Philippe Couillard a indiqué à la presse qu'il était «prêt à aller là où on n'est jamais allé» pour résoudre ce problème. La solution de base est simple: il faut rendre la profession plus attrayante. Par contre, les moyens d'y parvenir sont un peu moins évidents.

La première idée soulevée par le ministre, celle «d'offrir des primes pour les infirmières qui font des tâches spécialisées», ne plaît pas beaucoup à la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ, ancienne FIIQ). «Ce n'est pas du tout ce qu'on privilégie», a indiqué la présidente Lina Bonamie. «Depuis le virage ambulatoire, le fardeau de la tâche des infirmières est élevé partout, a-t-elle dit. Ce qu'il faut, c'est bonifier l'ensemble des conditions salariales.»

Mme Bonamie a mentionné qu'à l'heure actuelle, certaines infirmières reçoivent des primes (celles qui travaillent aux soins intensifs ou la nuit, par exemple). «On leur donne un boni de 33 $ pour dix jours de travail. Ça paie à peine le café... Il faut réfléchir plus largement à cette question. Le problème qu'on a présentement, ce n'est pas d'attirer les jeunes vers la profession: les facultés sont pratiquement pleines. Sauf que près du tiers des étudiantes laissent tomber en cours de route après avoir fait un stage et vu ce que c'est que d'être infirmière au Québec.»

Philippe Couillard est aussi revenu à la charge avec l'idée de réaménager les quarts de travail pour diminuer et mieux répartir les heures supplémentaires assurées par les infirmières. «Tout le monde veut le poste de jour, c'est normal, a mentionné le ministre. Mais il faut qu'il y ait du mouvement dans cette organisation du travail, plus de souplesse.» Et pour cela, il a «besoin de la collaboration des syndicats».

Ici aussi, la FIQ montre des réticences. «Nous avons fait des propositions en 2003 pour améliorer ce point, et le ministère a répondu par un décret.» La FIQ se dit toutefois «ouverte à la discussion».

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