Autoroute 25 - Québec force Montréal à modifier son schéma d'aménagement

Québec — Exaspéré par l'opposition de Montréal au parachèvement de l'autoroute 25, le gouvernement Charest a décidé d'user de pouvoirs extraordinaires et oblige la métropole à modifier son schéma d'aménagement. Un décret a été adopté en ce sens au conseil des ministres, la semaine dernière, pour rendre conforme la construction «d'un tronçon autoroutier de 7,2 kilomètres reliant Montréal à Laval, incluant un pont de 1,2 kilomètre au-dessus de la rivière des Prairies». Au dire de la ministre responsable de Laval, Michèle Courchesne, le texte «ne donne pas le choix à la Ville». «Elle va le faire, elle ne s'y opposera pas», a-t-elle dit, étant donné que la Ville est une créature de l'État du Québec. «Ils commencent sérieusement à nous pomper l'air», a commenté un membre de l'entourage de Gérald Tremblay, actuellement en déplacement à Lyon pour les Entretiens Jacques-Cartier.
Pour réaliser la 25, un dessein cher aux élus libéraux de Laval mais que Montréal a toujours considéré comme «non prioritaire», voire nuisible, le gouvernement devait démontrer que son projet était conforme aux objectifs du schéma d'aménagement des territoires touchés. Le cas de Laval ne posait pas de problème, contrairement au schéma encore en vigueur à Montréal, celui de l'ancienne Communauté urbaine de Montréal (CUM), adopté en 1986.La Ville avait refusé à plusieurs reprises d'effectuer la modification. «Par principe, comme ils étaient contre, ils ne l'ont pas fait», a expliqué Mme Courchesne, qui souligne que le projet de la 25 est toutefois conforme au schéma d'aménagement — adopté en 2005 mais non encore en vigueur — de la nouvelle Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), structure datant de l'après-fusion (2000) et regroupant 82 municipalités de la région de Montréal.
Le décret adopté la semaine dernière n'est pas une surprise, puisque le gouvernement Charest avait annoncé dès septembre ses intentions de se prévaloir des pouvoirs extraordinaires prévus dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme afin de «se substituer» à toute municipalité réfractaire.
Il a même tenu deux «assemblées publiques de consultation» en septembre sur la «pertinence de modifier le schéma d'aménagement», exercice qu'ont boudé tant les groupes intéressés par la question que la Ville de Montréal elle-même, et dont ont été exclus les journalistes.
En mars, la ministre des Affaires municipales et des Régions (MAMR), Hélène Normandeau, a délégué ses pouvoirs au ministère des Transports (MTQ) pour lui permettre de procéder à cette modification, une procédure peu habituelle qui a, selon des sources, soulevé bien des réticences au MAMR. En tout, le MTQ apportera trois modifications à la version du schéma de 1989, qui prévoyait la construction d'un boulevard vers Laval.
Le responsable des Transports à la Ville de Montréal, André Lavallée, s'est borné à dire qu'il «prenait acte» du geste de Québec. Il a souligné que trois instances de la Ville ont déjà signifié clairement leur refus du projet: le conseil exécutif, le conseil municipal et le conseil d'agglomération.
Cela fait dire à Steven Guilbault, porte-parole de Greenpeace et membre de la coalition contre la 25, que le gouvernement Charest «va à l'encontre de la démocratie» et passe sur le dos d'une des plus importantes municipalités au Québec. Il souligne aussi que la direction de la santé publique est opposée au projet. «Le gouvernement veut utiliser la tactique du fait accompli», dit M. Guilbault, en rappelant que des travaux ont débuté à Laval.
Robert Perreault, directeur général du Conseil régional de l'environnement de Montréal, rappelle quant lui que des membres de la coalition ont choisi de traîner le gouvernement devant les tribunaux pour démontrer que Québec a violé sa loi sur la qualité de l'environnement en présentant un «concept» devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et non un projet détaillé. «À Toronto, en milieu urbain, on a déjà vu un gouvernement être contraint d'arrêter les travaux sur une autoroute», a noté M. Perreault.