Québec investira 888 millions de plus en recherche et en innovation

Devant le gratin du monde de la recherche universitaire et privée, le premier ministre Jean Charest et son ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, Raymond Bachand, ont lancé leur stratégie de la recherche et de l'innovation en la présentant comme «la clé de voûte et la pièce maîtresse du développement économique du Québec de demain». En dollars, on parle ici de 888 millions d'investissements supplémentaires qui s'ajoutent aux 278 millions déjà annoncés, ce qui donne au total une somme de 1,2 milliard à investir au cours des trois prochaines années.
«Innover, c'est prospérer», a résumé M. Bachand, qui avait reçu le mandat spécifique de peaufiner son entrée en fonction comme ministre, une tâche à laquelle il s'est particulièrement attardé depuis six mois, mais des travaux étaient en cours au sein de l'appareil gouvernemental depuis 18 mois. L'objectif fixé par le gouvernement est atteindre des dépenses en recherche et développement de 3 % du PIB d'ici à 2010. On en est présentement à 7,2 milliards par an ou à 2,72 % du PIB. On veut aussi faire passer la part des entreprises dans le financement de la recherche et développement de 60 % en 2002 à plus de 66 % en 2010.M. Bachand a expliqué que le Québec, après avoir connu pendant 15 ans une forte période de prospérité avec l'aide du libre-échange canado-américain, faisait face depuis cinq ans à une concurrence émergente qui vient de la Chine et de plusieurs autres pays. Le Québec ne s'en situe pas moins au septième rang à l'OCDE pour ses investissements en recherche et développement; il a une part de 28 % du capital de risque au Canada et contribue à 44 % des exportations canadiennes en haute technologie. Néanmoins, la concurrence se fait plus forte, et il faut monter la barre pour demeurer dans la course. Trop peu d'entreprises investissent en recherche et développement. Pour compenser la petitesse des marchés québécois et canadiens pour écouler nos produits, il faut cibler nos efforts là où cela sera le plus payant en ce qui a trait à la création d'emplois et de richesse.
La nouvelle stratégie met l'accent sur la valorisation des connaissances et leur transfert vers les entreprises et les organisations. Elle s'articule autour de trois orientations: des investissements de 400 millions pour renforcer l'excellence de la recherche publique dans les universités, centres d'excellence, collèges; 420 millions dans les infrastructures de recherche (équipements et bâtiments). On veut aussi appuyer la recherche industrielle et l'innovation en entreprise avec des crédits d'impôts accrus de 80 millions Actuellement, le crédit d'impôt est de 30,5 % sur le salaire dans le cas de PME ayant des actifs d'au plus 50 millions; le plafond est maintenant porté à 75 millions. Dans le cas des grandes entreprises, le crédit d'impôt est de 17,5 %. La dernière orientation est celle de compléter et de renforcer les mécanismes de valorisation et de transfert pour faire en sorte que «la création passe du laboratoire au marché».
Cette stratégie va porter sur les créneaux d'excellence que l'on connaît déjà, par exemple en aérospatiale, en santé industrie pharmaceutique, technologies de l'information, énergie, mais aussi sur ces secteurs en émergence comme les nanotechnologies avec des applications possibles dans l'industrie du meuble, du textile et du plastique, sans oublier évidemment la photonique, la génique, etc. La stratégie vise en tout premier lieu les centres forts actuels de Montréal et de Québec, mais elle cible également des applications dans toutes les régions du Québec, où les universités et collèges sont déjà des moteurs de développement. On veut favoriser l'établissement de nouveaux professeurs-chercheurs en région et offrir un soutien financier aux étudiants-chercheurs qui choisiront d'y faire des stages.
On ajoutera 32 millions de plus sur trois ans aux bourses d'excellence, ce qui permettra d'accorder 900 nouvelles bourses de la maîtrise au post-doctorat. La stratégie apporte un appui financier pour la consolidation et la création de regroupements stratégiques de recherche impliquant le monde universitaire celui de l'industrie. On prévoit que plus de 110 étudiants des cycles supérieurs bénéficieront de cette mesure. La stratégie prévoit une somme de 15 millions pour soutenir la participation de chercheurs québécois aux projets de recherche d'une vingtaine de réseaux internationaux. Une aide financière de 10 millions sera fournie aux entreprises qui réaliseront des projets d'innovation ou d'adaptation technologique en collaboration avec un Centre collégial de transfert de technologie. Il y aura deux millions de plus par année pour inciter les jeunes du secondaire et du collégial à se tourner en plus grand nombre vers les carrières en science et technologie; on soutiendra le développement de pratiques pédagogiques innovantes chez le personnel enseignant des niveaux primaire, secondaire et collégial.
Enfin, la stratégie prévoit une enveloppe budgétaire de 35 millions pour attirer au Québec des investissements étrangers dans des activités de recherche et développement. Un tel appui pourrait entraîner des investissements de 350 millions, pense M. Bachand qui, par ailleurs, s'attend à ce qu'il faille procéder à une révision de la stratégie dans trois ans.
Pour l'instant, on peut dire que la réaction des milieux concernés a été spontanément unanime et favorable. L'Université McGill a été la première à se réjouir, puis il y a eu la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain, le CEFRIO, l'Université de Sherbrooke, etc.