Taxe scolaire: Québec recule

Québec — Vous craigniez que votre compte de taxe scolaire n'explose et que les mesures d'étalement annoncées par Québec ne vous aident guère? Il faut vous rassurer puisque le gouvernement Charest a annoncé hier qu'il reculait après le tollé que sa solution a soulevé au sein du caucus libéral et dans le monde municipal. Le ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier, a en effet déposé d'importants amendements au projet de loi 43, dont certains limitent la hausse du compte de taxe «aux environs de 4 %». Le monde municipal a applaudi à ce recul. L'opposition officielle y a vu la fin «d'un impôt déguisé» dont l'État a bien profité depuis 2003.

C'est un Jean-Marc Fournier sans sa faconde habituelle qui s'est présenté hier pour expliquer que Québec renonçait à profiter de la hausse de la valeur foncière pour soutirer plus d'argent aux contribuables. Il a soutenu que les amendements à la loi venaient compléter les mesures annoncées: «Nous faisons un pas de plus pour alléger le fardeau fiscal des contribuables scolaires.» Cela privera toutefois Québec de revenus supplémentaires annuels de 172 millions puisqu'il procède à un gel de la péréquation destinée aux commissions scolaires. Celles-ci utiliseront leurs paiements de péréquation pour offrir aux contribuables un crédit d'impôt équivalent à l'augmentation de leurs dépenses.

Fin octobre, le gouvernement annonçait pourtant qu'il maintenait le plafond du taux de taxation maximal actuel, soit 35 ¢ par tranche de 100 $ d'évaluation, ce qui annonçait des hausses monstres, plus de 40 % dans certains secteurs. Tout au plus permettait-il alors d'étaler les hausses des valeurs foncières sur trois ans et d'acquitter ses taxes scolaires en deux versements lorsque le solde dépasserait les 300 $. Il arguait à ce moment ne pas pouvoir modifier le plafond de taxe sans rompre «l'équilibre» fiscal entre l'État, les municipalités et les commissions scolaires. Hier, il a maintenu le plafond de taxe mais a choisi de limiter les augmentations possibles en permettant aux commissions scolaires de donner l'équivalent de crédits de taxe aux contribuables.

Le ministre a semblé tenté d'assimiler cette nouvelle mesure à une baisse d'impôt. À une question sur ce sujet, il a répondu: «Les sommes qui n'entrent pas dans les coffres de l'État [...], vous pouvez les qualifier ainsi, mais ça demeure une image. Mais évidemment, le contribuable scolaire, sans la loi, aurait pu avoir une augmentation de 40 % de son compte et il en aura autour de 4 %... Je vous laisse qualifier les choses comme vous le souhaitez.»

Les changements annoncés hier vont se traduire par des fluctuations variables pour les contribuables. Par exemple, à Québec, pour une propriété évaluée à 200 000 $ dont le compte de taxe atteint cette année 700 $, le contribuable devra débourser 731 $ en 2007, 763 $ l'année suivante et 797 $ en 2009.

À Gatineau, le contribuable qui, en 2005, a déboursé 700 $ pour une propriété évaluée à 200 000 $ devra s'attendre à payer un compte de taxe scolaire de 761 $ en 2007 et de 793 $ en 2008. Ceux dont le nouveau rôle d'évaluation est entré en vigueur en 2006 «connaîtront une baisse importante de leur compte de taxe», a par ailleurs souligné le ministre.

Le monde municipal, qui avait dénoncé avec virulence la première version du projet de loi 43, a poussé un soupir de soulagement hier. «Le gouvernement a entendu raison», s'est réjoui Bernard Généreux, président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM). «On comprend que le gouvernement peut bien se remplir les poches avec cette taxe-là, mais là, il dépassait les bornes, il était en train de détourner des fonds qui doivent être dédiés au financement scolaire.» M. Généreux s'indigne que la Fédération des commissions scolaires ait cautionné une telle tentative de «déséquilibrer la fiscalité scolaire municipale». Pour M. Généreux, sans ces modifications, le gouvernement faisait carrément éclater «une guerre entre les municipalités et le scolaire».

Président de l'Union des municipalités du Québec (UMQ) et maire de Sherbrooke, Jean Perrault est aussi très heureux des amendements annoncés. Ami personnel de Jean Charest, il avait profité de toutes les tribunes pour enjoindre au gouvernement «d'adapter la taxe scolaire aux besoins des commissions scolaires».

Le critique péquiste en matière d'éducation, Camil Bouchard, pavoisait hier: «Le ministre vient nous dire aujourd'hui que l'opposition avait raison.» Selon lui, «le gouvernement s'est fait prendre la main dans le sac». C'est, croit-il, la fin d'un système «d'impôt déguisé dont le ministre Fournier niait l'existence il y a à peine quelques semaines de cela». Si le gouvernement Charest avait appliqué depuis 2003 ce qu'il a proposé hier, «ce ne serait pas 22 % d'augmentation de la taxe scolaire que les contribuables auraient eu à subir mais aux environ de 9 %», a dit le député.

La Fédération des commissions scolaires du Québec s'est aussi déclarée «contente de la nouvelle» en provenance de Québec. «Pour nous, c'est quatre 30 sous pour une piastre», a dit son président, André Caron, joint par Le Devoir, se contentant de dire que la formule qu'il avait proposée au ministre «n'avait pas passé la rampe». Il a dit craindre certaines positions tranchées de la FQM, qui semble vouloir se saisir de la responsabilité des écoles et du transport scolaire et qui, pour ce faire, désire accaparer le champ d'imposition des commissions scolaires. «L'UMQ semble moins agressive», a-t-il noté, «contrairement aux militants de l'ADQ, qui veulent notre abolition!»

Justement, le ministre Fournier a aussi annoncé hier avoir confié un mandat à la table Québec-commissions scolaires: créer un comité «chargé de recueillir les commentaires et suggestions des différents intervenants qui s'intéressent au régime fiscal scolaire dans son ensemble, notamment les municipalités».

Jean Perrault a dit espérer être invité à participer aux travaux de ce comité qui tentera de repenser les équilibres en ces matières. Il souligne que le foncier n'est pas un mode de taxation très équitable. En 2003, les ménages les plus pauvres ont consacré près de 10 % de leur revenu brut à l'impôt foncier alors que les ménages les plus riches n'y ont versé que 2 % seulement, a-t-il noté.

Avec la Presse canadienne

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