Construction du CHUM et du CUSM - Pierre Lortie conseille à la fois l'Agence des PPP et la direction exécutive

La construction du CHUM et du CUSM en mode PPP a jusqu'à présent soulevé beaucoup de critiques. Au nom de la rigueur, le gouvernement a soumis le dossier à différentes analyses afin d'être éclairé et de trancher la question en décembre prochain.

L'homme d'affaires Pierre Lortie est fort occupé dans le dossier des deux mégahôpitaux montréalais, et ce, à plus d'un titre. Il vend ses conseils sur la meilleure approche de gestion à adopter pour la construction du CHUM et du CUSM, avec un chapeau différent, selon qu'il s'adresse à l'Agence des partenariats public-privé ou à la direction exécutive responsable de mener à bien ce grand projet de 3,6 milliards de dollars.

Depuis juin dernier, M. Lortie est consultant auprès du cabinet d'avocats Fraser Milner Casgrain. Au même moment, l'Agence des partenariats public-privé (PPP Québec) a retenu les services de ce même cabinet d'avocats en déléguant Pierre Lortie. Le contrat a été accordé sans appel d'offres par le Conseil du trésor.

M. Lortie coordonne les équipes qui élaborent le dossier d'affaires pour le CHUM et le CUSM. C'est cette analyse comparative des coûts et des bénéfices de la méthode conventionnelle et des PPP qui orientera la décision gouvernementale quant à la formule choisie. Pour son travail, Pierre Lortie empoche 1250 $ par jour, trois jours par semaine, pour un total de quelque 97 000 $.

De façon concomitante, M. Lortie siège au comité consultatif mis en place l'hiver dernier par le mandataire du gouvernement pour la réalisation des hôpitaux universitaires, le directeur exécutif, Clermont Gignac. Jusque-là, chacun des huit membres de ce comité agissait à titre de bénévole. Au bureau de M. Gignac, on précisait hier que, dès cet automne, ils seront rémunérés au taux horaire de 123 $, selon les balises établies par le Trésor pour les professionnels de niveau supérieur.

Le mandat du comité est de donner son avis sur les différents aspects du projet, des relations de travail à l'approvisionnement en passant par les contingences budgétaires et l'échéancier. Mais il conseille également sur la gestion et le «partage des risques et des opportunités incluant les partenariats public-privé» et contribue à la réflexion sur les stratégies à mener et les modes de réalisation du CHUM et du CUSM.

Le double rôle de Pierre Lortie lui permet donc d'avoir, non pas un mais deux accès privilégiés aux informations détaillées sur ce projet. Le Devoir a tenté de joindre M. Lortie, mais sans succès.

Chose certaine, M. Lortie, intervient dans un dossier délicat à partir de deux points de vue différents puisque PPP Québec et le bureau de Clermont Gignac sont des structures qui, sans avoir nécessairement une vision opposée, ne partagent pas les mêmes objectifs. En fait, il s'agit de deux clients distincts pour M. Lortie. PPP Québec relève politiquement du Conseil du trésor, alors que M. Gignac est sous la responsabilité du ministre de la Santé.

Pierre Lortie, un libéral notoire, a été recruté pour son expertise et ses expériences dans la gestion de grands projets. Entre 1993 et 2003, il a occupé divers postes de direction chez Bombardier, dont la présidence de Bombardier Transport, de Bombardier Capital et de Bombardier international. Auparavant, il avait été à la tête de Provigo ainsi que de la Bourse de Montréal.

L'année dernière, il a présidé le comité de transition de l'agglomération de Montréal. Mais son passage a suscité beaucoup de critiques. Sitôt son rapport transmis au gouvernement, il a vendu ses services aux villes défusionnées. La ministre des Affaires municipales s'interrogeait alors sur le sens éthique de Pierre Lortie.

Dans le dossier des hôpitaux, ce sont ces derniers qui assument entièrement les honoraires de M. Lortie. «Ça fait partie des frais globaux des projets», a-t-on indiqué hier chez M. Gignac.

À cette facture s'ajoutent bien sûr tous les contrats octroyés par PPP Québec à des consultants dans le dossier. Ainsi, le cabinet Fraser Milner Casgrain étudie les aspects juridiques du CHUM et du CUSM pour un taux horaire de 250 $. La firme Raymond Chabot Grant Thornton analyse le dossier du CHUM, un contrat de 775 000 $. Pricewaterhouse Coopers se penche pour sa part sur le CUSM pour une somme de 807 970 $. Un rapport doit être transmis au gouvernement en décembre.

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