Trois ans plus tard - Le gouvernement Charest aurait tenu parole
Selon un groupe de chercheurs en science politique, le gouvernement de Jean Charest a rempli au moins 70 % des engagements qu'il avait contractés en santé lors des élections de 2003.
«Sur les dix engagements en santé inscrits dans la plateforme électorale du Parti libéral, relate François Petry, nous établissons que, en juin 2006, sept ont été réalisés.»De son côté, France Gagnon observe que 77 % des 44 «engagements sectoriels en santé» ont été réalisés soit partiellement, soit complètement. Ces engagements plus pointus découlent des dix engagements globaux de la plateforme. «Soulignons que la santé est l'un des secteurs où le gouvernement Charest a le mieux "performé"», indique M. Petry.
Professeur au département de science politique de l'université Laval et chercheur au Centre d'analyse des politiques publiques, François Petry a dirigé un collectif de 27 spécialistes qui a analysé l'ensemble des engagements du gouvernement Charest. Les résultats de leur analyse seront publiés en novembre aux Presses de l'université Laval sous le titre Le Parti libéral, enquête sur les réalisations du gouvernement Charest.
France Gagnon, professeure à l'Université du Québec à Montréal et chercheure au Groupe d'étude sur les politiques publiques et la santé, a corédigé le chapitre 14 de l'ouvrage intitulé Les engagements électoraux de la campagne de 2003 du PLQ: politiques en santé et services sociaux.
Sources multiples
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont procédé à une analyse de ce qui s'est dit à propos des engagements du gouvernement Charest.
En guise de point de départ, ils se sont basés sur les 50 engagements énoncés dans la plateforme électorale Un gouvernement au service des Québécois publiée en 2002 ainsi que sur la série de documents sectoriels détaillant ces engagements pour chacun des secteurs (santé, éducation, économie, etc.).
«Essentiellement, nous prenons chaque engagement inscrit dans ces documents et nous essayons de voir ce qu'en disent différentes sources documentaires», explique le professeur Petry. Son équipe a ainsi scruté les sources internes du Parti libéral et du Parti québécois — «des sources à considérer avec un gros grain de sel!», dit-il. L'équipe a surtout examiné ce que rapportent les médias, particulièrement à l'occasion des bilans publiés lors des 1er, 2e et
3e anniversaires d'accession au pouvoir du gouvernement Charest. Enfin, elle a révisé les lois, les bilans annuels des ministères, les plans stratégiques, etc.
«Nous disposons donc d'une panoplie de sources documentaires qui nous aident à décider si un engagement a été réalisé ou pas», précise le directeur du projet. Ainsi, pour l'analyse des 50 engagements de la plateforme électorale, l'un de ceux-ci est considéré être réalisé (en tout ou en partie) si au moins trois sources le déclarent comme tel.
Malheureusement, les chercheurs n'ont pu utiliser des «données objectives» — telles que le temps d'attente dans les urgences ou la longueur des listes d'attente — puisque, rapporte M. Petry, trop peu de temps s'est écoulé pour qu'on dispose de données significatives.
«Nous croyons que notre méthode limite la subjectivité d'interprétation, commente-t-il encore. Nous croyons que nous sommes neutres... même si nous ne le sommes pas complètement, puisqu'on n'a pu consulter toutes les sources.» Les chercheurs ont en réalité dû faire des choix puisqu'ils disposaient d'un budget et d'un temps limités. «Mais essentiellement, je pense qu'on a mené un exercice assez objectif.»
Des promesses véritablement tenues ?
François Petry s'empresse néanmoins de nuancer la valeur qu'on peut attribuer au fait qu'environ les trois quarts des promesses auraient été tenues. «L'exercice n'est pas facile, dit-il, puisque de nombreux engagements sont plutôt vagues et ambigus. On peut jouer sur les mots. C'est le cas, par exemple, de l'engagement d'augmenter le financement de la santé.»
D'une certaine manière, explique le chercheur, l'engagement a été tenu puisque, d'année en année, le financement du secteur de la santé a crû d'un peu plus de 5 % par an. «Le problème, c'est que les coûts ont eux-mêmes augmenté d'autant. Tout compte fait, la situation n'est donc ni meilleure ni pire qu'elle l'était en 2003. Bien sûr, les libéraux diront que le financement en santé a augmenté beaucoup plus que dans les autres secteurs; c'est vrai, mais il a augmenté en réalité de si peu qu'on peut se demander si l'engagement a réellement été tenu.»
Un départ lent
D'autre part, devant l'urgence des problèmes en santé, le Parti libéral avait promis qu'il s'y attaquerait dès la première année de son mandat: «Et je cite: "La première année du premier mandat!", insiste M. Petry. Or, on s'aperçoit que très peu de réalisations ont été accomplies dans la première année. Il a fallu attendre la deuxième ou la troisième année pour que le train se mette vraiment en marche.»
Incidemment, c'est un aspect qui intéresse particulièrement le chercheur, puisque celui-ci a aussi étudié les engagements et les réalisations du Parti québécois. «Nous avons trouvé que le PQ a réalisé pas mal d'engagements dès la première année de ses premier et deuxième mandats, dit-il. Dans le cas du gouvernement Charest, il semble que ça ait pris plus de temps...»
M. Petry souligne au passage que ce «retard» risque de modifier les comptes de l'analyse de son collectif avant même leur publication. «Ainsi, on a trouvé qu'en date de mai 2006, le gouvernement libéral a réalisé 60 % de l'ensemble de ses engagements. Mais si on fait le calcul maintenant, et a fortiori à la fin de 2006, probablement que cela aura augmenté de 5 à 10 %.»
Le chercheur note aussi qu'il y a beaucoup d'engagements qui sont réalisés de façon législative. Toutefois, ces lois et règlements vont-ils vraiment améliorer la situation sur le terrain? «La question se pose de savoir si les législations ont des effets réels sur les résultats obtenus, note François Petry. Autrement dit, est-ce que les soins de santé se sont vraiment améliorés? Ça reste à voir...»
Le gouvernement Charest a par exemple tenu parole en abolissant les régies régionales de santé. «Mais par quoi les a-t-il remplacées?, se demande le chercheur. Si c'est par quelque chose de semblable... On peut aussi penser que bon nombre de législations mettront des années avant de faire effet...»
Enfin, le dernier chapitre de l'ouvrage pose la question: «Le gouvernement Charest a-t-il été aussi mauvais qu'on l'a dit?»
À lire!
Collaborateur du Devoir