Forum sur le déséquilibre fiscal - Compromis pour un consensus
Le Forum sur le déséquilibre fiscal aura finalement porté fruits. Les groupes présents ont tous signé une déclaration commune qui vise à forcer le gouvernement fédéral à reconnaître et à corriger le déséquilibre fiscal. Reste à Québec à lancer des actions pour convaincre Ottawa, qui demeure sourd aux appels du Parti québécois.
Québec — Québec a l'appui de la société civile dans son combat fiscal contre Ottawa. Après moult tergiversations, le Forum sur le déséquilibre fiscal a rempli son objectif: le premier ministre Bernard Landry a en effet obtenu hier le consensus qu'il souhaitait avec les différents groupes de la société civile afin de réclamer à Ottawa qu'il reconnaisse et corrige le déséquilibre fiscal, qui atteindrait deux milliards de dollars par année en défaveur du Québec. Toutefois, un ajout à la déclaration aura été nécessaire pour rallier le milieu patronal.Les 29 groupes, issus des milieux économique, scolaire, communautaire et syndical, ont signé une déclaration commune au terme du Forum qui s'est tenu lundi et mardi à Québec afin de demander des comptes à Ottawa au sujet du déséquilibre fiscal. Cette déclaration reprend les termes de la motion adoptée à l'unanimité par les députés de l'Assemblée nationale en juin dernier, mais avec un ajout stipulant que le nouveau partage fiscal entre Ottawa et les provinces doit se faire «sans conduire le gouvernement fédéral à une situation de déficit budgétaire». Cette précision, même si elle se trouvait dans le rapport Séguin, auquel la déclaration fait déjà référence, avait été réclamée par le président du Conseil du patronat du Québec, Gilles Taillon, et le président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Richard Fahey. Sans la précision, les deux représentants ne signaient pas la déclaration et brisaient le consensus. Un dîner entre le premier ministre et les deux hommes aura été nécessaire pour régler l'affaire.
La déclaration commune se lit désormais comme suit: «Que l'Assemblée nationale, principalement en vue d'améliorer les services de santé, d'éducation et de soutien aux familles, demande au gouvernement fédéral de reconnaître et de corriger le déséquilibre fiscal constaté par le rapport Séguin, en tenant compte des recommandations qui dessinent un cadre nouveau pour les relations financières et fiscales au sein de la fédération canadienne, notamment afin que cessent ses interventions dans les champs de compétence des provinces, sans conduire le gouvernement fédéral à une situation de déficit budgétaire.»
Seule Viviane Labrie, du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, a émis quelques bémols. Après avoir signé la déclaration en ajoutant à côté de son nom la mention «avec réserve», elle a souligné que la lutte à la pauvreté aurait dû être précisée dans le document, tout comme l'a été la proposition du milieu patronal.
«On avait déjà l'unanimité de l'Assemblée nationale, maintenant la société civile, ses membres, ses ramifications, c'est une sorte d'escalade dans l'expression du Québec par rapport à Ottawa, a lancé Bernard Landry, avec une mine réjouie. Cela devrait être un instrument puissant pour les semaines et les mois qui viennent.» Les chefs du Parti libéral et de l'Action démocratique du Québec ont également exprimé leur joie devant ce consensus. «C'est la société québécoise qui donne à son gouvernement et à son Assemblée nationale plus de force pour défendre le Québec face à Ottawa», a notamment dit Mario Dumont, chef de l'ADQ.
Fort et fier de cet «appui de taille», M. Landry croit être armé pour amener Ottawa à reconnaître l'existence du déséquilibre fiscal, surtout lors de la prochaine conférence des premiers ministres dans la capitale canadienne. La lutte s'annonce cependant ardue. Le vice-premier ministre et ministre fédéral des Finances, John Manley, a affirmé lundi ne pas croire à l'existence d'un déséquilibre fiscal et a fait valoir que Québec dédouble le travail d'Ottawa. M. Landry a qualifié ses propos de «sottises». «M. Manley dit: "Montez vos impôts [...] ou fermez vos délégations [à l'étranger]!" Il ne comprend pas le problème. Il ne sait pas que [le déséquilibre fiscal se chiffre] à 50 millions par semaine. Il nous propose une solution qui rapporterait 100 millions par année et qui défigurerait la personnalité internationale du Québec. Donc, je présume qu'il n'a pas compris. Et on va tout faire pour qu'il comprenne.»
Selon le premier ministre, nier le déséquilibre fiscal n'est plus fondé. La commission Séguin sur le déséquilibre fiscal a évalué à huit milliards de dollars le montant des transferts dont sont privées les provinces, ce que les chiffres du Conference Board confirment. En continuant de faire preuve d'une «attitude négationniste», «il y a péril de rentrer dans la zone de mauvaise foi», croit Bernard Landry.
Si jamais Ottawa n'entendait pas raison, M. Landry conserve même l'idée de tenir un référendum sur le transfert de points d'impôt. «Cela a toujours été une hypothèse, c'est encore une hypothèse. Mais j'espère qu'on n'aura pas à se rendre à ce genre d'action alors que c'est si clair pour la société québécoise.»