Des subventions aux OBNL mal encadrées

La Ville de Montréal accorde chaque année quelque 100 millions de dollars en financement à des organismes à but non lucratif (OBNL), mais selon la vérificatrice générale de Montréal, Michèle Galipeau, les lacunes dans le contrôle des programmes font en sorte que, dans bien des cas, on ignore si l’argent a été dépensé à bon escient.
Dans son rapport déposé lundi au conseil municipal, Michèle Galipeau s’est penchée sur la conformité des subventions accordées par la Ville aux OBNL. Les montants sont importants, soit 109,6 millions en 2020 et 127,5 millions en 2021. En 2017, la Ville avait mis en place un Guide pour mieux encadrer l’octroi de ces subventions. L’audit réalisé par la vérificatrice générale met toutefois en lumière des lacunes à toutes les étapes de l’octroi de ces contributions financières, ce qui ne permet pas de démontrer l’impartialité du processus.
Un échantillon aléatoire de 47 projets financés entre le 1er janvier 2020 et le 31 juillet 2022 par quatre unités d’affaires de la Ville a été examiné. Aucun des 47 dossiers étudiés ne comportait des documents pour appuyer l’admissibilité des organismes en fonction de neuf critères établis par la Ville, a constaté Mme Galipeau.
Dans certains dossiers, les versements ont été faits avant même qu’une entente ait été signée entre les parties. Le rapport souligne que dans 31 % des cas, les OBNL ne faisaient pas de reddition de comptes au sujet des sommes dépensées grâce aux subventions. Et sur ceux qui le faisaient, seulement 12 % des dossiers comportaient une preuve documentée de l’analyse de l’utilisation des sommes effectuée par la Ville. « Nous n’avons pas eu l’évidence que la Ville peut démontrer, dans tous les cas, que les sommes ainsi versées sont utilisées aux fins prévues et dans leur totalité », indique la vérificatrice générale, qui fait une série de recommandations pour mieux encadrer ses programmes de subventions.
Des déversements non détectés
Huit ans après le « Flushgate », la controverse entourant le déversement planifié de huit milliards de litres d’eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent en 2015, la Ville de Montréal n’est toujours pas en mesure de détecter tous les débordements qui surviennent sur son territoire, a aussi constaté la vérificatrice générale.
Lors d’un audit réalisé l’an dernier pour les années allant de 2019 à 2022, la vérificatrice a noté que la presque totalité, soit 96 %, des ouvrages de surverse étaient dotés d’équipement pour recenser les débordements. En revanche, elle a constaté que lorsque des défaillances des systèmes sont survenues, il n’a pas été possible de déterminer s’il y avait eu ou non un débordement. Ainsi, entre janvier 2020 et juin 2022, elle a noté que 127 événements n’avaient pas fait l’objet de suivi en raison des défaillances des enregistreurs de débordements pour des périodes allant de 1 à 30 jours.

Michèle Galipeau adresse aussi des reproches à la Ville quant aux signalements qu’elle doit faire auprès des ministères impliqués lorsque survient un débordement. Elle tarde parfois trop à le faire et omet d’aviser Environnement et Changement climatique Canada à certaines occasions.
De janvier 2019 à juillet 2022, Montréal a recensé 3891 débordements des ouvrages de surverse, dont la grande majorité était attribuable à la pluie et à la fonte des neiges.
Malgré tout, la vérificatrice générale estime que, globalement, la Ville a mis en place des mécanismes permettant une saine gestion de suivi des rejets d’eau.
Bâtiments patrimoniaux
Montréal connaît mal l’état des bâtiments patrimoniaux de son territoire et elle n’a pas répertorié tous les immeubles d’intérêt qui lui appartiennent ou sont de propriété privée, observe la vérificatrice générale. Celle-ci a notamment relevé des lacunes dans le processus d’inspection et dans la prise en charge des bâtiments vulnérables, lacunes qui entraînent leur détérioration.
Michèle Galipeau signale des failles dans les répertoires élaborés par la Ville dont la création remonte à une vingtaine d’années. De plus, l’état de conservation des bâtiments n’est pas établi de manière fiable. La Ville a raffiné l’évaluation de l’état de ses bâtiments grâce à une modélisation. Cet exercice a permis de déterminer que le déficit d’investissement s’élève à 501 millions de dollars pour 54 bâtiments patrimoniaux relevant du Service de la gestion et de la planification des immeubles (SGPI), mais cela ne représente qu’une fraction du déficit d’investissements pour l’ensemble du territoire, fait remarquer Michèle Galipeau. Quant aux immeubles relevant des arrondissements, certains audits réalisés remontent à 2009 et 2015, note-t-elle.
À cela s’ajoute le problème des bâtiments vacants, dont l’état s’est gravement dégradé au fil des ans. Le Système intégré de gestion des immeubles en compte 82, dont près de la moitié sont patrimoniaux, parmi lesquels l’ancienne station de pompage Craig, le pavillon Hélène-de-Champlain et le Fort-Lorette.
Les programmes d’entretien préventifs spécifiques aux bâtiments patrimoniaux municipaux ne sont pas établis, déplore Michèle Galipeau. Sur les 318 bâtiments municipaux audités, 68 % seulement sont visés par les programmes d’entretien. Selon les bonnes pratiques du milieu, il faut prévoir un budget annuel de 5 % de la valeur du parc immobilier pour en assurer le maintien. Or, la Ville n’y consacre que l’équivalent de 2,5 %.
Michèle Galipeau juge aussi que les moyens mis en place pour assurer la protection des bâtiments patrimoniaux appartenant à des intérêts privés sont insuffisants. L’administration a d’ailleurs annoncé la semaine dernière la mise en place d’un nouveau règlement sur l’entretien des immeubles vacants avec des amendes beaucoup plus salées.
Le rapport de la vérificatrice générale compte près de 500 pages. Il s’agit du dernier rapport annuel de Michèle Galipeau, qui termine son mandat cette année.