Montréal serre la vis aux propriétaires de bâtiments vacants

Le nouveau règlement présenté jeudi par la Ville de Montréal obligera les propriétaires à inscrire chaque année leur immeuble inoccupé à un registre et à assurer le bon état de sept composants.
Hubert Hayaud Archives Le Devoir Le nouveau règlement présenté jeudi par la Ville de Montréal obligera les propriétaires à inscrire chaque année leur immeuble inoccupé à un registre et à assurer le bon état de sept composants.

Montréal entend serrer la vis aux propriétaires de bâtiments vacants afin de freiner la détérioration des immeubles inoccupés sur son territoire. Les propriétaires devront inscrire leur bâtiment vide au registre créé par la métropole et en assurer l’entretien, faute de quoi ils s’exposeront à des amendes salées.

La Ville voulait dépoussiérer son règlement sur l’entretien des bâtiments, en vigueur depuis 2007, mais les modifications envisagées étaient si importantes qu’elle a décidé d’élaborer un nouveau règlement.

Montréal compte environ 800 bâtiments vacants, dont 150 sont d’intérêt patrimonial. Présenté jeudi, le nouveau règlement obligera les propriétaires à inscrire leur immeuble inoccupé à un registre chaque année et à assurer le bon état de sept composants — l’enveloppe extérieure, les éléments extérieurs, la structure, les ouvertures, les clapets antiretour ainsi que les équipements de plomberie et les équipements de chauffage.

Les propriétaires seront d’ailleurs tenus de maintenir le chauffage à un minimum de 10 degrés Celsius. Dans le cas de bâtiments patrimoniaux, les propriétaires devront faire une déclaration indiquant l’état de leur immeuble. Pour les propriétaires qui négligeraient leur bien ou qui contreviendraient au règlement, des amendes plus lourdes seront imposées, allant jusqu’à 250 000 $ dans le cas d’immeubles patrimoniaux.

« À Montréal, il y a des propriétaires qui entretiennent bien leurs immeubles, même si le parc est vieillissant. Mais pour ceux qui veulent les laisser aller, on a des nouvelles pour eux : on a de nouveaux règlements, ils ont des dents et on va les appliquer », a affirmé Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme au comité exécutif, lors d’une conférence de presse tenue en compagnie de sa collègue responsable de la culture et du patrimoine, Ericka Alneus.

Le règlement s’appliquera également aux bâtiments municipaux et à ceux appartenant aux sociétés paramunicipales, comme l’Office municipal d’habitation, qui détient plusieurs immeubles barricadés. Mais la Ville ne pourra pas se donner elle-même des amendes, a noté M. Beaudry.

L’administration municipale n’a pas encore déterminé le coût de l’inscription des bâtiments vides à son registre, mais le montant n’aura pas un objectif « dissuasif » et servira surtout à couvrir les frais administratifs, dit-on.

Le nouveau règlement aurait donné davantage de leviers à la Ville de Montréal pour sévir contre le propriétaire de l’édifice Jaeger, dont l’instabilité force depuis un mois la fermeture d’un tronçon de la rue Sainte-Catherine Ouest en plein centre-ville, souligne Robert Beaudry. La réglementation vise aussi à contrer la négligence de certains propriétaires, qui laissent volontairement dépérir leur immeuble patrimonial jusqu’à ce que la Ville ordonne leur démolition compte tenu de leur décrépitude, a-t-il expliqué.

Les arrondissements seront appelés à appliquer le nouveau règlement, mais il ne leur sera pas nécessaire d’embaucher davantage d’inspecteurs, selon l’élu. « Cette réglementation-là ne vient pas ajouter de charges. Elle vient vraiment donner plus d’opportunités », assure Robert Beaudry.

Plusieurs étapes restent à franchir avant que le nouveau règlement puisse entrer en vigueur, au début de 2024. Des consultations sont notamment prévues.

Le chef de l’opposition, Aref Salem, n’est pas convaincu de l’efficacité de ces nouvelles règles. « La réglementation, on avait déjà de la misère à l’appliquer. On vient la bonifier aujourd’hui sans donner les outils nécessaires », a-t-il déploré. Selon lui, davantage d’inspecteurs seront requis. De plus, ce règlement ne répond pas aux cas problématiques, tels que celui de l’immeuble du Vieux-Montréal qui a été le théâtre en mars dernier d’un incendie ayant coûté la vie à sept personnes.

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