Montréal va abattre des coyotes

Les incidents impliquant des coyotes se sont multipliés depuis 2021 dans le secteur du parc-nature de la Pointe-aux-Prairies, ce qui a motivé la Ville de Montréal à lancer une opération visant à capturer et euthanasier les coyotes au comportement déviant. En photo, un coyote passe devant un chien et son propriétaire dans un parc de Toronto, en novembre 2021.
Photo: Evan Buhler archives La Presse canadienne Les incidents impliquant des coyotes se sont multipliés depuis 2021 dans le secteur du parc-nature de la Pointe-aux-Prairies, ce qui a motivé la Ville de Montréal à lancer une opération visant à capturer et euthanasier les coyotes au comportement déviant. En photo, un coyote passe devant un chien et son propriétaire dans un parc de Toronto, en novembre 2021.

La Ville de Montréal a lancé une opération visant à capturer et à euthanasier des coyotes dont le comportement est devenu problématique dans le secteur de Pointe-aux-Trembles, dans l’est de l’île. Les attaques contre des animaux de compagnie, et même des humains, s’étant multipliées, la Ville estime qu’elle n’a pas le choix d’agir.

Il y a un mois, comme il le faisait chaque soir, Jean-Sébastien Auger a laissé son chien sortir dans sa cour entourée d’une clôture haute de près de deux mètres. Comme Ti-Pouel avait l’habitude de japper après les passants, M. Auger ne s’est pas inquiété quand il a entendu ses aboiements. Jusqu’à ce qu’un cri inhabituel se fasse entendre. « Je suis allé voir. J’ai vu le coyote avec mon petit chien dans sa bouche et il a sauté la clôture », relate M. Auger, encore ébranlé par la perte de son compagnon des sept dernières années. Il n’a jamais revu son chien.

« J’ai passé toute ma vie à Pointe-aux-Trembles. Je ne pensais jamais que des affaires de même, ça pouvait arriver », dit-il. « Les coyotes n’ont rien à faire à Pointe-aux-Trembles. On est en ville, ici. On a des enfants et des animaux. Il faut que la Ville fasse quelque chose. »

Justement, après avoir recensé un nombre croissant de signalements et d’attaques de coyotes contre des animaux de compagnie (surtout des chiens) et des humains, la Ville de Montréal a décidé de procéder à la capture de coyotes au « comportement déviant ». Deux individus sont visés par l’opération.

« Ce qui est triste, c’est que ce sont des coyotes qui n’ont plus du tout peur des humains », explique Caroline Bourgeois, mairesse de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et responsable des grands parcs au comité exécutif. Elle presse d’ailleurs les citoyens de ne pas nourrir les animaux sauvages.

L’élue indique que la Ville en est venue à cette décision après avoir constaté que malgré les tentatives d’effarouchement des citoyens, certains coyotes ne réagissaient pas ou s’approchaient davantage des humains. « On a un quartier qui se sent assiégé. C’est rendu qu’un CPE envoie un avis aux parents pour dire qu’il y aura une interdiction de promenade au parc-nature [de la Pointe-aux-Prairies]. Des adolescentes descendent de l’autobus et se font suivre pas des coyotes ou se font encercler. D’autres se sont carrément fait charger parce qu’ils promenaient leur chien. Des chiens en sont morts. »

Lors d’une séance d’information, le 12 avril dernier, des citoyens ont témoigné de leurs rencontres avec les coyotes, relate-t-elle. « Certains ont dit qu’ils ne sortaient plus de chez eux, qu’ils avaient peur pour leurs enfants qui empruntent le sentier de la Coulée-Grou pour aller à l’école. Les gens pleuraient, tremblaient. À un moment donné, on ne peut plus continuer comme ça. »

Depuis mai 2021, la Ville a reçu 180 signalements de la présence de coyotes dans l’arrondissement.

Les experts ont procédé à des observations et filmé les animaux : la Ville est donc en mesure d’identifier les individus problématiques, soutient Mme Bourgeois. Au moins deux coyotes sont dans la mire des autorités. Des pièges ont été installés à des endroits inaccessibles, mais leur localisation exacte n’a pas été dévoilée.

Les animaux au comportement jugé déviant seront euthanasiés, a précisé Caroline Bourgeois. Selon l’élue, la relocalisation de ces animaux n’était pas une option et certains sont malades. « Les experts recommandent que les coyotes au comportement déviant soient euthanasiés. Mais on ne le fait pas de gaieté de coeur », souligne-t-elle.

L’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville avait connu des problèmes similaires en 2018 ; certains coyotes avaient alors été abattus. La situation problématique se serait résorbée depuis.

Inquiétudes autourd’une garderie

Situé à proximité du parc-nature de la Pointe-aux-Prairies, le CPE Mademoiselle Pluche a décidé de suspendre les promenades des enfants dans le boisé.

Jusqu’en mars dernier, sa directrice générale, Jocelyne Caron, n’avait jamais considéré les coyotes comme un problème. Mais quand elle en a croisé un en plein jour dans le stationnement de la garderie, elle a commencé à s’en préoccuper. Et encore plus quand elle a entendu les témoignages d’autres personnes. « Ce qui me dérange, ce n’est pas le fait que ce sont des coyotes, mais que ce sont des coyotes qui n’agissent plus comme des coyotes. Ils n’ont plus peur des humains », explique-t-elle.

Mme Caron souligne que le secteur du CPE est l’un des endroits où les signalements de coyotes ont été les plus nombreux. Les éducatrices ne se sentaient plus à l’aise d’aller au parc — rebaptisé officieusement « Pointe-aux-Coyotes » — avec les enfants. Et les parents étaient inquiets, dit-elle.

En avril, le conseil d’administration a donc décidé de ne plus permettre les promenades dans le parc-nature jusqu’à nouvel ordre. « J’ai l’impression que le boisé appartient aux coyotes. On ferme des secteurs, certains jusqu’à six mois. Je n’ai rien contre eux, mais je ne sais pas pourquoi on les protège autant », ajoute-t-elle.

La SPCA déçue

 

La SPCA de Montréal estime que la Ville aurait dû envisager d’autres options avant de procéder à la capture et à l’euthanasie des coyotes. « On est très déçus que la Ville procède avec une telle opération, parce que ça va à l’encontre de nos recommandations », indique Me Sophie Gaillard, directrice générale par intérim de l’organisme.

Selon elle, il est temps que le Québec adopte des méthodes de gestion de la faune non létales et respectueuses du bien-être animal. Des stratégies comme celles préconisées par l’organisme Coyote Watch Canada auraient dû être tentées, soutient-elle.

L’une d’elles consiste à inculquer aux coyotes la peur des êtres humains avec un conditionnement adapté, et ce, sans avoir à les capturer. « C’est quelque chose qui a été éprouvé ailleurs », précise Me Gaillard, qui indique que la municipalité de Niagara Falls a réussi à gérer sa population de coyotes en appliquant de telles stratégies.

Les cerfs de Montréal

À l’instar de Longueuil, Montréal est aux prises avec une surpopulation de cerfs de Virginie. En 2021, un rapport d’experts recommandait d’abattre une cinquantaine de cerfs parmi les 64 présents au parc-nature de la Pointe-aux-Prairies. Mais la responsable des grands parcs au comité exécutif, Caroline Bourgeois, admet que Montréal attendra le jugement de la Cour supérieure concernant les cerfs du parc Michel-Chartrand, à Longueuil, avant d’agir. « Cette décision va avoir un gros impact pour le positionnement de la Ville », dit-elle.



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