Le Vieux-Montréal deviendra le «royaume des piétons», dit Valérie Plante

Un premier quadrilatère du Vieux-Montréal sera réservé aux piétons à compter de l’été 2024, a fait savoir la mairesse Valérie Plante mardi, dans le cadre du Sommet climat Montréal, qui se tient dans le Vieux-Port. Cette annonce a pris par surprise la Société de développement commercial (SDC) du Vieux-Montréal, qui ignorait l’existence de ce projet.
L’an dernier, lors de la première édition du sommet, la métropole avait annoncé des objectifs en matière de décarbonation du parc immobilier. Cette année, elle vise les transports, qui ont représenté 43 % des émissions de gaz à effet de serre au Québec en 2020. Ces dernières ont d’ailleurs augmenté de 18 % entre 1990 et 2019 dans la région, selon un récent rapport publié par la Ville de Montréal.
Parmi les mesures que la métropole mettra en place pour décarboner les transports d’ici 2040, la mairesse Plante a annoncé l’intention de son administration de transformer le Vieux-Montréal en « royaume des piétons ». « On veut le rendre plus convivial et le protéger davantage comme d’autres villes l’ont fait », a-t-elle dit lors de son allocution. La mairesse a cité les cas de Vienne, de Bruxelles et de Montpellier, qui ont toutes piétonnisé une partie de leur quartier historique.
Des questions sans réponse
Pour l’instant, toutefois, l’administration municipale n’est pas en mesure de donner des détails sur le premier quadrilatère qui sera réservé aux piétons ni sur l’échéancier visé pour l’ensemble du quartier historique.
Sophie Mauzerolle, responsable du transport et de la mobilité au comité exécutif, souligne que le succès d’un tel projet repose sur l’adhésion des résidents et des commerçants — une discussion aurait d’ailleurs déjà été engagée à ce sujet au moyen d’une table de concertation créée récemment. « On annonce nos couleurs pour donner de la prévisibilité aux citoyens, à l’industrie du tourisme et aux partenaires économiques », a-t-elle expliqué.
Si elle n’a pu préciser quel quadrilatère sera d’abord visé, Mme Mauzerolle a indiqué que sa piétonnisation s’étendrait sur les quatre saisons. Elle a cependant admis que la question de la livraison aux commerces et aux restaurants était une préoccupation. « Ça va être un avion qui se construira en vol avec nos partenaires. »
Les commerçants tenus dans l’ignorance
L’un des partenaires en question, la SDC du Vieux-Montréal, n’avait pas eu vent du projet. L’association « a appris aujourd’hui même, en même temps que le public ainsi que les médias, l’existence d’un projet de piétonnisation dès l’été 2024 », a-t-elle indiqué dans un communiqué. « Aucune transmission d’information, aucune rencontre de travail ni consultation n’ont eu lieu en amont de cette annonce. » Elle n’a pas voulu faire d’autres commentaires avant d’avoir discuté du projet avec l’administration Plante.
De son côté, l’Association des résidants du Vieux-Montréal (ARVM) assure que le sujet a été abordé lors de la première rencontre de la table de concertation mise sur pied par la Ville. « Ç’a été présenté non pas comme une piétonnisation, mais comme une priorité accordée aux piétons. La nuance est importante », souligne sa présidente, Christine Caron.
« Tout dépend de comment ça se fait. Il y a moyen de donner priorité aux piétons sans bannir toute circulation automobile. Ça se fait ailleurs dans le monde, en Europe en particulier. Il y a moyen de donner accès aux résidents et aux commerçants. On a hâte de voir ce qui est proposé et d’en discuter. »
Selon les informations qu’elle a reçues, le premier secteur visé serait la zone administrative du Vieux-Montréal, où sont situés l’hôtel de ville et le palais de justice.
On veut le rendre plus convivial et le protéger davantage comme d’autres villes l’ont fait
« Il faut vraiment en discuter avant de poser un jugement », poursuit Mme Caron, qui souligne toutefois que le Vieux-Montréal est aux prises avec des problèmes de congestion, notamment sur la rue de la Commune et sur la rue Berri. L’ARVM a d’ailleurs réalisé un sondage auprès des résidents du Vieux-Montréal et, selon Mme Caron, la majorité des répondants se sont prononcés pour une piétonnisation des rues touristiques. « C’est sûr qu’on est intéressés à ce qu’il y ait moins de circulation dans le quartier », a-t-elle dit.
Pour sa part, l’opposition juge que l’équipe de Valérie Plante fait de l’improvisation dans ce dossier. « Malheureusement, l’administration Plante n’apprend pas de ses erreurs et arrive avec une annonce sur le coin d’une table sans même préciser quel quadrilatère sera piétonnier, a déclaré le chef d’Ensemble Montréal, Aref Salem. Prenons exemple sur l’Europe, où les rues piétonnes sont annoncées en bonne et due forme sur quelques rues, avec des heures ciblées. »
Des aménagements sur le boulevard Henri-Bourassa
Montréal entend par ailleurs faire du boulevard Henri-Bourassa un « corridor de mobilité durable » avec un service rapide par bus (SRB) et un réseau express vélo, entre l’arrondissement de Saint-Laurent et celui de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles. À l’heure actuelle, cette artère compte huit voies de circulation automobile à certains endroits.
Les nouveaux aménagements seront réalisés progressivement, par tronçons ; les travaux débuteront dans Saint-Laurent dès cette année.
Le président du conseil d’administration de la Société de transport de Montréal (STM), Éric Alan Caldwell, a assuré que le projet n’aurait pas l’ampleur du chantier du SRB Pie-IX, qui a mis 13 ans à se réaliser et qui a nécessité la réfection de toutes les infrastructures. De plus, les autobus circuleront en rive, et non au centre des voies comme c’est le cas sur le boulevard Pie-IX. « Ça ne sera pas un grand projet comme le SRB Pie-IX, où l’on ferme tout pendant trois ans et où l’on inaugure un SRB sur l’ensemble de la longueur », a expliqué M. Caldwell.
L’élu croit que la STM sera en mesure de réaliser les aménagements sur l’ensemble du boulevard d’ici trois ans.
La Ville vise également à transformer le transport de marchandises en activité à zéro émission. À cet égard, la mairesse a indiqué que Montréal adopterait une stratégie de livraison décarbonée en développant des services de livraison comme le projet Colibri, mais à plus grande échelle.