Montréal fait appel à des experts pour son guichet unique de plaintes liées au racisme

Le mois dernier, une trentaine d’employés de la Ville, provenant de neuf arrondissements de la métropole, avaient témoigné du racisme et de la discrimination dont ils avaient été victimes.
Getty Images / iStock Le mois dernier, une trentaine d’employés de la Ville, provenant de neuf arrondissements de la métropole, avaient témoigné du racisme et de la discrimination dont ils avaient été victimes.

Le conseil municipal de Montréal a adopté, lundi, — avec quelques réserves de l’opposition — une déclaration pour réaffirmer l’importance de lutter contre le racisme, dans la foulée des révélations sur les cas de discrimination au sein des employés de la Ville. L’administration Plante a d’ailleurs annoncé qu’un comité d’experts avait été mis sur pied pour l’accompagner dans l’implantation d’un guichet unique visant à simplifier le dépôt de plaintes par les employés, et que ce comité serait présidé par Maryse Alcindor.

La déclaration présentée au conseil municipal par la présidente du comité exécutif, Dominique Ollivier, avec l’appui de la mairesse Valérie Plante, qualifie de « révoltantes » les situations exposées dans l’enquête du Devoir publiée en mars dernier. Une trentaine d’employés de la Ville, provenant de neuf arrondissements de la métropole, avaient alors témoigné du racisme et de la discrimination dont ils avaient été victimes. Plusieurs d’entre eux avaient porté plainte auprès de leur employeur, mais estimaient de pas avoir obtenu justice.

« De telles situations sont révoltantes et doivent être dénoncées fermement et sans équivoque, indique la déclaration. Des sanctions et des mesures disciplinaires appropriées sont nécessaires envers les agresseurs. »

Comité créé

 

Cette déclaration souligne que la Ville de Montréal doit réaffirmer « haut et fort » que le racisme est une violation des droits et des libertés de la personne, que « la tolérance zéro s’impose » et que la Ville exige l’exemplarité de la part des services centraux et des arrondissements pour mettre en place des climats de travail exempts de racisme et de discrimination. La déclaration insiste aussi sur la nécessité de renforcer les sanctions et les mesures disciplinaires contre les personnes qui posent des gestes discriminatoires.

Comme l’administration l’avait annoncé le mois dernier, un guichet unique sera créé pour faciliter le dépôt de plaintes par les employés discriminés et en assurer un traitement plus efficace. Pour mener à bien ce projet, l’administration a d’ailleurs mis en place un comité externe composé d’experts. Dominique Ollivier a révélé lundi que l’administration avait confié la présidence de ce comité à Maryse Alcindor, commissaire à l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM). C’est elle qui avait dirigé les consultations de l’OCPM sur le racisme systémique en 2018 et 2019. Mme Ollivier a aussi précisé que ce comité tenait sa première rencontre lundi.

D’origine haïtienne, Mme Alcindor est avocate de formation. Ancienne sous-ministre au ministère de l’Immigration, elle a notamment occupé les fonctions de directrice de l’éducation à la Commission des droits de la personne du Québec.

Désaccord

 

L’opposition a cependant exprimé sa dissidence concernant un des éléments de la déclaration, soit celui portant sur la mise sur pied d’un comité d’experts pour valider le nouveau système de plaintes.

Plusieurs élus ont pris la parole pour remettre en question la mise en place de ce comité dont la composition n’a pas été dévoilée lundi, outre la présidente Maryse Alcindor, et dont le mandat ne leur paraît pas clair. « On n’a rien contre cette personne », a dit la conseillère Alba Zuniga Ramos au sujet de la nomination de Mme Alcindor. « On s’imagine qu’elle a toute l’expertise pour pouvoir travailler, mais on est très inquiets par rapport au fait que les choses soient faites un peu en cachette. »

« Qui est sur ce comité ? Qui a nommé les membres ? C’est quoi, son mandat ? Est-il inclusif ? C’est quoi, le rôle et les responsabilités de ce comité ? », a pour sa part demandé le maire de Saint-Laurent, Alan DeSousa, qui a déploré que le conseil municipal ait été tenu à l’écart de ce processus.

Employé pendant cinq ans de la Ville de Montréal avant de se faire élire, le conseiller d’Ensemble Montréal Abdelhaq Sari a relaté être arrivé au Québec en 2002. Avant d’être embauché par la Ville, il a travaillé au privé. « Jamais je n’ai connu, vu et constaté des propos simplistes, racistes, voire homophobes plus qu’à la Ville de Montréal. J’ai connu plusieurs collègues qui ont déposé une plainte pour harcèlement et pour des propos racistes, mais je peux vous dire une chose : ils l’ont regretté par la suite. »

L’opposition a tenté de faire scinder la déclaration afin que le passage sur le comité d’experts soit retiré et que les élus d’Ensemble Montréal puissent se prononcer en faveur de la déclaration dont ils appuyaient l’esprit. Mais la présidente du conseil, Martine Musau Muele, a soutenu que scinder la déclaration n’était pas possible. Projet Montréal a pour sa part refusé d’amender sa déclaration.

La déclaration a finalement été adoptée par la majorité du conseil municipal, avec la dissidence d’Ensemble Montréal.

Lors d’un entretien téléphonique, Dominique Ollivier a précisé que le comité d’experts serait limité à deux personnes. Ainsi Mohamed S. Cherif, ancien membre fondateur du Centre de recherche-action sur les relations raciales qui a aussi été à la Commission des droits de la personne du Québec, travaillera avec Maryse Alcindor. « Ils vont porter un regard critique et extérieur sur les travaux qu’on a faits jusqu’à présent et proposer des pistes d’amélioration, s’il y a lieu », a-t-elle expliqué. « Mme Alcindor est une personne qui n’a aucune complaisance, comme le démontrait le rapport de l’OCPM. »

Ils se rencontreront deux fois par semaine pour que le guichet puisse être implanté d’ici l’été, a précisé Mme Ollivier.

Rappelons que le mois dernier, Ensemble Montréal avait réclamé la tenue d’une enquête indépendante sur le racisme et la discrimination à la Ville de Montréal, ce qu’avait refusé l’administration Plante. « Pour moi, l’heure n’est plus à la documentation, mais à l’action. C’est ce qu’on s’emploie à faire », avait dit la mairesse.

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