Montréal implantera d’ici l’été un guichet unique pour les plaintes liées au racisme

La Ville de Montréal promet d’implanter d’ici l’été un guichet unique pour permettre aux employés victimes de racisme et de discrimination de porter plainte et d’être pris en charge, de manière à éviter des délais indus et tenter de rétablir un climat de confiance.
Au terme d’une reddition de comptes faite mardi par la commissaire à la lutte contre le racisme et les discriminations systémiques, Bochra Manaï, et par les gestionnaires des différents services de la Ville, la présidente du comité exécutif, Dominique Ollivier, a fait savoir que le guichet unique de plaintes serait fonctionnel dans les prochains mois.
« Le travail est très avancé. Ce qu’on veut faire, avant de déployer ce guichet unique, c’est de s’assurer que ça respecte vraiment les meilleures pratiques », a indiqué Mme Ollivier lors d’une conférence de presse.
Un comité externe accompagnera la Ville pour s’assurer que ce nouveau guichet offre aux victimes une réelle protection de leurs droits et une résolution efficace des situations ayant mené aux plaintes.
La Ville compte aussi réviser les mesures disciplinaires en lien avec des comportements racistes et discriminatoires de manière à les harmoniser pour tous les services de la Ville et les 19 arrondissements. « Les sanctions qui existent à l’heure actuelle sont prévues, soit dans les conventions collectives, soit dans la Loi sur les normes du travail. Elles sont cependant appliquées de façon disparate dans les divers arrondissements, presque au cas par cas. On veut vraiment faire du travail pour s’assurer que les sanctions sont harmonisées et sont aussi à la hauteur des problèmes qu’on va constater. L’idée, c’est vraiment de décourager les comportements non désirables et non acceptables. »
Rappelons qu’en 2022, le Service des ressources humaines avait créé la Division diversité, équité et inclusion (DEI) — respect de la personne, qui a pour mandat d’intervenir et d’enquêter sur les enjeux de racisme et de discriminations systémiques vécus par le personnel.
Le cri du cœur d’employés racisés
Montréal met donc le pied sur l’accélérateur dans la foulée d’une enquête publiée la semaine dernière dans Le Devoir, qui relatait les témoignages d’une trentaine d’employés victimes de racisme et de discrimination en milieu de travail.
Dominique Ollivier assure qu’elle prend toute la mesure de la détresse et de la frustration des employés qui ont dénoncé des comportements discriminatoires, mais qui se heurtent à la complexité du système de plaintes et à l’absence de mesures disciplinaires contre les abuseurs et les harceleurs.
« On entend le cri du cœur des gens qui sont victimes, qui disent que les délais sont trop longs, et qu’ils ne voient pas de résolution », a-t-elle dit. « Ce travail de reconnaissance, de justice et, s’il le faut, de réparation, nous devons le faire et nous sommes en train de le faire. Et on doit l’accélérer et l’harmoniser. »
Le directeur général de la Ville, Serge Lamontagne, s’est défendu d’avoir lancé une « enquête interne » sur les cas de racisme en envoyant, le 20 mars dernier, un courriel à toutes les unités de la Ville pour avoir, dans un délai de 24 heures, des données sur les cas de racisme recensés en 2022. « Ce n’est pas une enquête. D’habitude, je reçois la reddition de comptes à la fin de l’année. Mon objectif était de demander s’il manquait de suivi auprès de ces personnes racisées. Ça m’a permis de constater qu’on appliquait des mesures disciplinaires dans toutes les unités, mais il faut aller plus loin. »
La Ville a recensé 73 dossiers de discrimination en 2022 et a appliqué des mesures disciplinaires dans 41 dossiers. Les plaintes ont donné lieu à la suspension de 13 personnes, mais à aucun congédiement. Parmi les autres mesures disciplinaires, on compte 10 avis verbaux et 8 avis écrits. Dans d’autres dossiers, la Ville s’est contentée de faire un rappel des directives à des employés et a mené des processus de médiation.
L’opposition n’est pas rassurée par les mesures annoncées par l’administration. Le conseiller d’Ensemble Montréal dans l’arrondissement de Montréal-Nord, Abdelhaq Sari, a rappelé que de nombreux employés victimes de comportements racistes n’ont pas confiance dans le système de plaintes et craignent de ne pas bénéficier de protection lorsqu’ils seront réintégrés dans leurs fonctions.
« Ce n’est pas parce qu’on parle d’un guichet unique, que, quand on dépose une plainte, on est protégé », a fait valoir l’élu, qui insiste pour dire que le climat de travail ne doit pas présenter d’enjeux de sécurité pour la personne discriminée, qui, dans certains cas, doit cohabiter avec le collègue ou le supérieur qui a eu un comportement abusif.
Le recours à un comité externe pour valider le système de plaintes mis en place ne dissipe pas non plus ses préoccupations.
Ensemble Montréal a réclamé à plusieurs reprises la tenue d’une enquête indépendante sur le racisme et la discrimination à la Ville de Montréal, une option rejetée par l’administration Plante.