La mairesse Plante accusée d’improviser concernant le racisme systémique à la Ville

Ensemble Montréal accuse l’administration de Valérie Plante d’improviser dans le dossier du racisme en lançant une enquête interne « sur le coin d’une table » pour recenser les situations problématiques. Le parti d’opposition entend bien revenir à la charge à la prochaine assemblée du conseil municipal avec sa demande pour la tenue d’une enquête indépendante.
Le Devoir révélait lundi que, le 20 mars dernier, alors que l’administration rejetait l’idée d’une enquête indépendante sur le racisme vécu par des employés, la Direction générale avait communiqué avec l’ensemble des services et des arrondissements de la Ville pour recenser les dossiers de racisme et de discriminations qui ont eu lieu en 2022. La Direction générale donnait 24 heures aux services et aux arrondissements pour lui faire parvenir ces informations.
Ce jour-là, la mairesse Plante et les élus de Projet Montréal avaient balayé la motion d’urgence soumise au conseil municipal par l’opposition, qui demandait la tenue d’une enquête publique. « L’heure n’est plus à la documentation, mais à l’action », avait déclaré Valérie Plante.
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« On se rend compte, avec l’article publié aujourd’hui, que ce n’est pas vrai, ce que l’administration a donné comme excuse », a dénoncé la conseillère d’Ensemble Montréal dans Louis-Riel, Alba Zuniga Ramos, lors d’un point de presse lundi. « Elle cherche à documenter [les cas] parce qu’elle n’a pas assez de données. Mais elle cherche à documenter à sa façon, peut-être pour sauver la face. Peut-être qu’elle pense qu’elle peut le faire à l’interne. […] On s’attendrait mieux d’une administration qui dit que la transparence est sa marque de commerce. »
Prochain conseil, prochaine demande
Le chef de l’opposition, Aref Salem, n’entend pas lâcher le morceau et compte soumettre une autre motion à la prochaine assemblée du conseil municipal du mois d’avril afin de demander la tenue d’une enquête publique.
Ensemble Montréal exprime aussi des préoccupations à l’égard du travail de la commissaire à la lutte au racisme et aux discriminations systémiques, un poste créé il y a deux ans et occupé par Bochra Manaï.
« Ça fait deux ans que notre parti, Ensemble Montréal, réclame à la commissaire un plan d’action clair avec des objectifs précis et réalistes et un calendrier, comme l’a recommandé l’OCPM [Office de consultation publique de Montréal] en 2020. Au lieu d’un plan d’action, seulement 12 engagements ont été publiés en mars 2022. Il n’y a toujours pas de vision claire ni d’actions prises ou à venir », a soutenu le conseiller Abdelhaq Sari.
L’élu a rappelé que l’ancienne responsable du dossier de la diversité et de la lutte contre le racisme et la discrimination au sein de l’administration Plante, Cathy Wong, insistait toujours pour dire que le processus de plaintes devait être révisé. « Je m’attendais à ce que le bureau de la commissaire à la lutte au racisme s’attaque à cette problématique et que le processus soit simplifié et plus rassurant pour la personne », a-t-il dit.
Reddition de comptes
La commissaire Bochra Manaï doit d’ailleurs présenter une reddition de comptes mardi matin devant la Commission sur le développement social et la diversité montréalaise. Le document de présentation mentionne que le bureau a accompagné une trentaine d’employés vers les instances qui gèrent les plaintes. Ce bureau travaille aussi sur la création d’une « cellule inter-unités » avec le Service des ressources humaines, le Contrôleur général et la Commission de la fonction publique de Montréal afin de « faciliter le cheminement des plaintes » des employés de la Ville, indique-t-on.
L’opposition entend continuer à « taper sur le même clou » pour demander une enquête indépendante. Puisque la prochaine motion déposée au conseil municipal respectera les délais requis, elle fera l’objet d’un débat, ce qui n’avait pas été le cas le 20 mars dernier. Aref Salem espère que l’administration reconnaîtra l’ampleur du problème du racisme à la Ville de Montréal.
L’administration Plante se défend d’avoir lancé une enquête interne à la suite d’articles parus dans Le Devoir. « Il s’agit de fausses informations. [C’est] un processus administratif normal, qui se fait de façon périodique par les ressources humaines de la Ville », a indiqué le cabinet de la mairesse dans un courriel.
La lutte contre le racisme systémique est « prise extrêmement au sérieux », ajoute-t-on. « Cela fait plusieurs mois que nous avons entamé le travail pour procéder à une révision complète du traitement des plaintes concernant les cas de racisme au sein de l’organisation. Une chose est certaine, nous n’allons ménager aucun effort pour accélérer le changement de culture organisationnelle partout où c’est nécessaire. »
Rappelons que, dans le cadre d’une enquête menée par Le Devoir, une trentaine d’employés de la Ville, issus de neuf arrondissements de la métropole, ont affirmé avoir subi du racisme et de la discrimination. Des employés disent avoir porté plainte auprès de leur employeur sans avoir obtenu justice.