Montréal doit rendre payants tous ses stationnements sur rue, selon le CRE

S’appuyant sur plusieurs données, dont la valeur des terrains et les frais de construction, le CRE de Montréal évalue à 1275 $ le coût moyen annuel d’une case de stationnement sur rue sur l’île.
Olivier Zuida Le Devoir S’appuyant sur plusieurs données, dont la valeur des terrains et les frais de construction, le CRE de Montréal évalue à 1275 $ le coût moyen annuel d’une case de stationnement sur rue sur l’île.

La Ville de Montréal doit cesser de « subventionner » le stationnement sur rue, estime le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Montréal. Dans un « livre blanc » dévoilé lundi, l’organisme avance que la Ville devrait tarifer tous les espaces de stationnement sur le domaine public, non seulement pour des raisons environnementales, mais aussi par mesure d’équité.

Près d’un tiers des ménages de l’île de Montréal ne possèdent pas de voiture, et 31 % des véhicules sont généralement garés sur des terrains privés, donc aux frais des propriétaires. Or, tous les contribuables, par leurs taxes foncières ou leur loyer, assument le coût des places de stationnement sur rue, qu’ils les utilisent ou pas. « Il n’y a pas de raison que la municipalité subventionne l’automobile de certains alors qu’elle manque d’argent pour les services de base à la population », résume Blaise Rémillard, responsable du transport et de l’urbanisme au CRE de Montréal.

S’appuyant sur plusieurs données, dont la valeur des terrains à Montréal et les frais de construction, le CRE de Montréal évalue à 1275 $ le coût moyen annuel d’une place de stationnement sur rue sur l’île. Dans bien des secteurs de l’agglomération de Montréal, les résidents doivent se procurer une vignette de stationnement s’ils veulent pouvoir trouver une place plus facilement, mais le coût de ces vignettes est bien moindre que le coût réel des places de stationnement.

À Montréal, c’est dans Le Plateau-Mont-Royal que la première vignette est la plus coûteuse, jusqu’à 269 $, suivi de près par Ville-Marie. Mais elles sont encore plus chères dans les municipalités de Côte-Saint-Luc et Montréal-Ouest (jusqu’à 300 $). Les coûts grimpent encore pour la deuxième vignette. En revanche, dans certains quartiers comme Saint-Léonard, LaSalle ou Pierrefonds, les vignettes sont gratuites.

« Pour nous, il y a une iniquité là, d’autant que dans le contexte de la crise climatique, on veut réduire l’utilisation de l’automobile. On a besoin d’énormément d’espace pour reverdir la ville, se préparer aux canicules extrêmes et offrir des milieux de vie plus sécuritaires et de meilleure qualité », souligne M. Rémillard.

Sujet de discorde

Le livre blanc publié lundi par le CRE de Montréal a été élaboré dans le cadre des travaux devant mener à l’adoption du nouveau Plan d’urbanisme et de mobilité de Montréal. L’organisme y fait 23 propositions pour rendre plus cohérente la gestion des stationnements. L’une des recommandations suggère de tarifer tous les espaces de stationnement sur rue selon le principe utilisateur-payeur. Cette tarification pourrait s’implanter progressivement d’ici 2035, afin de coïncider avec la fin de la vente des véhicules à essence au Québec. Les revenus ainsi récoltés pourraient être réalloués à des services bénéficiant à l’ensemble des citoyens, suggère le CRE, qui propose aussi d’éliminer les espaces de stationnement sous-utilisés.

À Montréal, les 475 000 cases de stationnement sur rue occupent 27 % de la voirie, soit une superficie de 7 km2, souligne le CRE de Montréal. C’est 12 fois plus d’espace consacré au stationnement qu’aux voies réservées au transport collectif et au vélo. Pour sa part, le stationnement hors rue s’étend sur l’équivalent de 15,3 km2 avec au moins 470 000 places.

Pour atteindre son objectif de carboneutralité en 2050 et réduire la dépendance à la voiture, mieux vaudrait que la Ville vise une tarification plus juste et la requalification d’une partie des places de stationnement pour permettre des aménagements pour les transports actifs et collectifs, et même pour l’habitation, croit le CRE de Montréal.

Certains quartiers sont toutefois défavorisés et moins bien desservis en infrastructures pour les transports actifs et collectifs. Dans ce contexte, le CRE de Montréal propose de mettre en place un programme d’accompagnement pour les ménages à faible revenu sous forme de compensation financière directe.

Pour nous, il y a une iniquité là, d’autant que dans le contexte de la crise climatique, on veut réduire l’utilisation de l’automobile. On a besoin d’énormément d’espace pour reverdir la ville, se préparer aux canicules extrêmes et offrir des milieux de vie plus sécuritaires et de meilleure qualité.

 

La tarification devrait aussi tenir compte des caractéristiques de véhicules, comme l’espace occupé, les émissions polluantes et le poids. Ces indicateurs pourraient être associés aux plaques d’immatriculation.

Le CRE a aussi quelques recommandations pour les stationnements hors rue, comme l’abolition des ratios minimums de stationnement dans les projets immobiliers ou des mesures pour favoriser la mutualisation des stationnements.

Des obstacles

L’administration Plante a beau accueillir avec ouverture les propositions du CRE de Montréal, elle n’est pas prête à appliquer une tarification à toutes les places de stationnement du territoire. « On n’en est pas là à court terme », indique Sophie Mauzerolle, responsable du transport et de la mobilité au comité exécutif. « Pour nous, la tarification du stationnement est un des leviers de la mobilité durable, mais on peut difficilement demander aux gens d’opérer un transfert modal, de délaisser l’auto-solo et faire porter un fardeau financier aux Montréalais s’ils n’ont pas d’alternative. »

Montréal s’affaire plutôt à offrir des services de transport actif et collectif et à favoriser l’autopartage, dit l’élue. L’Agence de mobilité durable, qui a le mandat de gérer la question du stationnement à Montréal, travaille sur plusieurs dossiers, dont la modulation des prix de parcomètres sur les artères commerciales, la collecte de données plus précises sur le stationnement et la lecture automatisée des plaques. Plusieurs arrondissements, dont Rosemont–La Petite-Patrie et Ville-Marie, ont aussi implanté une modulation des prix des vignettes en fonction des types de véhicules, rappelle-t-elle. « Mais il y a des pistes de réflexion intéressantes [dans les recommandations du CRE] », reconnaît Mme Mauzerolle.

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