Un déneigeur épinglé par le Bureau de l’inspecteur général

Inadmissible aux contrats de la Ville, Louis-Victor Michon a quand même participé au déneigement pendant des années.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Inadmissible aux contrats de la Ville, Louis-Victor Michon a quand même participé au déneigement pendant des années.

Le Bureau de l’inspecteur général (BIG) de Montréal recommande à la Ville de placer deux entreprises et leurs dirigeants sur sa « liste noire » afin de les rendre inadmissibles aux contrats publics. Selon une enquête menée par le BIG, Entreprises K.L. Mainville aurait permis à un sous-traitant déjà banni de l’octroi de contrats, Louis-Victor Michon, d’effectuer du transport de neige.

Louis-Victor Michon, directeur des opérations de J.L. Michon Transport, avait été déclaré inadmissible aux contrats de la Ville pour cinq ans en 2016 après que le BIG a découvert qu’il discutait avec un concurrent dans le but de conclure des ententes de nature collusoire pour des contrats de déneigement.

Tout en sachant que Louis-Victor Michon ne pouvait obtenir de contrats de la Ville ou agir comme sous-traitant, K.L. Mainville et son président, Serge Mainville, lui ont permis de travailler sur cinq contrats de transport de neige entre 2019 et 2021, dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, par l’entremise d’un sous-traitant, Excavation Bromont, souligne le BIG. Pour parvenir à œuvrer dans le cadre de ces contrats, Louis-Victor Michon aurait conclu en 2017 une entente de prête-nom avec le dirigeant officiel d’Excavation Bromont, Daniel Girard, en échange d’un montant annuel de 20 000 $ pendant cinq ans, pour un total de 100 000 $, souligne le rapport de l’inspectrice générale, Brigitte Bishop.

M. Michon a ainsi pris le contrôle d’Excavation Bromont alors que Daniel Girard continuait de signer les documents officiels de l’entreprise. En novembre 2021, Daniel Girard a finalement vendu Excavation Bromont à Louis-Victor Michon, qui l’aurait revendue le jour même à son cousin, révèle l’enquête.

Dans le cadre des contrats litigieux, Louis-Victor Michon conduisait lui-même les camions, supervisait les camionneurs affectés au transport de la neige et faisait le recrutement de camionneurs, indique le rapport.

 

Selon le BIG, Serge Mainville entretenait depuis plusieurs années « une relation de confiance » avec Louis-Victor Michon et son père, Jean-Louis Michon, auprès desquels il avait obtenu un prêt de deux millions de dollars en 2014.

Serge Mainville et K.L. Mainville ont affirmé au BIG qu’ils ignoraient le rôle joué par Louis-Victor Michon au sein d’Excavation Bromont, car, selon eux, il n’était qu’un simple employé de l’entreprise. Le BIG estime toutefois qu’ils « avaient l’obligation d’empêcher la participation de Louis-Victor Michon ou alternativement, de demander l’autorisation expresse de la Ville. Ils n’ont fait ni l’un ni l’autre et cherchent désormais à inverser le fardeau en l’imputant à la Ville, position qui ne saurait être acceptée », estime le BIG.

Résiliations de contrats

 

Le BIG recommande donc la résiliation de deux contrats de transport de neige encore en vigueur accordés par la Ville aux Entreprises K.L. Mainville en juin 2021, et que Louis-Victor Michon, Serge Mainville et les Entreprises K.L. Mainville soient inscrits au Registre des personnes inadmissibles pour une période de cinq ans. Pour Excavation Bromont, le BIG suggère une exclusion du marché pour quatre ans alors qu’une inadmissibilité de trois ans est recommandée pour Daniel Girard.

Au conseil municipal lundi, la responsable de la concertation avec les arrondissements au comité exécutif, Maja Vodanovic, a fait savoir que les deux contrats seront résiliés. « Comme on est au mois de juin, on aura tout le temps nécessaire pour octroyer de nouveaux contrats pour pouvoir offrir le service que Mercier–Hochelaga-Maisonneuve mérite », a-t-elle dit.

Selon le chef de l’opposition, Aref Salem, la Ville aurait dû être plus vigilante dans ce dossier. Il a rappelé qu’en 2015, le BIG avait déposé un rapport sur les pratiques de déneigement à Montréal. Il recommandait alors à la Ville d’exercer une surveillance accrue des documents d’appels d’offres quant à la sous-traitance. « Il y a clairement un manque de surveillance dans ce dossier. C’est extrêmement inquiétant », a-t-il souligné.

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