Un nouveau blâme éthique pour la STM
Pour la troisième fois en moins de huit mois, la Société de transport de Montréal (STM) se fait taper sur les doigts par le Bureau de l’inspecteur général (BIG) pour des manquements dans l’octroi de contrats. La STM a notamment fait preuve de laxisme à l’égard d’une apparence de conflit d’intérêts impliquant son chargé de projet, qui a piloté l’octroi de contrats à une firme pour laquelle sa conjointe travaille, révèle un rapport rendu public lundi.
Le BIG avait reçu un signalement concernant un appel d’offres qui, selon la dénonciation, restreignait la concurrence. En y regardant de plus près, l’équipe de l’inspectrice générale Brigitte Bishop a découvert plusieurs entorses aux règles dans l’octroi de deux précédents contrats relatifs aux assurances collectives des employés de la STM.
Me Bishop soulève aussi d’importantes lacunes dans la gestion d’une apparence de conflit d’intérêts du chargé de projet de la société de transport.
Un premier contrat avait été octroyé en 2016 par la STM à une firme pour des services-conseils liés au programme d’assurances collectives de ses employés. Le BIG ne nomme pas la firme en question dans son rapport, car elle juge qu’elle n’est pas à blâmer dans cette affaire.
En 2019, le chargé de projet de la société de transport propose de fusionner les sept contrats d’assurance collective des employés afin de réaliser des « économies substantielles ». Sauf que la STM n’a pas demandé à la firme une estimation des coûts.
Entre-temps, la réserve accordée au contrat initial de 2016, soit 574 875 $, est épuisée. Le contrat initial est modifié en 2020, puis un second contrat, de gré à gré, est accordé à la même entreprise pour un montant de 263 000 $, ce qui fait gonfler la facture initiale de 50 %.
Le BIG estime que la modification au contrat initial n’était pas conforme au cadre normatif de la STM, et que le second contrat représentait dans les faits un fractionnement de contrats, ce qui contrevient à la Loi sur les sociétés de transport en commun et aux règles de la STM. De plus, les conditions liées au second appel d’offres, en 2021, restreignaient la concurrence.
Apparence de conflit d’intérêts
Le BIG consacre une partie importante de son rapport à la gestion inadéquate de la STM quant à l’apparence de conflit d’intérêts impliquant son chargé de projet.
Une déclaration d’intérêt de la part de sa conjointe, qui travaille au sein de l’entreprise ayant obtenu les contrats, avait été incluse dans la soumission de la firme en question. Après avoir examiné le dossier, le comité d’éthique mis sur pied par la société de transport a toutefois conclu qu’il n’y avait pas de réel conflit d’intérêts, mais « qu’il pouvait y en avoir un en apparence ». Cette conclusion ne satisfait pas le BIG, qui signale que ni l’employé ni son supérieur hiérarchique n’ont été rencontrés personnellement par le comité d’éthique et que l’entreprise n’a pas été questionnée l’encadrement qui serait conséquemment mis en place.
Par ailleurs, jamais le conseil d’administration de la STM, qui a approuvé l’octroi des contrats, n’a été alerté des liens entre le chargé de projet et l’employée de la firme.
Le règlement interne de la STM exige que tout employé participant au processus contractuel déclare toute apparence de conflit d’intérêts, ce qui n’a pas fait dans ce dossier. Des mesures d’encadrement n’ont été élaborées qu’après l’intervention du BIG dans le dossier, en janvier dernier. « En somme, l’inspectrice générale constate que, de part et d’autre, le chargé de projet et ses supérieurs hiérarchiques ont failli à leurs obligations en matière d’éthique dans le présent dossier. [Malgré le fait] qu’il n’était question que d’une situation d’apparence de conflit d’intérêts, le laxisme observé demeure source d’inquiétude et doit impérativement faire l’objet d’un resserrement », écrit Me Bishop dans son rapport.
Le conseil d’administration de la STM a finalement annulé l’octroi d’un troisième contrat qui devait être accordé à la firme en question après que son vérificateur général eut signalé divers manquements au cadre normatif.
Dans sa réponse aux reproches du BIG, la société de transport invoque une mauvaise compréhension — « non intentionnelle » — des règles applicables. Elle s’est cependant engagée à mettre en place diverses mesures pour y remédier.
C’est la troisième fois en quelques mois que la STM est blâmée par le BIG. En septembre dernier, un rapport de Me Bishop reprochait à la société de transport d’avoir enfreint la loi — et ses propres règles de gestion — lorsqu’elle avait modifié trois contrats déjà accordés à des fournisseurs, ce qui avait entraîné une explosion des coûts. Puis, en février dernier, l’inspectrice générale de Montréal avait également soulevé d’importants manquements de la part de la STM dans l’octroi de contrats pour des travaux au centre de transport Bellechasse.
L’opposition à l’hôtel de ville se dit « scandalisée » par les révélations du rapport du BIG. « Comment la STM a-t-elle pu laisser un chargé de projet en mener si large dans la préparation d’appels d’offres, alors que sa conjointe travaillait pour l’entreprise adjudicataire, et ignorer ce potentiel conflit d’intérêts ? Ça prend un meilleur encadrement du contrôle du processus entourant l’octroi d’appel d’offres », a commenté Ensemble Montréal.