Les jeunes montréalais préoccupés par le contrôle des armes à feu

Les jeunes rencontrés dans le cadre du forum ont apporté des solutions très précises pour éviter que leurs amis ne se retrouvent dans cette violence, parmi des groupes criminalisés, et ont tous parlé du contrôle des armes, a souligné la mairesse Plante.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les jeunes rencontrés dans le cadre du forum ont apporté des solutions très précises pour éviter que leurs amis ne se retrouvent dans cette violence, parmi des groupes criminalisés, et ont tous parlé du contrôle des armes, a souligné la mairesse Plante.

En confirmant, lundi, la tenue du Forum montréalais pour la lutte contre la violence armée, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a déclaré que les jeunes qu’elle a rencontrés en amont ont tous parlé, sans exception, du contrôle des armes à feu et de leur trop grande accessibilité.

Les jeunes seront d’ailleurs au cœur de la démarche effectuée par la Ville et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en collaboration avec bon nombre d’organismes communautaires.

« Cette année, on a tous été bouleversés, choqués, par la mort de jeunes de nos quartiers », a déclaré la mairesse en point de presse lundi matin à l’hôtel de ville. Les derniers mois ont été assombris par les morts violentes de deux adolescents de 16 ans, Jannai Dopwell-Bailey et Thomas Trudel, parmi d’autres.

« C’est inacceptable », a dit Mme Plante.

C’est pourquoi le Forum réunira tous les acteurs qui peuvent contribuer aux pistes de solutions : la police, certes, mais aussi les organismes communautaires présents sur le terrain, les jeunes des quartiers touchés par ces agressions armées et l’Institut du Nouveau Monde, afin de créer « un modèle montréalais » pour lutter contre la violence, a promis la mairesse. Le Forum devait avoir lieu fin janvier, mais avait été reporté en raison de la virulence de la COVID-19 à ce moment.

On doit comprendre « pourquoi les jeunes ont des armes à feu dans les mains », a souligné Mme Plante.

Et pour cela, il faut s’intéresser à la question de la circulation des fusils et des revolvers, à la criminalité, mais aussi aux conditions socio-économiques de ces jeunes et des quartiers où ils vivent.

Dans une vidéo accompagnant la présentation du forum, où l’on voit la mairesse discuter avec de jeunes femmes et hommes, on entend l’un d’eux poser ces questions : « Pourquoi le jeune a-t-il envie de tuer ? Pourquoi c’est à Saint-Michel et pas à Westmount ? »

Ils ont apporté des solutions très précises pour éviter que leurs amis ne se retrouvent dans cette violence et au sein de groupes criminalisés, a souligné la mairesse. Elle est notamment allée à la rencontre d’un groupe composé des amis proches de Thomas Trudel et aussi du Forum jeunesse de Saint-Michel, un quartier de l’est de Montréal.

Le « courage de légiférer »

« Ils m’ont tous parlé du contrôle des armes à feu. Ils m’ont tous dit que cela n’avait pas de bon sens que les armes soient si facilement accessibles et qu’elles circulent », a dit Mme Plante.

Ils veulent se mobiliser et demander au gouvernement provincial et fédéral de prendre leurs responsabilités, a-t-elle rapporté : « Moi, ça me touche beaucoup. »

La mairesse dit les soutenir, et souhaite qu’Ottawa ait le « courage de légiférer », car ce contrôle ne relève pas que de la Ville de Montréal Elle a d’ailleurs l’intention d’inviter au Forum le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino.

Vu son rôle sur le terrain, le SPVM sera évidemment partie prenante à ce forum. Il faut lutter contre la « culture de banalisation de la violence chez les jeunes », a déclaré en point de presse Vincent Richer, directeur adjoint à la Direction des services corporatifs de la force policière montréalaise.

Dans l’intervalle, les volets de prévention et de répression sont très actifs, a-t-il poursuivi, signalant 300 arrestations pour la violence par arme à feu au cours de la dernière année et plus de 700 armes saisies depuis la création, en décembre 2020, de l’unité ELTA (Équipe de lutte contre le trafic d’armes) du SPVM.

M. Richer veut aussi s’attaquer à ce problème déjà identifié : les exigences de confidentialité qui font qu’il est difficile pour un intervenant qui voit un jeune en difficulté, et qui pourrait basculer vers la violence, de partager cette information avec d’autres qui pourraient intervenir — et qui ne sont pas forcément des policiers. « Il faut faire tomber des murs » et ne pas travailler en vase clos, dit-il.

Le Forum se tiendra sur trois jours. Le 24 février sera l’occasion pour les organismes communautaires et de recherche de discuter et de partager leurs connaissances. La semaine du 14 mars sera consacrée aux idées des jeunes et, le 31 mars, des conclusions seront tirées sur les meilleures façons de lutter contre la violence.

La Ville de Montréal assure qu’elle ne reste pas oisive en attendant les conclusions de cette démarche et rappelle qu’elle a doublé son budget destiné à la prévention de la violence auprès des jeunes et en sécurité urbaine, le faisant passer à 5 millions de dollars par année dès 2022.

« Trop peu, trop tard »

Pour l’opposition officielle, la tenue de ce forum est « trop peu, trop tard ».

« Ça fait plus d’un an qu’on parle de la violence à Montréal. Cinq jeunes en sont décédés et ce n’est que maintenant que l’administration décide de réunir les partenaires ? » a lancé Abdelhaq Sari, le porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique.

Dans un courriel, il dénonce le fait que l’administration de Montréal se félicite d’avoir inclus les jeunes dans le Forum, alors que « la réalité est qu’elle a tourné le dos » aux jeunes de Montréal-Nord — un quartier touché par la violence armée — en reléguant au bas de sa liste de priorités le centre sportif qu’elle leur avait promis, et qui leur aurait permis de s’épanouir.

Il constate aussi que rien n’a été proposé pour aborder « la crise de confiance » qui existe entre les jeunes et le SPVM, ce qui présente plusieurs défis dans la lutte contre la violence armée.

La Ville de Montréal invite parents, enseignants et jeunes de tous les coins de la métropole à faire part de leurs propositions et de leurs idées à l’adresse suivante : pourlajeunesse@montreal.ca