Québec protégera le coeur du Quartier chinois

La ministre de la Culture, Nathalie Roy, a confirmé lundi l’intention du gouvernement de classer le cœur du Quartier chinois de Montréal et deux de ses bâtiments emblématiques en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec. De son côté, la Ville désignera ce quartier comme premier lieu historique montréalais identifié et resserrera ses règles d’urbanisme.
Le secteur considéré comme le « noyau institutionnel » du Quartier chinois de Montréal qui sera protégé par Québec comprend plusieurs immeubles anciens, ainsi que le paifang (une arche traditionnelle) situé rue De La Gauchetière, qui marque l’entrée ouest du Quartier chinois. Le gouvernement a aussi signé une intention de classement pour deux bâtiments, soit la British and Canadian School, aussi connu sous le nom de la Maison Wing, et l’ancienne manufacture S. Davis and Sons.

Cette protection fera en sorte que les propriétaires des immeubles situés dans ce nouveau site patrimonial devront obtenir une autorisation du ministère de la Culture s’ils souhaitent les modifier, les restaurer ou les démolir. « On s’assure d’accorder une très grande protection à ces bâtiments et à ce site », a souligné la ministre Roy lors d’une conférence de presse virtuelle lundi en compagnie, notamment, de la mairesse Valérie Plante.
Limitations aux constructions
La ministre Roy a expliqué que Québec avait choisi de ne pas désigner l’ensemble du Quartier chinois comme site déclaré au même titre que le Vieux-Montréal et le site patrimonial du Mont-Royal en raison de l’urgence d’intervenir. « Les sites déclarés nécessitent une préparation de 13 à 15 ans. Nous avions besoin d’agir rapidement », a-t-elle dit.
De son côté, la Ville de Montréal compte reconnaître le Quartier chinois comme le premier lieu historique à Montréal, et cela inclura l’ancien Faubourg Saint-Laurent. « Ça permet d’affirmer clairement à la population et aux propriétaires ou futurs acquéreurs l’importance que la Ville accorde au Quartier chinois sans avoir d’incidence directe sur les transactions immobilières », soutient Valérie Plante.
Un règlement de contrôle intérimaire est également entré en vigueur lundi, en attendant l’adoption finale d’une modification au Plan d’urbanisme pour limiter la hauteur permise des constructions et leur densité dans ce secteur. « Le règlement, ce qu’il vient faire, c’est restreindre la réalisation de nouveaux projets de lotissement, de construction ou de nouvelles utilisations du sol, jusqu’à la modification du Plan d’urbanisme », a expliqué la mairesse Plante. Les changements proposés feront ensuite l’objet d’audiences menées par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM).
Pour Jonathan Cha, membre du Groupe de travail sur le Quartier chinois, les mesures de protection des bâtiments annoncées lundi par Québec et par Montréal représentent une première étape pour la préservation de l’authenticité et de l’intégrité du Quartier chinois. Il a cependant prévenu que d’autres actions devraient être prises pour assurer la vitalité de ce quartier et la protection du patrimoine immatériel.
Délimité par les rues Jeanne-Mance et Saint-Dominique, ainsi que par l’avenue Viger et le boulevard René-Lévesque, le Quartier chinois subit depuis des décennies les pressions immobilières. Dans les années 1970 et 1980, plusieurs bâtiments avaient été sacrifiés pour faire place au palais des congrès et au complexe Guy-Favreau.
Les annonces de lundi ont rassuré May Chiu, de l’association des Chinois progressistes du Québec. « Nous sommes contents des progrès qu’apporte l’annonce du gouvernement du Québec pour la protection des édifices, mais nous espérons que ce n’est que le début d’une protection complète du Quartier chinois, qui comporte des atouts tangibles et immatériels. […] Le Quartier chinois n’est pas un musée. Nous habitons ici et nous demandons d’avoir une qualité de vie. »
Des résidents du Quartier chinois disent être confrontés à des projets de développement immobiliers « incessants ». Résident de la rue de l’Hôtel-de-Ville, Kent Chong est exaspéré par l’ampleur du chantier adjacent à sa propriété, où le promoteur Mondev est en train de construire un immeuble résidentiel de 20 étages. « C’est un cauchemar », dit-il, la voix couverte par le vacarme du chantier. « Je ne peux pas utiliser ma propre cour ou mon balcon à cause des dégâts causés par les travaux. »
De son côté, Jeremy Kornbluth, l’un des actionnaires d’Hillpark Capital, qui a notamment acquis en mars dernier l’immeuble de la British and Canadian School, soutient avoir à cœur le développement du Quartier chinois. « Nous souhaitons travailler avec la communauté chinoise et tout le quartier pour développer un concept respectueux de l’architecture et du voisinage », a-t-il indiqué dans un courriel, précisant que l’entreprise comptait participer aux audiences de l’OCPM.