La réponse de Drapeau au rapport Malouf sur les Jeux de Montréal

Décédé en 1999, Jean Drapeau n’a jamais répondu au rapport Malouf qui l’avait sévèrement blâmé pour le désastre financier des Jeux olympiques de 1976. Vingt ans après sa mort, on peut maintenant prendre connaissance de l’ébauche de sa réponse puisque les archives personnelles de l’ancien maire sont depuis vendredi accessibles au public. Comme il fallait s’y attendre, la Ville rejette l’une après l’autre les critiques qu’avait formulées la commission.
Les lettres, agendas, photos, rapports et notes manuscrites, qui étaient contenus dans plus de 700 boîtes et qui font 152 mètres lorsqu’on les met bout à bout, peuvent maintenant être consultés par le public en vertu de la convention de donation des archives personnelles du maire.
Dans cette masse de documents se retrouve l’ébauche de réponse rédigée par les services de la Ville pour répliquer au rapport lapidaire du juge Malouf.
Le document, qui compte 218 pages dactylographiées, est incomplet, mais il donne la mesure de l’exaspération du maire Drapeau par rapport aux multiples reproches que contenait le rapport Malouf à son endroit.
Rappelons qu’en 1980, la commission présidée par le juge Albert Malouf avait attribué l’explosion des coûts des installations olympiques à l’« irresponsabilité administrative des autorités de la Ville et du COJO [Comité d’organisation des Jeux olympiques] dans le choix d’un concept inédit et d’un architecte étranger ».
En 1972, les estimations préliminaires avaient fixé à 175 millions de dollars le coût de construction du Parc olympique. En 1976, on évoquait plutôt 851 millions. Il faudra 30 ans aux Québécois pour éponger la facture totale de 1,3 milliard qu’a coûté l’aventure olympique.
L’architecte « étranger »
Dans son projet de réplique, la Ville se porte à la défense de Roger Taillibert. Le choix du maire de recruter l’architecte français était « le plus judicieux que l’administration municipale pouvait faire pour l’aménagement du Parc olympique », fait-on valoir. Son projet qui comprenait le stade et le vélodrome répondait aux critères olympiques et assurait une vocation polyvalente et permanente du site, ajoute-t-on.
On qualifie de « gratuites » les accusations de la commission selon lesquelles Roger Taillibert aurait refusé de proposer des solutions « pratiques » pour réduire les coûts du projet.
Au passage, la Ville rejette les qualificatifs « extravagant », « superflu » et « luxueux » utilisés par la commission à l’égard des installations du Parc olympique. Ces jugements ne relevaient pas des compétences de la commission qui devait plutôt enquêter sur le coût de la réalisation de ces constructions, rappelle-t-on.
La Ville qualifie l’enquête Malouf d’« échec », en lui reprochant d’avoir mené ses travaux en fonction d’une « opinion formulée au préalable » et de s’être « embourbée dans un labyrinthe de spéculations » sur plusieurs aspects.

Omissions ?
La commission a minimisé l’« inflation galopante », de même que les grèves et arrêts de travail qui ont perturbé le chantier, préférant s’acharner sur l’administration municipale, accuse la Ville. Et elle n’a pas tenu compte des retombées économiques des Jeux olympiques, ajoute-t-on.
« Nous sommes convaincus que l’histoire donnera tort à cette commission sur toute la ligne, car même l’ignorance des faits ne pourra constituer une justification à son rapport. »
La Ville signale aussi que la commission a omis un élément important dans le déroulement des travaux : la francophobie. « Le bon fonctionnement organisationnel du chantier olympique fut victime d’une attitude francophobe haineuse de la part d’importants intervenants au dossier envers l’architecte Taillibert et les autres professionnels français qui ont collaboré au projet », souligne-t-on.
La Ville blâme également les médias qui, dit-elle, ont laissé planer un doute constant quant à l’issue de l’opération : « L’aspect psychologique est un élément important dans l’accomplissement efficace d’un grand projet ».
Les grands projets
Les archives personnelles de Jean Drapeau comprennent notamment des documents liés au fonctionnement du conseil municipal de Montréal de 1966 à 1986 et des milliers de photos. Une section s’attarde à l’émeute au Forum de Montréal à la suite de la suspension de Maurice Richard en 1955 et une autre au passage de Charles de Gaulle à l’hôtel de ville en 1967.
On y retrouve aussi des documents et des plans relatifs aux grands projets comme la Place des Arts, le métro, Expo 67 en plus des Jeux olympiques de 1976. D’autres concernent le restaurant Le Vaisseau d’or, dont l’ancien maire était propriétaire, ou relatent l’époque où M. Drapeau était avocat au sein de l’enquête Caron.
Le public peut consulter certains documents numérisés en ligne sur le site Internet des Archives de Montréal. Il est également possible de consulter les archives en se rendant sur place sur rendez-vous.