Montréal présente ses nouvelles règles en matière de logements sociaux

La contribution des promoteurs à la mixité pourra se faire par la construction de logements sociaux ou abordables, par la cession de terrains à la Ville ou par une contribution financière.
Photo: Olivier Zuida Archives Le Devoir

La contribution des promoteurs à la mixité pourra se faire par la construction de logements sociaux ou abordables, par la cession de terrains à la Ville ou par une contribution financière.

Les promoteurs immobiliers devront se plier à de nouvelles règles pour l’inclusion de logements sociaux, abordables et familiaux à compter du 1er janvier 2021 à Montréal. La mairesse Valérie Plante a dévoilé mercredi les paramètres du nouveau règlement qui s’appliquera à un plus grand nombre de projets immobiliers et imposera des contributions de la part des promoteurs pouvant atteindre jusqu’à l’équivalent de 20 % des unités construites.

Les règles présentées mercredi sont plus souples que celles de la stratégie d’inclusion de 2005, mais elles sont plus complexes, car elles s’appliqueront en fonction de divers paramètres, dont la taille des projets et leur localisation. À cet effet, le territoire montréalais a été divisé en quatre zones, soit le centre-ville, les quartiers centraux, la périphérie et les extrémités.

La contribution des promoteurs à la mixité pourra se faire par la construction de logements sociaux ou abordables — sur site ou hors site —, par la cession de terrains à la Ville ou par une contribution financière.

Le respect du nouveau règlement — qui avait été surnommé «20/20/20» — sera obligatoire pour les promoteurs, alors que la stratégie d’inclusion en vigueur depuis 2005 représentait plutôt une mesure incitative pour les projets en dérogation, car la Ville ne détenait pas les pouvoirs de l’imposer.

Le volet de logements sociaux s’appliquera aux projets de cinq logements et plus (450 m2) plutôt qu’à ceux de 100 logements et plus comme avec la stratégie actuelle. Quant au volet abordable, il s’appliquera aux projets de 50 logements et plus.

Le nouveau règlement introduit aussi un volet familial qui comprend des logements d’au moins trois chambres à coucher d’une superficie minimale de 86 m2 au centre-ville et dans les quartiers centraux et de 96 m2 pour les autres zones. Ces logements peuvent être sociaux, abordables ou au prix de marché.

Montréal estime que ces mesures pourraient faire augmenter de 1 à 4 % le prix des copropriétés sur le territoire. Mais selon les projections de la Ville, le règlement permettra à 600 logements sociaux de voir le jour chaque année et se traduira par des contributions financières de 13,7 millions. Montréal anticipe aussi la construction de 1000 logements abordables et de 500 logements familiaux au prix de marché.

La mairesse Plante croit que certains promoteurs voudront même que leur projet soit soumis au nouveau régime avant son entrée en vigueur en raison de la hausse des compensations financières offertes pour les logements sociaux. « On était à 12 000 $ par porte et là, on passe à 48 000 $. Ce n’est pas rien. Il y a des avantages certains avec notre règlement », a-t-elle dit.

Le règlement sera soumis à la consultation l’automne prochain avant son adoption en 2020.

Des irritants

 

Le projet de règlement a suscité des réactions immédiates. Si les représentants des promoteurs et des constructeurs immobiliers ont salué la volonté de la Ville d’élargir l’accès à la propriété et de faciliter la rétention des familles, plusieurs irritants subsistent.

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) reconnaît que le projet de règlement a été amélioré au cours des derniers mois, mais elle s’inquiète de son impact sur le coût des condos. « Une hausse de 4 % sur un condo de 350 000 $, ça représente 14 000 $. C’est l’équivalent d’une mise de fonds », fait remarquer François Vincent, vice-président relations gouvernementales à l’APCHQ. « Cette mise de fonds va peut-être être l’élément qui va convaincre les gens de la classe moyenne de choisir Laval et Longueuil. »

L’Institut de développement urbain du Québec (IDU) estime pour sa part que le fait d’imposer des obligations aux promoteurs de projets qui sont de plein droit est inacceptable. L’organisme juge aussi que les acheteurs et les locataires d’unités neuves assumeront seuls les augmentations de prix. « Le secteur public transfère ici une responsabilité qu’il a toujours assumée vers des acteurs privés. Ce transfert de responsabilité constitue un dangereux précédent », souligne André Boisclair, président-directeur général de l’IDU.

Laurence Vincent, coprésidente du Groupe immobilier Prével, est plus optimiste. « Sans dire que le règlement est parfait et qu’on saute de joie, on peut dire qu’on voit l’écoute que la Ville a eue et le bout de chemin parcouru », dit-elle.

Elle prévient toutefois qu’il faudrait que des règles similaires s’appliquent aussi au reste du territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) afin que les banlieues fassent aussi leur part en matière de logement social. « Il ne faut pas que ce soit seulement les 19 arrondissements qui portent le fardeau de ça, parce que des villes défusionnées comme Mont-Royal et Westmount n’ont pas à contribuer au logement social. Des villes comme Brossard, Longueuil ou Laval non plus ».

Le nouveau règlement a l’avantage de clarifier les règles car les intentions de la Ville en matière d’habitation créaient de l’incertitude chez les gens d’affaires, signale le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc. « L’enjeu sera de trouver un juste équilibre entre s’assurer que les promoteurs les intègrent dans leurs plans et en même temps, ne pas déstabiliser un marché qui est porteur présentement », a-t-il expliqué.

Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a aussi salué le geste posé par la Ville pour améliorer l’offre en matière de logement social. Céline Magontier, responsable des dossiers montréalais au FRAPRU, déplore cependant que la Ville ait repoussé à 2021 l’entrée en vigueur du nouveau règlement pour « ménager les promoteurs » : « Pour nous, ce n’est pas la perte de profits des promoteurs immobiliers qui nous fait pleurer, ce sont les drames humains que vivent actuellement les ménages locataires, les familles qui n’arrivent pas à nourrir leurs enfants parce que leur loyer est trop cher ou celles qui se retrouvent à la rue ».

Mme Magontier a rappelé que le revenu moyen des ménages locataires montréalais était de 38 800 $ et que 87000 de ces ménages dépensaient plus de la moitié de leurs revenus pour se loger. Les besoins sont grands et il faut agir vit, a-t-elle indiqué.

À l’hôtel de ville, l’opposition n’avait pas de fleurs à lancer à l’administration Plante. « C’est un règlement qui va faire plus de mal que de bien. Il va augmenter encore plus le prix de logements à Montréal, chassant les familles de la classe moyenne vers les banlieues », a résumé le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez, qui a reproché à la mairesse de serrer la vis aux promoteurs dans son empressement à réaliser sa promesse électorale de créer 12 000 logements sociaux et abordables.

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