

Expo 67: vendre Montréal au reste du monde
Yves Jasmin est l’une des rares mémoires vivantes d’Expo 67. L’ancien directeur des relations publiques, des...
Relisez notre article publié le jour de l'inauguration officielle de l'Exposition universelle, le 27 avril 1967.
Le Canada, le Québec, Montréal et vingt millions de contribuables surtaxés célèbrent dans quelques heures la plus grande fête de leur histoire. À 4 h exactement, cet après-midi hurleront les sirènes, sonneront les cloches, chuinteront les réactés, s’élanceront les jets d’eaux, tonneront les salves dans un pied-de-nez de première magnitude aux pessimistes qui n’ont jamais cru la chose possible.
Mais elle est là, la chose, toute fin prête, quelques pieds carrés de pelouse en moins, et c’est dans un merveilleux chaos, un splendide désordre, un fouillis ravissant et une délectable odeur de friture que la rue à son tour va s’emparer demain de son inérrable joujou, symbole d’affluence, de prospérité — la poussière est sous le tapis — et de budgets crevés.
Mais le protocole est comme une vieille savate qui colle au talon, et c’est aux accents du God Save The Queen que le Canada cet après-midi, jour de l’inauguration officielle, célèbre son premier centenaire, en trainant nostalgiquement dans le deuxième les vestiges d’un passé qu’on croyait révolu.
C’est en effet aux accents du « Salut Royal », après une visite à l’hôtel-de-ville chez le maire Drapeau dans la matinée et un déjeuner de grand style au restaurant Hélène-de-Champlain, que sera accueilli à la Place des Nations à 14 h 30 le nouveau gouverneur général du Canada, Son Excellence Roland Michener, qu’une multitude d’invités et de journalistes, quelque 3000 personnes, auront précédé dans un ordre protocolaire minutieusement respecté. Réunis dans une opposition solidaire, MM. Jean Lesage et John Diefenbaker se trouveront dans le même autobus.
Hier déjà la Place des Nations située à l’extrémité occidentale de l’île Ste-Hélène avait pris son air de fête, sous un soleil de qui l’on exigera pas le coupe-fil s’il se présente à la barrière aussi radieux aujourd’hui. Des hôtesses, des gardes aux costumes rutilants de tous les pays déambulaient sur le square qui avait presque le charme de la place St-Marc à Venise. Dans le ciel, à basse altitude, les acrobates de l’aviation canadienne répétaient leurs voltiges impensables en formation dangereusement serrée. À quelques pas, dans le port, les bateaux-pompes disparaissaient un à un sous les fougères de leurs jets d’eau et, venue de nulle part, l’artillerie tirait ses salves à crever le tympan. Gentiment assises, impatientes de se débarrasser de leurs manteaux de pluie en plastique qui dissimule leurs gracieux uniformes, les hôtesses de l’Expo en blanc et bleu avaient pris place dans un ordre géométrique aux quatre coins de la place. Sous le grand sigle de l’Expo, la fanfare polissait les dernières mesures de la chanson-thème de Stéphane Venne, Un jour un jour.
Pour le commissaire général de l’Exposition universelle de Montréal, Son Excellence Pierre Dupuy — il est, juché sur cet immense gâteau de fête, la chandelle la plus petite mais la plus brillante — la journée d’aujourd’hui qui marque le terme de quatre années de travail et d’épuisants voyages, commence à 11 h 45 avec l’accueil des invités au déjeuner officiel du Hélène-de-Champlain, que la ville de Montréal, on le sait, a prêté à l’Expo pour toute sa durée.
M. Dupuy accueillera d’abord Son Excellence Roland Michener et son épouse, Monsieur et Madame Lester B Pearson, les premiers ministres des dix provinces et les commissaires des territoires du Nord-Ouest et du Yukon, le maire et Madame Jean Drapeau, qui rêva le premier de l’Expo et qui sans doute rêve déjà d’autres incroyables projets, les grands directeurs de la compagnie de l’exposition et les dignitaires des clergés.
Cependant, entre 13 h 30 et 14 h 30, quelque 650 reporters en service commandé, près de 450 distingués journalistes invités, 1200 personnalités diverses et près de 600 participants auront pris place dans les gradins qui surplombent la Place des Nations. Tout autour, et jusque sur le toit de la tour de la Bourse, les caméras du centre international de radio-télédiffusion transmettront en direct et en couleur à quelque 650 millions de téléspectateur l’inauguration de l’Expo par le truchement d’un satellite radio.
Parmi les invités : les députés fédéraux, les membres de l’Assemblée législative de Québec, le conseil municipal de Montréal, les membres du Conseil Privé et du Sénat, les commissaires des pavillons nationaux, les membres de la commission du centenaire canadien, les dignitaires de l’église, et quelques chanceux qui auront réussi à s’y fourvoyer s’il est possible de le faire en présence d’un contrôle nécessairement très rigide.
À 14 h, la fanfare de l’Expo attaque ses flon-flon et le gouverneur-général fait son arrivée en carrosse vingt minute plus tard, devant une garde d’honneur du 22e Régiment et dans le tonnerre d’une salve de 21 coups de canon.
Les principaux invités, MM. Pierre Dupuy, Jean Drapeau, le président du collège des commissaires généraux M. Jan Goris, le premier ministre du Québec M. Daniel Johnson, son collègue M. Pearson et enfin le gouverneur général seuls prononceront une allocution d’une durée de sept minutes, deux minutes s’il pleut. Alors la flamme de l’Expo sera allumée, M. Dupuy fera l’appel des nations, les drapeaux seront hissés et, à 4 h précises Son Excellence Roland Michener, dans les deux langues, proclamera l’inauguration officielle. La fanfare de l’Expo entonnera le God Save the Queen et puis enfin — il était temps, tout de même — le O Canada, que le menu des grands nostalgiques de ce pays nous offrent en dernier comme un pousse-café.
Du même coup, toute l’île — l’île de Montréal aussi — s’animera, depuis les cloches des Églises aux bateaux-pompes, aux jeux d’eau et dans le ciel, stridents, les « Golden Centenaire » qui ont ont troqué le Sabre pour un avion d’entraînement maniable dessineront — on ne sait trop comment — le symbole de l’Expo, et autres graffiti aériens.
À 18 h, dernière cérémonie officielle, pour aujourd’hui : M. Dupuy et ses invités inaugurent l’incroyablement riche musée d’art à proximité de la Place de l’Accueil. Quant à la soirée, la compagnie de l’Expo livre les deux îles à la joie des 16 000 employés qui l’ont bâtie, et à leurs familles.
La Ronde, le grand Luna-Park de l’Expo, à la pointe orientale de l’île Ste-Hélène, sera ouverte jusqu’à minuit, gratuitement, faut-il comprendre, car les règlements de l’Exposition universelle stipulent 183 jours au total, et aujourd’hui n’est que la veille de l’Expo. Il appert que les concessionnaires, s’il en existe plus d’un, se sont fait tordre le bras.
Voyez la «une» du 27 avril 1967.
Yves Jasmin est l’une des rares mémoires vivantes d’Expo 67. L’ancien directeur des relations publiques, des...
Expo 67 a permis d’expérimenter des formats novateurs en cinéma.
Serait-il possible aujourd’hui de lancer un projet d’une telle ampleur?
Le maire Jean Drapeau rêvait d’une grande tour pour l’Expo.
Relisez notre article publié le jour de l'inauguration officielle de l'Exposition universelle, le 27 avril 1967.