Montréal veut repeupler son centre-ville

Le secteur du Vieux-Montréal est visé par la Stratégie centre-ville.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le secteur du Vieux-Montréal est visé par la Stratégie centre-ville.

Le maire Denis Coderre a de grandes ambitions pour le centre-ville de Montréal. Le coeur de la ville connaît une effervescence immobilière depuis 10 ans et, désireuse de poursuivre dans la même veine, l’administration s’est mise en tête d’y favoriser le développement économique tout en augmentant le nombre de résidants et de familles, un projet accueilli avec beaucoup de scepticisme.

La Stratégie centre-ville dévoilée mercredi par le maire et par son lieutenant responsable du centre-ville, Richard Bergeron, présente les grandes orientations du plan de la Ville pour les 15 prochaines années.

 

Ainsi, la Ville de Montréal souhaite augmenter de 50 % le nombre de résidants au centre-ville d’ici 2030, ce qui équivaut à la population qui y habitait à la fin du XIXe siècle. Et en 2050, la population résidant au centre-ville pourrait doubler, croit l’administration Coderre.

« Pour avoir un Grand Montréal fort et un Québec fort, il faut un centre-ville fort », a martelé le maire Denis Coderre en conférence de presse, en insistant sur l’importance de concilier le développement économique et le développement social et en multipliant les formules sur la complémentarité, le décloisonnement, la qualité de vie et la fin du travail en vase clos.

Pour atteindre ces objectifs, la Ville a élaboré une stratégie qui se décline en trois grands chantiers, soit le développement d’un réseau complémentaire de transport en commun avec, notamment, le futur Réseau électrique métropolitain (REM) de la Caisse de dépôt et placement, un meilleur accès au fleuve et une conversion des ensembles institutionnels tels que les hôpitaux excédentaires ou le site de la tour de Radio-Canada.

Éviter les erreurs du passé

 

La Ville souhaite stimuler le développement du centre-ville comme pôle d’emploi en attirant des sièges sociaux et en augmentant de 800 000 mètres carrés les espaces de bureaux, et de 200 000 mètres carrés les espaces destinés aux commerces.

Le projet vise aussi à soutenir l’essor immobilier, à créer de nouveaux milieux de vie et à attirer (et à retenir) les familles. L’administration évoque l’implantation de nouvelles écoles, une augmentation de l’offre de services collectifs et l’augmentation de la superficie d’espaces verts.

Si le maire convient qu’on ne pourra accueillir des familles dans des 3 et demi comme il s’en construit beaucoup au centre-ville, il mentionne l’importance de construire des logements sociaux. À cet égard, l’administration promet une « application rigoureuse » de la stratégie d’inclusion, précise le document.

Denis Coderre croit qu’en se dotant d’un tel plan, la Ville pourra éviter les erreurs de planification qui ont marqué le développement de Griffintown, où les espaces verts et écoles vertes font défaut. « Le fait de dire ce qui va se passer dans les 15 prochaines années, je crois que ça envoie un message fort que nous comprenons que des erreurs ont été commises dans le passé et qu’on ne veut pas les répéter », a expliqué le maire.

La Ville évoque aussi sa volonté de sécuriser les grands axes pour les piétons et les cyclistes et d’adopter des mesures coercitives et incitatives pour encourager les propriétaires d’immeubles patrimoniaux à prendre soin de leurs bâtiments.

Des doutes

 

La stratégie de la Ville fait des sceptiques. Pour François Saillant, coordonnateur du FRAPRU, bien des questions sur la place des citoyens à faible revenu au centre-ville demeurent sans réponse. « Le maire s’est fait rassurant à plusieurs reprises en parlant de développement social et d’inclusion, mais ce sont des mots. Quels seront les moyens mis en place pour s’assurer que ça devienne une réalité ? La Ville va-t-elle s’assurer de la disponibilité de terrains au centre-ville spécifiquement à des fins de logement social et communautaire ? » s’est-il demandé en rappelant que bien des promoteurs contournaient la politique d’inclusion en se contentant de financer un fonds dont l’utilisation demeure floue.

Dans le district de Peter-McGill, les perspectives permettant de croire à une hausse de la qualité de vie demeurent limitées car ce secteur du centre-ville affiche un déficit d’espaces verts et les terrains vacants y sont rares, rappelle pour sa part Stéphane Febbrari, coordonnateur de la Table inter-action du quartier Peter-McGill. Ce groupe avait d’ailleurs milité pour que l’ancien terrain des Franciscains soit transformé en espace vert, mais en vain puisqu'un promoteur compte construire deux tours à condos sur le site.

42 logements en 10 ans

 

Pour espérer voir des familles s’installer au centre-ville, la Ville devra offrir des incitatifs aux promoteurs ou appliquer de façon plus serrée la politique d’inclusion de logements sociaux et abordables, signale M. Febbrari. Des 3200 logements construits dans ce secteur entre 2003 et 2013, seuls 42 étaient des logements sociaux, a-t-il rappelé.

De l’avis d’André Poulin, directeur général de Destination centre-ville, le plan de la Ville ressemble davantage à une « stratégie fourre-tout » destinée à plaire au plus grand nombre, en plus de comporter plusieurs incohérences.

Il souligne par exemple que le centre-ville compte un excédent d’espaces commerciaux et qu’en autorisant le projet de Royalmount à Mont-Royal, surnommé le « Quinze40 », l’administration n’aide pas la cause du centre-ville. De plus, l’offre d’espaces de bureaux surpasse la demande, ce qui rend difficile l’atteinte des objectifs de croissance évoqués dans la stratégie. Et en matière d’habitation, la cohabitation entre les condos de luxe et les logements sociaux manque de réalisme, ajoute-t-il.

« Les intentions sont nobles et les objectifs sont très intéressants, mais il y a lieu de s’inquiéter parce que, pour le moment, on a l’impression que tout ce qui est prôné dans la stratégie n’est pas mis en application à l’heure actuelle, croit pour sa part la conseillère de Projet Montréal, Valérie Plante. Si on veut avoir des familles, il faut des places publiques et des lieux où on peut se promener avec des poussettes et des enfants, pas des petits trottoirs de 70 centimètres. »

La stratégie fera l’objet d’une consultation pilotée par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) cet automne, et un plan d’action sera élaboré à l’hiver 2017.


Habiter le centre-ville

En 1881, le centre-ville de Montréal comptait 155 200 habitants. Avec la désindustrialisation et le déclin du Port de Montréal, la population a chuté à 82 700 habitants en 1990 avant d’augmenter progressivement au cours des années 2000. Ainsi, les données du recensement de 2011 révèlent que près de 100 000 résidants habitent le centre-ville et Montréal voudrait en ajouter 50 000 d’ici 2030.
 

Le centre-ville en chiffres

18 km2

100 000 résidants

300 000 travailleurs

150 000 étudiants

19 kilomètres de berges

15 stations de métro


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