Manifestation à l’hôtel de ville: une mésentente force la tenue d’un mégaprocès

C’est l’incapacité de parties bien campées sur leurs positions de s’entendre et de la magistrature à imposer des solutions qui entraînera des dépenses de plusieurs millions de dollars pour traiter d’infractions somme toute mineures par le biais d’un mégaprocès.
Les 65 personnes — 54 pompiers et 11 cols bleus — accusées d’attroupement illégal et de méfaits après avoir semé la pagaille à l’hôtel de ville de Montréal lors de la séance du conseil municipal du 18 août 2014 ont rejeté une offre d’absolution inconditionnelle car celle-ci aurait impliqué qu’elles plaident coupable.
Le président du syndicat des pompiers, Ronald Martin, qui est lui-même accusé, a indiqué en entrevue avec La Presse canadienne qu’il entend démontrer son innocence et celle de ses membres face à ces accusations. M. Martin a déploré le fait que la cause ne sera entendue qu’à compter d’avril 2018, soit quatre ans après les faits, mais il a précisé que le syndicat avait le devoir d’assumer des coûts qui s’annoncent prohibitifs « pour assurer la meilleure défense possible » de ses membres.
Me Daniel Rock, qui représente 54 des accusés, avait qualifié d’« exercice inutile et futile » la tenue d’un mégaprocès au Centre judiciaire Gouin lors de la conférence de gestion présidée par la juge Lori Renée Weitzman, mardi dernier.
Interrogé par La Presse canadienne vendredi, Me Rock s’est dit d’avis que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) aurait dû d’abord s’interroger sur le bien-fondé d’utiliser le Code criminel, d’autant plus qu’on a choisi de porter des accusations par voie sommaire, une procédure dont les conséquences sont beaucoup moins graves que des accusations criminelles.
Me Rock a soutenu que ses clients s’étaient livrés non pas à un « saccage », comme l’ont rapporté les médias, mais bien à du « désordre » lors d’un « incident qui a duré 20 minutes » dont la nature criminelle est contestable, selon lui.
Révision de procédures
La décision d’aller en mégaprocès survient alors que toute cette procédure est en voie d’être révisée.
La Directrice des poursuites criminelles et pénales, Me Annick Murphy, a mandaté le 16 octobre dernier un comité ayant « le mandat d’entreprendre une réflexion exhaustive sur la gestion des mégaprocès ».
Le rapport de ce comité, présidé par Me Michael Bouchard, qui a notamment été substitut en chef du procureur général et sous-ministre de la Justice du Québec et du Canada, est attendu à la fin du mois d’août.
Cette révision fait suite à l’échec du mégaprocès SharQc, où le juge James Brunton avait ordonné un arrêt des procédures, estimant que la Couronne avait trop tardé à déposer des éléments de preuve. Me Murphy avait également ordonné la tenue d’une enquête administrative sur ce retentissant échec.
Un rapport d’enquête a été remis au DPCP en décembre dernier, mais celui-ci a refusé de le rendre public jusqu’ici, de sorte qu’il fait présentement l’objet de requêtes en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.