Québec tarde à légiférer contre Uber

Le ministre québécois des Transports, Robert Poëti, a beau qualifier de prohibitifs les tarifs d’Uber et d’illégales ses façons de faire, le gouvernement libéral pourrait ne pas légiférer sur ce service avant deux ans. En attendant, le ministre Poëti presse les citoyens de tourner le dos à Uber compte tenu de son caractère illégal.
Plusieurs usagers d’Uber ont eu droit à de mauvaises surprises pendant le temps des Fêtes après avoir reçu des factures salées. TVA a présenté le cas d’une citoyenne ayant reçu une facture de 317 $ après une course dans la nuit du Nouvel An pour un trajet qui lui coûte habituellement 75 $ en taxi. D’autres usagers ont dû payer 525 $ cette nuit-là pour une course entre le centre-ville de Montréal et Laval.
C’est qu’Uber ajuste ses prix en fonction de l’achalandage dans certaines zones. Ainsi, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, la demande pour des voitures a bondi et Uber a fait grimper ses tarifs, jusqu’à huit fois les tarifs ordinaires.
Uber fait valoir qu’au moment de la demande de transport, les clients sont avisés de la hausse de tarif qui leur sera imposée. Ils doivent même inscrire eux-mêmes le « multiplicateur », soit le taux appliqué au tarif habituel. Cette fluctuation des prix n’est pas nouvelle et permet d’inciter davantage de chauffeurs à prendre la route en période de forte demande, soutient Jean-Christophe De Le Rue, porte-parole d’Uber.
Projets pilotes
« C’est complètement déraisonnable. C’est profiter d’une situation », croit pour sa part le ministre Robert Poëti, qui clame depuis des mois que le service d’Uber est illégal. Mais l’industrie du taxi pourrait devoir attendre deux ans avant que des modifications législatives soient apportées pour contrer Uber, car Québec désire d’abord compléter les quatre projets pilotes lancés cet automne. En entrevue, Robert Poëti ne précise pas d’échéancier, mais il se défend de ne pas agir. « Il y a eu 850 voitures qui ont été saisies. Il faut se le dire », lance-t-il.
Ces projets pilotes visent notamment l’octroi de permis aux véhicules électriques ainsi que l’application de tarifs réduits pendant des périodes déterminées.
D’ici des changements législatifs, le ministre presse les citoyens de ne pas avoir recours aux services d’Uber. Il affirme que la modernisation de l’industrie du taxi engagée au cours des derniers mois et le comportement des citoyens sont des facteurs à ne pas négliger pour contrecarrer Uber : « La meilleure réponse de l’industrie du taxi, c’est d’améliorer le service. Et la meilleure réponse des citoyens pour contrer des situations vécues durant la période des Fêtes, c’est de prendre des taxis légaux. Je pense que tout le monde ensemble, de cette façon-là, on va contrer davantage les gens qui viennent, à mon avis, abuser d’un système sans suivre les règles et profiter seulement de ce qui les intéresse. »
Robert Poëti invite Uber à régulariser sa position, à se plier aux mêmes règles que celles imposées à l’industrie du taxi et à s’acquitter des frais de permis. Rappelons qu’en août dernier, le ministre avait qualifié de « chiffon » la proposition de changements réglementaires soumise par Uber. L’entreprise suggérait également de verser une taxe de 10 ¢ par course.
De son côté, le Bureau de la concurrence a publié en novembre un avis favorable à l’égard d’Uber, un système qui stimule la concurrence. Mais le ministre Poëti ne partage pas cette opinion. « Uber a des impacts négatifs sur l’industrie du taxi à travers le monde, dit-il. Il y a d’innombrables poursuites. Le Bureau de la concurrence peut avoir une opinion, mais de recommander du transport illégal quand ces gens-là ont prouvé à travers le monde qu’ils ne respectent même pas les ententes qu’ils ont, je mettrais un bémol là-dessus. »
Nouveau service à Toronto
À Toronto, Uber ne se limite pas à rivaliser avec les taxis. Il empiète maintenant sur les plates-bandes du transport en commun par autobus et tramway, un service géré par la Toronto Transit Commission (TTC). À la mi-décembre, Uber a lancé le service de covoiturage UberHop, qui dessert quatre secteurs de la ville au coût fixe de 5 $ pour l’usager. Uniquement offert aux heures de pointe du matin et du soir selon des trajets prédéterminés, UberHop offre une solution aux tramways ou autobus bondés avec des véhicules pouvant accueillir six passagers. La Ville tente d’ailleurs de déterminer si ce service contrevient à la Loi sur la cité de Toronto, qui accorde le monopole à la TTC en matière de transport en commun.
Jean-Christophe De Le Rue indique qu’UberHop ne cherche pas à concurrencer le transport en commun. « Uber est une option parmi d’autres dans le cocktail de transport. Le compétiteur numéro 1 d’Uber et des autres compagnies de covoiturage, c’est vraiment l’auto solo », affirme M. De Le Rue. Selon lui, il est trop tôt pour dire si un tel service pourrait être implanté à Montréal.